26 syndicats et associations de médecins demandent la dissolution du Conseil de l'Ordre des médecins
26 syndicats de médecins et associations de patients ont demandé la dissolution du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) qui, selon eux, « protège des professionnels de santé corrompus et maltraitants » dans une tribune publiée, mardi 9 mars. « Inutile et nocive » sont les mots utilisés par les signataires pour juger l'instance censée garantir la déontologique des médecins français.
En décembre 2019 la Cour des comptes avait publié un rapport accablant à l’encontre de l’Ordre : des comptes « souvent incomplets et insincères », des « sanctions trop tardives » contre des faits d'agressions sexuelles.
Dans la tribune, on peut lire les points suivants :
- L'Ordre affirme représenter l'ensemble des médecins. Mais la démocratie à l'Ordre n'est ni directe ni représentative. Le rapport de la @Courdescomptes montre bien que sa gouvernance est peu représentative et qu'elle est fermée avec des cumuls de mandats très fréquents.
- L'Ordre se présente comme le garant de la déontologie. Mais de quelle qualité des soins parle-t-on quand il conteste le droit à l'IVG pour toutes les femmes ? Ou quand il s'oppose au tiers-payant ? Ou que son président défend l'existence des dépassements d'honoraires ?
- L'Ordre des médecins met en avant sa capacité de conseil juridique. Mais d’autres structures telles les Unions régionales des professionnels de santé, les syndicats ou les plateformes d'installation des ARS sont parfaitement aptes à renseigner les médecins.
- L'Ordre souligne sa capacité d'entraide pour les professionnels en difficulté : Le rapport de la @Courdescomptes montre que les premiers bénéficiaires de cette "entraide" sont les conseillers ordinaux eux-mêmes avec des indemnités allant jusqu'à 10 000 € par mois !
- L'Ordre dit veiller au maintien de la compétence des médecins. En réalité il est incapable d'identifier les praticiens dont l’insuffisance professionnelle ou l’état de santé rendent dangereux l’exercice de la médecine, et ne contrôle pas leur formation continue.
- L’Ordre déclare assurer un rôle d’instance disciplinaire pour les médecins. Or, cette institution protège les médecins corrompus et maltraitants, tout en maltraitant les usagers et des professionnels respectant leur éthique professionnelle.
Nous demandons donc la dissolution immédiate de l'Ordre des médecins et appelons l'ensemble des professionnels concernés, mais aussi la société toute entière à s'emparer de ce sujet. La santé est une question bien trop sérieuse pour la confier aux seuls médecins.
On peut en outre prendre comme exemple le récent communiqué de presse en soutien à la Dre Eugénie Izard : « Le Conseil de l'Ordre des médecins, complice des agresseurs » qui reprend le fait que plusieurs plaintes auprès de l'Ordre à l'encontre de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, condamné en décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, ont été "classées", tandis que certains médecins se voient "convoqués et rappelés à l'ordre pour non-confraternité" pour avoir critiqué la pratique des dépassements d'honoraires sur les réseaux sociaux, a expliqué à l'AFP Guillaume Getz, du Syndicat de la médecine générale (SMG), l'une des organisations à l'origine de la tribune.
Les médecins heurtés contre un mur
Malgré l’appel de la Cour des comptes à réformer et moderniser le fonctionnement du CNOM, de nombreux médecins se posent la question sur la possibilité d’atteindre cet objectif.
Un médecin nous disait hier « cette institution n’est pas réformable » et « est devenue obsolète » car tous les médecins sont tenus d’y adhérer, « on se croit dans un régime totalitaire ».
Dans la lutte contre les violences, il semble que le Conseil de l’Ordre ait choisi son camp et c’est sans surprise celui des médecins agresseurs. Après le rapport accablant de la Cour des Comptes (1), tant sur la gestion financière, que sur leur inefficacité dans la lutte contre les violences infligées par les médecins, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles, on aurait pu penser que l’Ordre des médecins (ODM) se serait remis en question, mais cela ne semble pas être le cas.
Au cours des dernières années, plusieurs affaires médiatisées de viols et agressions sexuelles sur des patients ayant conduit à la condamnation pénale de médecins, n’ont pas été traitées, sur le plan ordinal, avec la rigueur nécessaire. Ainsi en est-il des procès de deux gynécologues de la région parisienne, d’un généraliste de la région Nord ou encore de plusieurs psychiatres de la Sarthe (1). L’affaire de l’ex-chirurgien digestif Joël Le Scouarnec, accusé d’avoir agressé sexuellement des centaines de mineurs depuis la fin des années 1980 est une illustration emblématique de leur inaction. Dans cette affaire, l’ODM a été informé en 2005 par le Tribunal de Vannes de la condamnation du chirurgien. Un an plus tard, il est convoqué par l’ODM pour un entretien qui ne donnera lieu à aucune suite alors qu’en cas de condamnation pénale, une procédure disciplinaire doit être immédiatement engagée. Le chirurgien a donc continué à exercer et à agresser des enfants en toute impunité pendant de nombreuses années. Lorsque l’affaire éclate en 2017, l’ODM nie publiquement avoir été informé du passé judiciaire de Joël Le Scouarnec…
Récemment, c’est dans le traitement d’une affaire de violences sur mineurs que l’Ordre s’illustre encore.
Rappel des faits :
En 2014, la Dre Eugénie Izard, pédopsychiatre et fondatrice du REPPEA (Réseau de professionnels pour la protection de l’enfance et l’adolescence), fait un signalement au procureur pour des faits de maltraitances sur une enfant qu’elle a reçue et qu’elle suit en psychothérapie. Quelques mois plus tard, elle alerte de nouveau le juge des enfants saisi lors du premier signalement et ayant ordonné une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO). Le père de l’enfant, auteur désigné des violences, est médecin. Celui-ci porte plainte contre la Dre Eugénie Izard auprès du Conseil de l’Ordre des médecins, et dans un second temps, la retire en conciliation. L’Ordre des médecins choisit de s’auto-saisir de l’affaire et de continuer les poursuites contre la Dre Izard. Après avoir reçu un avertissement au Conseil Régional pour « immixtion dans les affaires de famille », la procédure aboutit cinq ans plus tard à une condamnation d’Eugénie Izard à trois mois d’interdiction d’exercice de la médecine pour « non-respect du secret professionnel » pour avoir fait « un signalement au juge des enfants » et non pas au Procureur de la République ou à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (2). Motif dont elle n’a jamais été accusée en cours de procédure, mais qui apparait dans la décision finale sans lui avoir laissé l’occasion de se défendre sur ce point. On lui reproche de nouveau l’immixtion dans les affaires de famille.
Sans connaître tous les détails de l’affaire, on peut s’étonner de la durée de l’instruction (5 ans), de la lourdeur de la sanction (3 mois d’interdiction d’exercer) et surtout du caractère dissuasif du motif choisi. En effet, sanctionner pour avoir signalé au juge des enfants et non au procureur alors même que le juge des enfants était déjà impliqué dans l’affaire pose question. On peut même se demander si la profession du père et agresseur présumé a plus influencé le Conseil de l’Ordre que le devoir de protection de l’Enfance qui s’impose à tout médecin. Le Conseil de l’Ordre a également fait le choix de continuer à poursuivre la pédopsychiatre, alors même que le père avait retiré sa plainte, pour « immixtion dans les affaires familiales » motif qui, dans une affaire de violences intra-familiales, laisse songeur….
Aujourd’hui, la protection de l’enfance est à l’abandon (3) : plutôt que des moyens, des numéros verts sont mis en place et plutôt que de former des professionnel·les de santé à la prise en charge de ces violences, on préfère sanctionner celles et ceux qui essaient de protéger les enfants.
Il est essentiel que les soignant·e·s puissent signaler les violences et sévices qu’ils·elles sont amené·es à constater. Seule une très faible proportion des signalements pour maltraitance infantile provient des médecins, comment comprendre alors cette décision de l’ODM dans cette affaire ? Il est difficile d’y voir autre chose qu’une tentative de silenciation et d’intimidation pour couvrir un système agresseur. La confraternité les pousse encore et toujours à protéger et couvrir un médecin accusé de violences et à prendre des mesures fortes afin de dissuader des lanceur·ses d’alerte. Cette affaire illustre une fois de plus l’inefficacité de la justice ordinale exercée par des pairs. Il est insoutenable de voir qu’un chirurgien déjà condamné pour détention d’images pédo-pornographiques ait pu poursuivre son activité auprès d’enfants, quand une médecin travaillant dans la protection de l’enfance écope d’une lourde sanction, avec interdiction d’exercer, pour un motif semblant fallacieux et sa gravité très relative.
Il semble encore et toujours important de rappeler que la « neutralité » dans le cadre de violences envers des personnes vulnérables équivaut à une complicité avec le (ou les) agresseur(s). C’est une trahison du devoir de soin, d’aide et de protection qui s’impose à tout·e soignant·e.
Pour conclure, nous adressons, bien sûr tout notre soutien à la Dre Eugénie Izard et espérons que cette décision ne découragera pas d’autres soignant·es de signaler les violences que leurs patient·es peuvent subir.
Sources :
(1) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lordre-des-medecins
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