A. Rousseau et son "absence d’effets secondaires". Pour le CDJM, France Inter aurait du rectifier cette information inexacte
Le 3 octobre 2023, Aurélien Rousseau, ancien ministre de la Santé, répondait à Léa Salamé sur France Inter à propos de la campagne de vaccination covid-19 qui était juste lancée.
La journaliste qui interrogeait Aurélien Rousseau lui a posé la question :
« on ne va pas forcer les gens à se faire vacciner (i.e contre la COVID-19) donc comment pouvez-vous convaincre les personnes qui nous écoutent ce matin d’aller tout à l’heure se faire vacciner ? »
Aurélien Rousseau répondait :
« Je leur dis, on a un vaccin qui est plus efficace que celui de l’an dernier, il correspond parfaitement aux souches, bon voilà, et on a un vaccin, maintenant, on a 3 ans de recul, on sait qu’on n’a pas d’effets secondaires et donc il faut y aller ! »
Aurelien Rousseau a été visé par plusieurs plaintes à la Cour de Justice de la République dont celle du Pr Perronne et de Xavier Azalbert qui a été classée sans suite au motif que rien ne paraissait choquant dans les propos tenus par le ministre. Le Pr. Perronne et Xavier Azalbert avait en conséquences déposé une plainte conte les magistrats de la CJR pour déni de justice, elle aussi classé rapidement sans suite. Ne s’en tenant pas là, Xavier Azalbert avait fait une saisine quasi identique de l’ARCOM et du CDJM Conseil de déontologie journalistique.
L’ARCOM botte en touche en une réponse incomplète
Réunie en collège plénier le 7 février 2024, l’ARCOM a délibéré et la direction de la communication a transmis la décision à France-Soir le 4 mars 2023. Elle estime que « la diffusion ne saurait constituer un manquement de la station à ses obligations déontologiques en matière d’honnêteté de l’information dans la mesure où la formulation litigieuse s’apparente à une facilité de langage et non à une volonté de tromper le public, l’ANSM considérant, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, que les vaccins contre la covid-19 sont efficaces sur la population ciblée par la vaccination en France. Dès lors, elle n’est pas intervenue à son encontre. »
L’ARCOM s’est donc contentée de répondre partiellement sur un seul des deux points visés, à savoir l’efficacité et n’a donc pas répondu sur les effets secondaires. Ce qui est étonnant puisqu’ils mentionnent l’ANSM, qui ne peut ignorer leur existence.
Le CDJM juge que la publication n’a pas fait son travail en ne corrigeant pas l’erreur et Léa Salamé échappe de justesse au grief d'exactitude et de vérité
Le CDJM a statué le 13 février sur une saisine de Xavier Azalbert du 7 octobre 2023 et de Monsieur Nougaret du 2 janvier 2024.
- M. Xavier Azalbert, directeur de la publication de Francesoir.fr, a saisi le CDJM à propos du contenu d’une séquence diffusée par France Inter à 8 h 20 dans l’émission « le 7/10 » du 3 octobre 2023. Il énonce trois griefs : non-respect de l’exactitude et de la véracité, absence d’offre de réplique et absence de distinction entre publicité et information. Il estime que Madame Léa Salamé, journaliste, n’a pas respecté l’obligation d’exactitude et de véracité en ne questionnant pas M. Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, sur les effets secondaires de la vaccination contre la covid-19. Il note que la journaliste « n’a pas repris le ministre de la Santé sur l’existence des effets secondaires de la vaccination » et argue qu’il y a défaut d’offre de réplique car « le ministre de la Santé qui n’est pas médecin n’avait pas de contradicteur alors qu’il s’exprimait sur un sujet du ressort de [son ministère] ».
- Le 2 janvier 2024, M. Gilles Nougaret a saisi le CDJM du contenu de la même séquence, en ajoutant au grief d’inexactitude celui de non-rectification d’une erreur.
Ni France Inter, ni Léa Salamé mis en cause n’ont apporté de réponse au CDJM
Dans l'avis du CDJM, on peut lire que le 20 octobre 2023, puis le 18 janvier 2024 après réception d’une seconde saisine introduisant un nouveau grief, le CDJM a adressé à M. Jean-Philippe Baille, directeur de l’information de Radio France, avec copie à M. Marc Fauvelle, directeur de l’information de France Inter, et Mme Léa Salamé, journaliste, un courrier les informant de ces saisines et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours. À la date du 13 février 2024, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.
Le CDJM en séance a donc revu la saisine et conclut à un fondement partiel
- Réuni en séance plénière le 13 février 2023, le CDJM estime « que la règle déontologique d’exactitude et de respect de la véracité n’a pas été enfreinte par la journaliste de France Inter ». Cet avis a été adopté à l’issue d’un vote à égalité des voix (8 pour, 8 contre), départagé par la voix prépondérante de la présidente selon le Règlement intérieur.
De plus, six des conseillers, ayant voté contre la décision de ne pas retenir le grief d’inexactitude et d’atteinte à la véracité, ont tenu à ce que l’expression d’avis minoritaire soit insérée en application de l’article 6 alinéa 4 du règlement intérieur du CDJM. En voilà la teneur :
« En octobre 2023, soit presque trois ans après la première vaccination contre le virus du Covid, la journaliste qui conduisait l’entretien avec le ministre de la Santé ne pouvait ignorer, selon nous, la question des effets secondaires, documentés notamment par les organismes de santé publique. Cette question a également fait l’objet de nombreux traitements dans les médias.
Nous remarquons qu’à la fin de cette interview d’environ vingt-cinq minutes, le thème des effets indésirables est abordé à propos du cannabis thérapeutique.
À nos yeux, les conditions de réalisation (en direct) et le manque de temps pour réagir ne nous paraissent pas suffisants pour justifier l’absence de nuance qu’aurait dû apporter la journaliste aux propos du ministre.»
- Les conseillers du CDJM sont donc non seulement bien informés de l’existence des effets secondaires mais aussi considère vraiment que la bonne information du public est une priorité. Donc, seule la voix de la présidente a évité, à la journaliste, le grief d’exactitude ou de véracité. Peut-on y voir un acte de corporatisme où il fallait sauver le bon soldat Léa Salamé ? Elle n’a pourtant pas répondu aux questions du CDJM, ce manque de respect du CDJM aurait pu lui valoir moins de clémence comme en témoigne l’expression minoritaire.
- Cependant, le CDJM a évalué par consensus « que le média, éditeur de la séquence disponible en ligne a posteriori, a enfreint celle qui impose de rectifier une erreur ou toute information qui se révèle inexacte de manière rapide, explicite, complète et visible ». Les autres griefs n’étant pas jugés fondés.
En conclusion, la CJR ne juge pas fondé le grief contre Aurélien Rousseau, l’ARCOM non plus, mais le CDJM faisant preuve de plus d’objectivité estime que France Inter n’a pas respecté les règles et il s’en est fallu vraiment de peu pour que Léa Salamé, pourtant journaliste expérimentée, ne se retrouve avec un grief d’exactitude et de respect de la véracité. Gageons qu’à la lecture de la dernière étude publiée et revue par les pairs qui conclut à la non-efficacité de la vaccination et l’aggravation de la maladie postérieurement à la vaccination dans de nombreux cas, la conclusion aurait pu être différente.
Annexe
Pour plus de détail, nous publions l’avis complet du CDJM.
La séquence mise en cause s’inscrit dans une interview radiophonique (également filmée) d’une vingtaine de minutes de M. Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, réalisée en direct le 3 octobre 2023 et menée par Mme Léa Salamé et M. Nicolas Demorand.
À 5 min 9 s du début de l’entretien, Mme Salamé interroge le ministre sur la vaccination anti-Covid : « Oui, mais enfin, on ne va pas forcer [les gens], donc comment vous vous pouvez convaincre ce matin ceux qui nous écoutent d’aller tout à l’heure se faire vacciner ? »
Et le ministre répond : « Eh bien je leur dis : “On a un vaccin qui est plus efficace. Il est plus efficace que celui de l’an dernier. Il correspond parfaitement aux souches, voilà. Et on a un vaccin, dont – maintenant on a trois ans de recul – on sait qu’on n’a pas d’effets secondaires, et donc il faut y aller.” Et, par ailleurs, on est dans un climat global, où j’espère qu’on arrive à porter sur le papillomavirus, sur la bronchiolite, sur le Covid, sur la grippe. Il y a une dynamique, où moi je veux montrer que la vaccination, c’est le progrès. »
Sur le grief d’inexactitude et d’atteinte à la véracité – pas de faute déontologique caractérisée mais un vote partagé avec 8 voix pour et 8 contre
- Le CDJM note tout d’abord qu’un « effet secondaire», selon l’acception du terme validée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est « un effet connu, autre que celui principalement recherché, en rapport avec les propriétés pharmacologiques d’un médicament ». Il relève donc qu’en ce sens, un médicament peut s’avérer avoir des effets secondaires « désirables » ou « indésirables », ces derniers s’entendant, toujours selon l’OMS, comme « toute réponse nocive et non voulue à un médicament ».
- Sur cette base, le CDJM constate que les données disponibles pour la France font apparaître que les vaccins administrés contre le Covid-19 ont fait l’objet de signalement d’effets indésirables, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé(ANSM), donc secondaires. Lors de son dernier décompte datant du 8 juin 2023, l’ANSM a comptabilisé 193 934 cas déclarés depuis le début de la vaccination (un cas déclaré ne signifiant cependant pas que l’effet est imputable au vaccin), dont certains sont des signaux confirmés, c’est-à-dire des cas pour lesquels le lien entre l’effet indésirable et le vaccin est avéré, selon les critères de l’ANSM.
- Au regard des données disponibles pour la France, il se révèle donc inexact, comme l’a fait le ministre de la Santé, de dire à propos du vaccin contre le Covid-19 : « On sait qu’on n’a pas d’effets secondaires. »
- Mme Salamé n’a pas réagi à cette inexactitude. Elle n’a pas fait préciser par M. Rousseau son affirmation sur l’absence d’effets secondaires de la vaccination anti-Covid (qui aurait pu porter sur la gravité, ou non, des cas indésirables signalés, ou sur la fréquence de leur survenue, par exemple). Elle n’a pas non plus apporté cette correction elle-même, ce que doit faire un intervieweur en pareil cas face à un interviewé qui met en avant une information fausse ou partiellement exacte.
Le CDJM observe, cependant, que les contraintes imposées par le direct ne sont pas les mêmes que celles d’un entretien enregistré pour diffusion ultérieure ou reconstitution écrite sous forme de questions/ réponses. En l'occurrence, d’une part ces contraintes (obligation de respecter la une durée fixée pour l’interview, nécessité de tenir un angle, impossibilité de montage, contact permanent de la journaliste avec le réalisateur de l’émission) et d’autre part la portée relative de l’imprécision sur la nature des effets secondaires enregistrés par l’ANSM conduisent le CDJM à considérer qu’il n’y a pas faute déontologique caractérisée.
Sur le grief de non rectification d’une erreur – Grief fondé
- Le CDJM constate qu’au jour de l'adoption du présent avis, et bien que France Inter ait été averti des présentes saisines par courriers des 20 octobre 2023 puis 18 janvier 2024, le média n’a apporté aucun rectificatif sur la page de la vidéo de cette interview disponible en ligne, ni sur la vidéo elle-même. Il n’a pas respecté, ainsi, l’obligation déontologique de rectifier de manière rapide, explicite, complète et visible une erreur ou toute information publiée qui se révèle inexacte.
Sur le grief d’absence d’offre de réplique – non fondé
- Le CDJM rappelle qu’au regard des chartes auxquelles il se réfère, l’offre de réplique s’applique lorsque des personnes ou organismes sont mis en cause –ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le grief d’absence d’offre de réplique est non-fondé.
Sur le grief de non-respect de la distinction entre publicité et information – non fondé
- Le CDJM considère que l’interview du ministre de la Santé sur un sujet de santé publique n’est pas assimilable à de la publicité, mais qu’elle revêt un caractère d’information d'intérêt général pour le public. Il estime donc que le grief de non-respect de la distinction entre publicité et information n’est pas fondé.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
- Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
- Il veille à ce que « la notion d’urgence ou d’immédiateté dans la diffusion de l’information ne [prévale] pas sur la vérification des faits, des sources et/ou l’offre de réplique aux personnes mises en cause », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 5).
- Il doit « refuser et combattre, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011).
- Il ne doit jamais « confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste » et « n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n 9).
- Il doit « éviter toute confusion entre son activité et celle de publicitaire ou de propagandiste », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 13).
- Il « fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révélerait inexacte », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011).
- Il « rectifie toute information publiée qui se révèle inexacte », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n 6).
- Il « s’efforcera par tous les moyens de rectifier de manière rapide, explicite, complète et visible toute erreur ou information publiée qui s’avère inexacte », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 6).
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