De l'ANSM à l'EMA, une promotion polémique pour Ratignier-Carbonneil
La directrice de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Christelle Ratignier-Carbonneil, a été élue vice-présidente du conseil d’administration de l’Agence européenne du médicament (EMA), ce lundi 20 juin. Une promotion à l'international qui fait débat, puisqu'elle arrive après quelques années tumultueuses.
Après l’ANSM, direction l’EMA
Un communiqué de l’ANSM, publié le 20 juin, annonce que le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil présidera durant trois ans à l'EMA, au côté de Lorraine Nolan, présidente du conseil d’administration.
En décembre 2020, tout juste nommée directrice de l'ANSM, Christelle Ratignier-Carbonneil déclarait : "Je m’emploierai chaque instant à ce que l’ANSM soit une agence à l’écoute de tous les usagers, de toutes leurs attentes [...] Une agence au sein de laquelle, dans l’ensemble de ses activités, chaque décision, chaque action, soit guidée par un objectif de sécurité des patients exposés au produit de santé".
Tout au long de son mandat, les propos de l'ex-directrice de l'Agence nationale ont été hautement commentés. Concernant les troubles menstruels liés à la vaccination, par exemple, elle affirmait en décembre 2021 : «Nous avons eu quelques centaines de signalements de troubles menstruels, à la fois avec Pfizer et Moderna". Mais selon elle, ceux-ci n'étaient la plupart du temps que de "courte durée"».
En conséquence des injections, de nombreuses femmes subissent aujourd'hui des douleurs menstruelles, des saignements anormaux… Certaines doivent même envisager des décisions bouleversant à tout jamais leur vie, comme l'hystérectomie, c'est-à-dire une ablation de l'utérus.
L’ANSM et les crises successives
Succédant à Dominique Martin, l’ex-directeur général de l’ANSM alors nommé médecin-conseil national de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam), le mandat de Christelle Ratignier-Carbonneil a été tumultueux.
Pour rappel, l'ANSM est née avec le procès du Médiator. Cette affaire sanitaire et judiciaire a présenté un danger pour les personnes victimes de la prise de benfluorex, commercialisé sous le nom de Médiator par les laboratoires Servier de 1976 à 2009. Ce médicament antidiabétique et pour les personnes souffrant d'hypercholestérolémie est responsable de la mort de près de 500 à 2 000 personnes. Dans le procès rendu le lundi 29 mars 2021, le tribunal a condamné le laboratoire Servier à 2,7 millions d'euros d'amende pour "tromperie aggravée".
De son côté, l'ANSM a été condamnée à payer 303 000 euros d'amende, puisqu’elle a tardé à suspendre la commercialisation du produit. Le tribunal correctionnel a jugé que l’agence a "failli dans (son) rôle de police sanitaire et de gendarme du médicament".
L’affaire du Lévothyrox, médicament pour la thyroïde, a plus tard fait l’objet d’un autre scandale sanitaire. Le laboratoire Merck a été définitivement condamné à verser 1 000 euros aux 33 329 patients qui ont porté plainte pour "défaut d’information". Entre 2017 et 2018, des patients traités avec la nouvelle formule du médicament Lévothyrox, ont subi de lourds effets secondaires. En 2019, ils décident unanimement de porter plainte contre le laboratoire pharmaceutique allemand Merck.
Quid du rôle de l’ANSM à ce moment-là ? Légitimement, certains patients s’interrogent quant à la modification de la formule. Cependant, l’ANSM estime que le changement de composition est "définitif", malgré une pétition en ligne ayant regroupé près de 40 000 signatures pour réclamer un retour à l’ancienne formule. Et en 2018, lorsque l'ANSM confirme la présence de métaux lourds dans la nouvelle formule, bien qu’elle ait assuré auparavant qu’il n’y avait aucun risque. Une nouvelle fois, l'autorité nie les faits. Selon elle, "les informations mettant en cause la qualité de la nouvelle formule du Levothyrox sont infondées." L'ANSM assure que "cela ne représente pas un risque pour la santé".
D'après Les Échos, une action collective en justice a été lancée contre l'agence du médicament (ANSM) dans l'affaire du Levothyrox, par un avocat qui espère obtenir 15 000 euros par demandeur.
Et rebelote en novembre 2020, lorsque l’ANSM a été mise en examen pour "blessures et homicides involontaires par négligence". Il s'agit de l'affaire du Dépakine, un anti-épileptique, à l'origine de malformations congénitales.
En somme, les scandales de santé publique ne datent pas d’hier. Cependant, certains s'alarment quant au rôle contesté de l'ANSM. Selon Philippe Courtois, avocat bordelais, "pour les scandales sanitaires, l'ANSM est une alarme qui ne sonne jamais". Me Courtois met en cause le rôle des "médecins, laboratoires et les organismes de contrôle". Et se risque à penser que ce sont toujours les victimes qui alertent, peu prises au sérieux et maltraitées par les autorités de santé.
D'autre part, l’avocat rapporte que l'ANSM est financée à 80 % par les taxes payées par les laboratoires, notamment "celle prélevée pour l'autorisation de mise sur le marché d'un produit".
L'EMA absente de l’audition de l’OPESCT sur les effets indésirables liés à la vaccination
Concernant les effets secondaires déclarés suite à la vaccination anti-covid, l'ex-directrice de l'Agence du médicament assurait qu'après une semaine de vaccination, "aucun effet indésirable grave a été reporté chez les personnes qui ont été vaccinées". Pourtant, les victimes ont adressé une pétition au Sénat. Celle-ci a été plus ou moins entendue, puisqu'une audition publique organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) avait lieu le 24 mai dernier.
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Si d'un côté, l’EMA contrôle les médicaments, permettant ainsi leur autorisation de mise sur le marché de l’Union européenne, de l'autre, l’ANSM garantit la sécurité des médicaments et des produits de santé en France. Eu égard au caractère international de la crise sanitaire et du côté coopératif de sa gestion, d'aucuns s'interrogeaient quant à l'absence de l'EMA lors de l'audition de l'OPECST. Souvent, l'ANSM y éludait les questions en renvoyant à l'absente. Et les absents ont toujours tort ?
Cédric Villani conclut en relevant qu’il aurait fallu que l’EMA (Agence européenne des médicaments) soit présente, qu’il la solliciterait par écrit - c’était un peu l’éléphant dans la pièce (ou plutôt absent…) car l’ANSM renvoyait régulièrement vers l’Europe…
— FranceSoir (@france_soir) May 24, 2022
Pour la suite, Christelle Ratignier-Carbonneil paraît confiante. Elle déclare être "intimement convaincue qu’une collaboration étroite et une approche partenariale entre les agences nationales telles que l’ANSM et l'EMA sont essentielles pour faire face aux défis actuels et préparer les dix prochaines années à venir". La vice-présidente ajoute vouloir "accélérer l'innovation tout en renforçant la sécurité pour tous les citoyens européens". Elle semble ainsi s'inscrire dans le groupe de ceux qui prédisent de nouvelles péripéties sanitaires, aux côtés de l'OMS et de Bill Gates, entre autres.
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Ce récent changement de poste pour Christelle Ratignier-Carbonneil reste peu commenté. Toutefois, certains espèrent un changement de cap de l'EMA, mais surtout une prise de responsabilité, notamment au niveau des effets secondaires de la vaccination.
Le conseil d’administration de l’EMA élit Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’@ANSM comme vice-présidente. On espère qu'elle saura oeuvrer pour ouvrir des signaux de sécurité remontés par les CRPV.https://t.co/fymyyaavhT
— Christine Cotton (@ChrisCottonStat) June 21, 2022
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