Selon un sondage OpinionWay pour Les Échos, 58% des Français jugent négative l’action économique d’Emmanuel Macron depuis 2017. 6 Français sur 10 considèrent que leur pouvoir d’achat a baissé au cours de son quinquennat. Un ressenti négatif, qui va à l’encontre de toutes les déclarations du gouvernement à ce sujet, mais aussi des chiffres publiés dans divers rapports économiques. Comment l’écart entre le ressenti des Français et les chiffres officiels peut-il être si éloigné ? Quelle est la réalité économique ?
Un bilan positif selon l’Élysée
Selon un récent
sondage, le pouvoir d’achat arrive en tête des sujets qui compteront le plus dans le choix des électeurs lors de la présidentielle, devant la sécurité et la protection sociale. Il est donc normal, à quelques mois des élections, que l’exécutif tente de vanter son bilan. « En 2021, le pouvoir d’achat a augmenté de plus de 2% » a affirmé Bruno Le Maire, le 13 septembre sur LCI. « Emmanuel Macron, président du pouvoir d’achat » a insisté Jean Castex lors de son intervention au journal de 20h00, le jeudi 21 octobre.
Les rapports du gouvernement vont également dans le sens d’une progression du pouvoir d’achat. Selon le
rapport Économique social et financier de 2022, publié début octobre par la Direction générale du Trésor, le pouvoir d'achat des Français a nettement progressé entre 2017 et 2022. Les ménages les plus modestes en seraient les principaux bénéficiaires. Ce constat s’appuie sur l'indicateur du "pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages", c’est-à-dire à la somme de l'argent perçue dans le cadre du travail et des revenus du patrimoine (loyers, dividendes) ainsi que des prestations sociales (retraites, allocations), moins les cotisations sociales et les impôts directs, le tout rapporté à l'inflation, c'est-à-dire à l'évolution des prix.
D’après le rapport, l’ensemble des catégories de revenu ont bénéficié des mesures gouvernementales et ont vu leur pouvoir d’achat augmenté depuis 2017. Les revenus les plus faibles en seraient les plus grands bénéficiaires, avec une hausse de 4% du pouvoir d'achat pour les 10% des ménages les plus pauvres.
Cette hausse du pouvoir d’achat serait due, entre autres, à des mesures telles que la suppression de la taxe d'habitation, l'exonération de certaines cotisations sociales sur les heures supplémentaires ou encore le chèque énergie. Ce tweet de LREM relie d’ailleurs directement la baisse des impôts avec la hausse du pouvoir d’achat :
Mais la hausse du pouvoir d’achat des Français peut-elle être liée uniquement à la baisse du taux de la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu et la suppression progressive de la taxe d’habitation ? Même si ces baisses d’impôt sont des mesures qui ont bénéficié aux contribuables, l’évolution du pouvoir d’achat des ménages par unité de consommation a été plus contrastée sur ces trois années pleines du quinquennat, notamment du fait de la crise sanitaire. Selon l'INSEE, par unité de consommation, l’évolution du pouvoir d’achat est moins importante et a même été de 0% en 2020. En cause notamment, l’évolution du coût de la vie et des biens de consommation.
Le coût de la vie en hausse ?
Depuis plusieurs mois, notamment avec la flambée des coûts des matières premières et de l’énergie, le coût de la vie ne cesse d’augmenter. En octobre 2021, les prix à la consommation ont augmenté de 2,6 % sur un an, selon l’INSEE. De nombreux produits sont engagés dans une spirale inflationniste depuis la reprise économique. Presque chaque jour, un pôle de dépense des foyers français est tiré à la hausse. Selon une
enquête Odoxa-Groupama réalisée pour France Bleu, ce sont les dépenses en carburant, suivies de près par le gaz, les impôts et le fuel que les Français trouvent les plus difficiles à supporter.
Les cours du pétrole se sont envolés : les prix du gazole et du super sans plomb ont augmenté de 12% et 16%
depuis le début de l’année. Un plein de SP95 coûte désormais au minimum 20 euros de plus qu’il y a neuf mois. Même constat pour l'eau : selon une enquête de 60 Millions de consommateurs portant sur 130 communes, la facture a gagné 10,7% en moyenne depuis dix ans. Ce qui provoque d’ailleurs la colère de nombreux individus.
TWEET
La Banque de France estime que cette inflation est "de nature temporaire, mais peut encore durer plusieurs trimestres", et certaines hausses des prix sont effectivement déjà prévues pour 2022 : La Poste a
annoncé ce lundi une augmentation des tarifs du courrier de 4,7% en moyenne au 1er janvier 2022, avec en particulier une très forte augmentation du timbre rouge pour les lettres prioritaires, qui passera à 1,43 euro.
Le prix de la baguette française pourrait aussi fortement augmenter. Le prix du blé a grimpé de 30% en un an, or il représente parfois plus de 20% des dépenses d’une boulangerie. « Tous les feux sont aux rouges » selon Dominique Anract, le président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF)
Concernant les tarifs des complémentaires santé, ils atteignent des niveaux records. Pour une mutuelle avec des garanties renforcées, un couple de seniors en France doit payer 10 euros de plus que l’an passé. L'étude annuelle de
Meilleurtaux.com dévoilée par Europe et Le Parisien a mis en lumière les difficultés d’accès aux soins pour de nombreux ménages modestes.
Certaines factures risquent donc de s’alourdir de dizaines, voire de centaines d’euros. Presque chaque jour, un pôle de dépense des foyers français semble augmenter, le coût de la vie ne cesse de croître. Conséquence : les trois quarts des Français (75%) estiment que leur pouvoir d'achat diminue, malgré les aides de l’État.
Pourquoi un tel décalage ?
Les chiffres présentés par le gouvernement et par les différents rapports économiques sont des moyennes, qui cachent en réalité de grandes disparités. François Carlier, délégué général de l'association de consommateurs CLCV,
pointe du doigt la imite des statistiques : "Quand l'Insee ou l'administration parlent des Français, ils parlent en réalité d'une moyenne. Mais la plupart des Français ne sont pas comme le Français moyen". Xavier Jaravel, meilleur jeune économiste de 2021 a quant à lui démontré dans ses travaux que 20% des Français subissent en réalité une inflation double à celle affichée par l’INSEE.
L’OFCE a publié en février 2020 une évaluation de l’impact des mesures prises depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, et va également dans le sens d’une remise en question du bilan positif pour tous les ménages. Selon
ce rapport, la politique gouvernementales d’Emmanuel Macron serait défavorable pour 5% des Français les plus pauvres.
De plus, les hausses des prix portent sur des dépenses auxquels les Français peuvent difficilement échapper : les dépenses contraintes, appelés aussi les dépenses « pré-engagées ». Ce sont celles qui sont engagées par contrat, difficilement négociable à court terme, et qui font souvent l’objet d’un débit automatique (assurances, abonnements téléphoniques, internet, loyers, remboursements d’emprunts, frais de cantine, etc). Entre 2001 et 2017, le poids des dépenses pré-engagées dans la dépense totale des ménages a augmenté de cinq points, passant de 27 % à 32 %, selon
France Stratégie. Et cela a certainement encore augmenté depuis.
Quelques exemples : la
taxe foncière a augmenté de 28% en 10 ans. Dans l’agglomération parisienne, l’IRL (Indice de référence des loyers) a augmenté de 9,8% sur dix ans.
S’ajoute à cela des salaires gelés depuis plusieurs années, comme notamment les fonctionnaires.
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Et au niveau européen ?
La France se classe au 15ème rang européen en termes de pouvoir d’achat, selon une étude menée par GFk. Une des raisons : faire ses courses en France coûte plus cher que dans la grande majorité des pays d’Europe. Nous payons en moyenne nos courses 15 % de plus que les autres pays et cet écart ne cesse de croître : il était de +8 % en 2013, et de +12 % en 2016.
80% des aliments consommés chaque année en France sont cultivés et produits dans l’Hexagone, alors pourquoi est-ce si cher de faire ses courses en France ? Plusieurs raisons : la prédominance des hypermarchés, qui tire les indices vers le haut à cause de la présence de produits premium, régionaux ou locaux. La loi Egalim, adoptée en France fin 2018, a également son rôle à jouer puisqu’elle a déclenché une inflation qui est venue accroître les marges de l’industrie agroalimentaire et de la distribution, sans revalorisation des prix pour les producteurs.
Pour aider les ménages Français qui peinent à joindre les deux bouts, le gouvernement a offert 100 euros à tous les français touchent moins de 2000 euros par mois. Cette mesure « pansement » est-elle à la hauteur de l'inflation, alors que près de
46% des Français sont à découvert au moins une fois par an ?