L'agriculture n'est pas seule responsable de la présence de glyphosate dans l'eau

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 18 août 2024 - 16:15
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Manifestation contre le glyphosate en soutien à des militants en procès, le 17 août 2017 à Foix dans
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© REMY GABALDA / AFP
Manifestation contre le glyphosate en soutien à des militants en procès, le 17 août 2017 à Foix dans l'Ariège.
© REMY GABALDA / AFP

Honni par les défenseurs de l’environnement, et quasiment banni par la législation européenne, le glyphosate est toujours présent dans les rivières du vieux continent. Pourquoi ? Une récente étude de l’université allemande de Tübingen, publiée dans le Water Research, explique que les traces de cet herbicide retrouvées dans l’eau seraient imputables aux additifs présents dans les produits d’entretien tels que le détergent, ou encore la lessive.

Longtemps considéré comme un outil indispensable pour maintenir les rendements agricoles, le glyphosate et les dangers qu’il induit sont pointés du doigt depuis quelques années déjà, et on tente de s’en débarrasser par tous les moyens possibles. Pour ce faire, on mène la vie dure aux agriculteurs, considérés comme étant les premiers épandeurs de glyphosate. Et s’ils n’étaient pas la source du problème ? Ou du moins, pas la seule ?

Comme l’a rapporté Le Point dans un article du 1er août 2024, l’étude allemande publiée dans le Water Research remet en perspective nos excès de zèle environnementaux et sanitaires. Que dit-elle ?

L’herbicide le plus utilisé au monde

Le glyphosate est l'herbicide le plus utilisé au monde, commercialisé depuis les années 1970 sous la marque Roundup par Monsanto, aujourd'hui propriété de Bayer. Il est utilisé non seulement dans l'agriculture pour éliminer les mauvaises herbes, mais aussi dans l'entretien des espaces publics et des jardins privés. Le hic, c’est que son utilisation massive a conduit à une pollution démesurée, notamment dans les écosystèmes aquatiques. De nombreuses études menées aux États-Unis et en Europe montrent une présence inquiétante de glyphosate dans les rivières. Or, il ne s’agit pas seulement d’une question environnementale, mais aussi de santé publique, puisque les eaux des rivières alimentent souvent les réserves d’eau potable.

Voilà globalement ce qu’on savait de lui jusqu’à présent, ce qui nous a menés à faire le lien entre présence de glyphosate et agriculture intensive.

États-Unis : une législation souple et des rivières contaminées

Aux États-Unis, ce lien est toujours valable, notamment parce que la réglementation concernant l'utilisation du glyphosate est relativement souple. Bien que l'Environmental Protection Agency (EPA) ait reconnu des risques pour l'environnement liés à cet herbicide, l'agence a longtemps maintenu que le glyphosate n'était pas cancérigène pour l'homme, soutenant ainsi son utilisation continue. Une position qui n’a pas plu à tout le monde, évidemment.

Résultat, comme le montre l’étude citée citée par Le Point, en s’appuyant sur les données américaines, les pics de concentration de glyphosate et d'AMPA correspondent aux périodes d'épandage de l'herbicide par les agriculteurs, ou au traitement des espaces publics quand le bassin versant est entièrement urbain. Le professeur Carolin Huhn, de l'Institut de chimie physique et théorique, explique que « dans le sol et l'eau, le glyphosate est partiellement transformé en acide aminométhylphosphonique (AMPA). Ces deux substances peuvent être entraînées par les précipitations et se retrouver dans les rivières ». Autrement dit, les données américaines tendent à prouver que notre première réflexion était juste.

Europe : une législation stricte… et des rivières contaminées

Penchons-nous à présent sur le vieux continent. Là, les données étudiées par les chercheurs montrent que nous retrouvons davantage de glyphosate en été, tandis que les saisons d’épandage de l’herbicide sont plutôt le printemps et l’automne. Et en hiver, saison pendant laquelle le glyphosate n’est logiquement pas utilisé, on en retrouve toujours de fortes quantités. Si l’on s’arrêtait là, il suffirait probablement de rétorquer que le glyphosate « reste » en fait pendant un temps après avoir été utilisé, ce qui fait qu’on en retrouve toujours une certaine concentration à d’autres saisons. Sauf que les bizarreries ne s’arrêtent pas là : l’étude montre aussi qu’en Europe, en France notamment, les concentrations de glyphosate sont plutôt faibles autour des zones agricoles, mais très élevées « dans les stations d'épuration raccordées à des réseaux d'égouts séparés recevant principalement des eaux usées domestiques ».

Le pire, c’est que les taux de concentration relevés dans les eaux du vieux continent sont les mêmes que ceux relevés outre-Atlantique, alors que les Américains utilisent bien plus l’herbicide que nous. À qui la faute ?

Du glyphosate à l’AMPA, et de l’AMPA au glyphosate

Nous disions plus haut que dans les sols et l’eau, le glyphosate est partiellement transformé en AMPA. Or, il semblerait que ce soit une boucle infernale.

En retrouvant des traces de l’herbicide près des zones d’épuration, voire à proximité des ménages, les chercheurs se sont penchés sur les aminopolyphosphonates (dont l’AMPA est un sous-produit), massivement utilisés dans les lessives et détergents pour ses propriétés de blanchiment et de détartrage. Une manière de faire proprement européenne.

Donc, les aminopolyphosphonates seraient la source principale d’AMPA dans les eaux usées. Et, il se pourrait bien que le glyphosate puisse renaître des cendres de cet AMPA… Dans un communiqué de presse, l’université allemande à l’origine de l’étude conclut : « Les premiers tests en laboratoire sont maintenant terminés et confirment l'hypothèse de la formation de glyphosate dans les stations d'épuration des eaux usées à partir de cet additif de lessive ».

Voilà qui, en fin de compte, expliquerait la présence persistante de glyphosate dans les eaux du vieux continent, alors même que l’Europe a peiné pour accoucher de ses législations autour de l’herbicide. Cela signifie-t-il que ces dernières sont inutiles ? Non. Comme nous l’avons vu plus haut, les données américaines montrent bien que l’épandage du glyphosate pour l’agriculture est aussi responsable de concentrations importantes. Cela signifie, en revanche, que nous utilisons des produits chimiques à tort et à travers, et que les défenseurs de l’environnement ou de la santé publique vont devoir lutter sur plusieurs tableaux à la fois s'ils veulent se débarrasser du glyphosate pour de bon.

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