L'État reconnaît le lien entre cancers de la prostate et pesticides
Mercredi 22 décembre, un décret a été publié au Journal Officiel, reconnaissant comme maladie professionnelle les cancers de la prostate provoqués par le chlordécone, et autres pesticides. C’était une décision attendue dans le monde de l'agriculture, particulièrement aux Antilles, où le taux d’incidence est deux fois supérieur à celui de la métropole.
Ce décret va permettre aux personnes concernées d'être indemnisées
Reconnu comme perturbateur endocrinien, le chlordécone, ce pesticide très agressif, a été interdit dans l’hexagone en 1990, mais a été très utilisé aux Antilles en 1993. Avec ce décret, les personnes remplissant les conditions pourront entreprendre les démarches et faire une demande au fonds d'indemnisation créé en 2020. Un tableau des maladies professionnelles relatif au cancer de la prostate provoqué par les pesticides détermine les conditions de prise en charge au titre des maladies professionnelles, ainsi que la liste des travaux susceptibles de provoquer cette pathologie en milieu agricole. Les bénéficiaires ne se limitent pas à ceux qui ont été au contact direct du chlordécone, mais aussi à ceux qui ont été en contact indirect avec les pesticides : “lors de la manipulation ou l’emploi de ces produits, par contact ou par inhalation ; par contact avec les cultures, les surfaces, les animaux traités ou lors de l’entretien des machines destinées à l’application des pesticides”.
Cancer de la prostate aux Antilles : un taux d’incidence deux fois supérieur à celui de la métropole
Jusqu'en 1993, le chlordécone a été largement utilisé dans les bananeraies antillaises pour lutter contre la propagation du charançon. Ce pesticide s'est répandu dans les sols, puis dans les eaux souterraines, les rivières et le littoral marin. Les plantes ont également été contaminées. Le plan chlordécone IV prévoit aux Antilles un dispositif d’accompagnement spécifique des personnes concernées pour qu’elles puissent effectuer les démarches auprès du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. Ce dispositif s’appuiera sur les associations qui œuvrent localement en soutien des victimes, telles que Phyto-Victimes et France Asso Santé Martinique, les centres communaux d’action sociale et les caisses générales de Sécurité sociale.
Le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest se félicite aussi de cette nouvelle
Le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, qui regroupe 370 membres, voit d’un bon œil ces avancées de la reconnaissance des liens entre cancer de la prostate et exposition au chlordécone. Le collectif salue notamment le délai de prise en charge de 40 ans, c'est-à-dire la durée entre la dernière exposition et le diagnostic de la maladie. "Cette durée, c'est pratiquement depuis que les pesticides sont arrivés" relève Michel Besnard, président de l'association. Il se montre moins satisfait de la durée d'exposition retenue par le décret : "Nous regrettons seulement la durée minimale retenue de 10 ans au lieu de 5 ans," déclare le président.
Les démarches pour l’indemnisation d’autres maladies causées par contact avec les pesticides bientôt mieux encadrées
Le gouvernement déclare vouloir continuer à s’appuyer sur ces acteurs pour étudier l’impact de l’exposition aux pesticides sur d’autres maladies, comme la maladie de Parkinson, et poursuivre les travaux dans le cadre du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. Certaines autres pathologies de l’enfant, lorsqu’ils ont été exposés in utéro du fait de l’activité professionnelle de leur parent, ainsi que d’autres pathologies comme la bronchopneumopathie chronique obstructive, évoquée dans l’expertise collective de l’INSERM de 2021, seront examinées pour mettre en place des démarches d’indemnisation. La majorité des dossiers des membres du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest portent sur des cas de maladies du Parkinson. Cette maladie a été reconnue comme étant "professionnelle" chez les agriculteurs, par un décret du 4 mai 2012 (pour les agriculteurs ayant réalisé au moins pendant 10 ans des travaux lors desquels ils ont été exposés habituellement aux pesticides). Pourtant, entre 2012 et 2017, la MSA (mutualité sociale agricole) n'a indemnisé que 196 agriculteurs frappés par la maladie de Parkinson, alors que les cas de Parkinson chez les agriculteurs se comptent par milliers.
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