Monsanto condamné à verser 2,25 milliards de dollars à un ancien utilisateur du Roundup, la plus grosse amende jamais infligée à son désherbant

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France-Soir
Publié le 31 janvier 2024 - 12:03
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Condamnation Monsanto
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Scott Olson / Getty Images North America / Getty Images via AFP
La plus grosse condamnation jamais infligée contre Roundup vient de tomber : 2,25 milliards de dollars.
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MONDE - Nouvelle condamnation du groupe Monsanto ! La filiale du géant pharmaceutique et biotechnologique Bayer, a été condamnée, vendredi 26 janvier 2024, par un tribunal de Philadelphie, aux États-Unis, à verser 2,25 milliards de dollars de dommages et intérêts à un homme qui accusait le désherbant Roundup d’être à l’origine de son cancer. Le très controversé agrochimiste, qui conteste toujours la nocivité de son produit et de son principe actif, le glyphosate, a fait part de son intention de faire appel de cette décision.

Bayer enchaîne les procès. Le groupe allemand, qui a racheté Monsanto en 2018, dénombre environ 165 000 affaires rien que pour son produit Roundup. Près des deux tiers de ces dossiers, soit 113 000, ont été résolus ou déclarés irrecevables et 75 % des 125 000 actions contre la société ont été conclues à l’amiable pour un montant de 10 à 11 milliards de dollars, selon des chiffres datant de juin 2020. 

Et ce n’est pas fini !

Si le nombre d’affaires a baissé au fil des mois, les condamnations sont bien en hausse. La dernière en date remonte à décembre 2023, lorsque Monsanto a été reconnu coupable dans une affaire liée à ses polychlorobiphényles (PCB), des substances toxiques, écotoxiques et reprotoxiques, très persistantes et qualifiées de “polluants éternels”. L’agrochimiste a été condamné par un tribunal de l’Etat de Washington à verser 857 millions de dollars à des élèves et des parents d’une école, exposés aux PCB. 

Même sentence un mois auparavant, aux Etats-Unis également. Mais cette fois-ci, c’est son désherbant Roundup qui est, une énième fois, remis en cause. Le produit est depuis de nombreuses années au cœur de procès et de débats en raison de ses impacts sur la santé humaine. Un tribunal de Jefferson City dans le Missouri avait infligé à Monsanto 1,5 milliard de dollars de dommages et intérêts au bénéfice de trois Américains atteints d’un lymphome non hodgkinien, provoqué par des années d’utilisation du Roundup.

La filiale de Bayer n’est pas au bout de ses peines et un autre tribunal vient de prononcer un verdict similaire. Un jury de Philadelphie a condamné le groupe à verser la bagatelle de 2,25 milliards de dollars à un homme, atteint d’un cancer du système lymphatique : John McKivison, qui doit également bénéficier d’une indemnité compensatoire de 250 millions de dollars. Son avocat, Ron Miller, a exprimé son étonnement quant à la voie empruntée par Bayer, qui semble avoir fait “de mauvais choix dans ce dossier”. Il qualifie de “mystère” le fait que le géant allemand n’ait pas cherché à trouver un accord amiable.

Il s’agit de la plus grosse condamnation jamais infligée contre Roundup, en cinq ans de litiges. La maison mère de Monsanto a déjà exprimé son intention de faire appel, rappelant son engagement à se rendre aux procès à chaque plainte ou attaque concernant son herbicide, utilisé pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures agricoles et les espaces publics. 

Le groupe rappelle avoir déjà obtenu gain de cause dans plusieurs affaires récentes mais certains de ses appels ont également été rejetés, comme celui de juin 2022, lorsque la Cour suprême américaine a confirmé sa condamnation à verser 25 millions de dollars à un retraité qui impute son cancer au Roundup. Mais, sur 16 procès qui ont déjà eu lieu, Monsanto en a remporté dix.

Les dividendes du conglomérat allemand revus à la baisse ?

Bayer dit s’appuyer sur “des évaluations de régulateurs et de scientifiques qui continuent à considérer [son] produit comme sûr”. “La décision défavorable du jury va à l'encontre du poids écrasant des preuves scientifiques et des évaluations réglementaires et scientifiques mondiales, et [nous pensons] avoir de solides arguments que nous ferons valoir en appel afin de faire annuler ce verdict et d'éliminer ou de réduire le montant de ces dommages-intérêts excessifs”, réagit-on.

Parmi ces régulateurs figure l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a publié un rapport en juillet, selon lequel le glyphosate ne présenterait pas de "domaine critique de préoccupation". Ce rapport a motivé les Etats membres de l’UE à renouveler, après deux votes, l’autorisation de Monsanto pour une période de 10 ans, en prévoyant de "nouvelles conditions et restrictions" comme l'interdiction de l'usage de ce pesticide pour la dessiccation (élimination de l’humidité d’un corps, NDLR).

D’autres études présentent des résultats mitigés, comme celle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L’agence onusienne a classé en 2015 le glyphosate comme un "cancérogène probable" pour les humains, sur la base “des études cas-témoins d'exposition professionnelle conduites en Suède, aux États-Unis et au Canada qui ont montré des risques accrus de lymphome non hodgkinien".

Devant un tel nombre d’affaires judiciaires visant ses produits, le groupe Bayer a expliqué en 2022 avoir consacré 400 millions de dollars à l’indemnisation de personnes exposées à un autre désherbant, le dicamba, et 820 millions pour des contentieux liés aux PCB. En 2021, l’entreprise a alloué 4,5 milliards de dollars supplémentaires à la gestion de ces procédures, portant le total de l’enveloppe à plus de 16 milliards...

Pire encore, cette nouvelle condamnation, dont le montant devrait être réduit en appel selon des analystes, pourrait obliger le conglomérat à revoir sa politique de dividendes pour dégager des liquidités supplémentaires. La nouvelle a en tout cas fait plonger la valeur de Bayer en bourse, qui a enregistré une chute de 5,5%. 

En plus de son désherbant Roundup, Monsanto est la seule entreprise à cultiver un OGM sur le Vieux Continent, son maïs MON 810, autorisé en 2017 par l’Union européenne pour une durée de dix ans. 

“Privilège” que la société américaine a arraché grâce à de puissants leviers, notamment l’agence de communication et d’influence FleishmanHillard, dont les pratiques de fichage de personnalités à des fins de lobbying ont déjà amené l’agrochimiste à être sévèrement condamné.

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