Pour une véritable "laïcité médicale" : séparer la médecine allopathique de l’État

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Olivier Clerc*, pour France-Soir
Publié le 18 août 2023 - 13:30
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Image par Bianca Van Dijk de pixabay.com
"Chaque individu doit désormais pouvoir disposer du libre choix de sa médecine..."
Image par Bianca Van Dijk de pixabay.com

TRIBUNE/OPINION - Dans un ouvrage paru en 1998 aux Éditions Trois Fontaines, Médecine, religion et peur, remarqué à l’époque par Le Quotidien du Médecin, j’avais montré comment la médecine moderne, pasteurienne, s’est calquée très étroitement sur le modèle de la religion catholique, à la fois dans ses croyances, ses pratiques et sa structure. Pasteur était en effet un catholique engagé qui s’est efforcé de faire coller ses théories médicales avec les croyances dominantes de l’époque... quitte à prendre de très grandes libertés avec certains faits scientifiques probants.  

Du fait de ce parallélisme très étroit entre la médecine pasteurienne et l’Église catholique, en l’espace d’un siècle : 

  • le médecin a progressivement pris la place du prêtre,  
  • la recherche de la santé a remplacé la quête du salut,  
  • l’espoir de l’immortalité physique (par clones, manipulations génétiques, etc.) a pris le dessus sur l’attente de la vie éternelle,  
  • la vaccination a acquis le même statut initiatique que le baptême (et son refus suscite les mêmes peurs), 
  • et l’on voit même poindre l’espoir qu’un remède universel nous sauve demain de toutes les maladies, comme le Sauveur (pour les chrétiens) a racheté tous les péchés du monde.  

De manière analogue, les "charlatans" sont aujourd’hui poursuivis comme les "hérétiques" d’antan, et l’"exercice illégal de la… guérison" condamne trop souvent des thérapeutes qui ont pour seul tort de soigner avec succès leurs malades par d’autres méthodes que l’allopathie (autrement dit, la médecine classique, ndlr).  

"Hors la médecine officielle, point de santé", telle est la devise de la foi médicale dominante. 

Enfin, l’alliance entre le pouvoir médical (conseil de l’ordre des médecins et lobby pharmaceutique) et le gouvernement s’est elle aussi calquée sur celle existant autrefois entre l’Église et l’État, ne laissant ainsi plus à l’individu la liberté de préserver sa santé ni de se soigner en accord avec ses propres convictions.  

"Mais la médecine est une science et non une religion", s’imagineront certains.  

La médecine est un art

En réalité, la médecine a toujours été avant tout un art. Elle relève autant de science et de techniques que de croyances et d’interprétation, puisqu’elle s’applique à des êtres vivants et non à des machines. Preuve en est que si la physique et la chimie sont les mêmes sur toute la planète, la médecine - comme la religion - fait l’objet de conceptions et pratiques extrêmement différentes d’une culture à une autre. Parce que s’y mêlent des croyances, justement, variables de tels endroit ou époque à tels autres.  

Chaque médecine propose une interprétation spécifique de l’être humain, des causes de ses maux et des soins à y apporter : chaque patient doit donc pouvoir rester libre d’adhérer ou non à son système de croyances médicales, et aux pratiques qui en découlent, selon ses propres convictions et expériences.  

Autrement dit, la médecine allopathique n’est qu’une médecine parmi de nombreuses autres. Elle possède sa logique, ses théories, ses croyances et ses pratiques. Elle a ses succès, mais aussi ses échecs. On lui doit de nombreux apports remarquables, de la simple prise en compte de l’hygiène à l’anesthésie, en passant par les développements de la chirurgie réparatrice ou encore les antibiotiques.

Mais elle a aussi ses limites, ses angles morts, son dogmatisme et sa rigidité, avec à la clé aujourd’hui une augmentation alarmante des maladies iatrogènes, des allergies, des maladies auto-immunes et de l’infertilité, une fragilisation des populations gavées de médicaments (d’où l’apparition de microbes de plus en plus résistants) et une multiplication inquiétante des handicaps et décès consécutifs à la mise sur le marché de médicaments hâtivement testés.  

Par conséquent, il n’est pas plus justifié aujourd’hui que cette médecine bénéficie d’un tel soutien de l’État (voire lui dicte les décisions à prendre en matière de santé publique) que d’imaginer l’État encore lié à telle église ou religion comme autrefois. La médecine chinoise, la médecine ayurvédique, la phytothérapie, l’aromathérapie ou la naturopathie, pour ne citer qu’elles, sont - quand elles sont exercées par des praticiens dûment formés - d’une efficacité comparable à l’allopathie : supérieure dans certains domaines, inférieure dans d’autres.  

Disposer du libre choix de sa médecine

Dès lors, chaque individu doit désormais pouvoir disposer du libre choix de sa médecine, c’est-à-dire de ses croyances médicales, et ne pas se voir imposer d’être soigné par les partisans d’un credo médical auquel il n’adhère pas.  

Dans cette même logique, le remboursement des frais médicaux devrait lui aussi faire l’objet d’une révision. Il est en effet injustifiable que soient remboursés certains traitements allopathiques parfois inefficaces ou toxiques, alors que le patient y est de sa propre poche pour des traitements en acupuncture, homéopathie, phytothérapie ou autres, souvent moins chers, et à l’efficacité largement démontrée.  

Il est donc grand temps d’exiger l’instauration en France d’une véritable laïcité médicale. Il est grand temps que chaque citoyen puisse librement choisir comment se soigner, auprès de thérapeutes dûment formés à leur spécialité. La plupart des médecines ont aujourd’hui des écoles avec des examens dignes de ce nom. Elles ont souvent derrière elles des décennies, quand ce ne sont pas des siècles de pratique pour justifier leur pertinence et leurs résultats.  

La médecine allopathique n’a pas plus d’avantages sur les autres thérapies que l’Église catholique n’en avait sur les autres religions. Après avoir été ridiculisées, incomprises, dénigrées, bon nombre de croyances religieuses du monde entier ont fini par obtenir la reconnaissance et la place qu’elles méritent.

Aujourd’hui, chacun d’entre nous est librement bouddhiste, hindouiste, animiste, adepte du chamanisme, du soufisme, du spiritisme... ou simplement athée. De manière analogue, on assiste à une reconnaissance croissante des ethnomédecines, de thérapies hâtivement jugées "primitives", dont on découvre tardivement la complexité, la profondeur et l’efficacité. Pour ne rien dire de toutes les nouvelles formes de thérapie qui voient actuellement le jour, puisant à la fois leur inspiration dans certains développements de pointe de la science et dans une connaissance plus approfondie des causes subtiles de la maladie.  

Neutralité de l'État

L’église médicale dominante - cette religion pasteurienne qu’est l’allopathie - doit désormais prendre la place qui est véritablement la sienne, à savoir une thérapeutique comme une autre, avec ses qualités et ses défauts, une obédience médicale à laquelle les patients doivent pouvoir librement souscrire s’ils en ont envie, mais qu’ils puissent aussi librement quitter pour lui en préférer une autre (ou la pratiquer conjointement), plus conforme à leurs convictions, si tel est leur désir.  

Quant à l’État, son rôle, comme en matière de religion, n’est pas de se lier ni de se soumettre à une médecine en particulier, mais de rester neutre et de veiller sur la santé des citoyens, en les laissant libres de choisir la ou les méthodes de soin qui leur conviennent le mieux, parmi le large éventail ayant fait ses preuves qui existe aujourd’hui. (Il va de soi, soulignons-le, que ce n’est pas davantage à la médecine allopathique de déterminer la validité des autres médecines que ça ne l’était à l’Église catholique d’évaluer la "valeur" des autres religions.)  

Alors aujourd’hui, de même que nous sommes un jour parvenus à séparer la religion de l’État, exigeons de la même manière et avec la même détermination cette séparation de la "médecine officielle" et de l’État, qui seule peut garantir durablement notre liberté et préserver notre santé individuelle et collective : la santé publique.  

*Olivier Clerc est écrivain, traducteur, auteur de nombreux livres dont Médecine, religion et peur - L'influence cachée des croyances, éd. Trois Fontaines, 1998.  

Olivier Clerc

 

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