En Autriche, un titre annuel de transports en commun offert gratuitement contre un... tatouage
Polémique en Autriche. Pour encourager les Autrichiens à emprunter les transports en commun, la ministre fédérale du Climat et des Mobilités, Leonore Gewessler, a eu une idée aussi insolite que controversée. Lors d’un festival de musique dans la ville de Sankt Pölten, les festivaliers se sont vus proposer un an de transport public gratuit à condition de... se faire tatouer. Et pas n’importe quel tatouage, mais une illustration du "KlimaTicket", le nom du titre de transport annuel en question. L’initiative a suscité de vives réactions, tant chez les citoyens que chez des opposants politiques de Leonore Gewessler, accusée "d’utiliser la peau des jeunes à des fins politiques".
Le KlimaTicket (ticket climatique, ndlr) est un titre de transport annuel lancé en octobre 2021 pour encourager les Autrichiens à emprunter les transports en commun. Ils sont déjà 245.000 personnes à l’utiliser parmi une population de 9 millions d’habitants et le ticket permet aux usagers de voyager à travers tout le pays pour 3 euros le jour, soit un total de 1.095 euros par an.
Plus de 30 personnes définitivement tatouées
C’est Leonore Gewessler, membre du parti écologiste (Les Verts) qui est à l’origine de ce projet. La veille de son lancement et malgré la réticence de plusieurs États fédéraux en Autriche, elle avait déclaré aux médias que le KlimaTicket était le "premier grand succès de la politique climatique promise" par le gouvernement. Dans la région orientale de ce pays d’Europe centrale, qui comprend la capitale Vienne, la Basse-Autriche et le Burgenland, la vente de cet abonnement a augmenté de 16% depuis janvier 2023.
Une campagne de promotion du KlimaTicket a particulièrement attiré l’attention. À l’occasion du festival de musique "Frequency Festival", qui s’est déroulé en août dans la ville de Sankt Pölten, capitale de la Basse-Autriche, le gouvernement a décidé d’offrir un ticket annuel gratuit aux personnes qui acceptaient de se faire tatouer une illustration du KlimatTicket.
Un stand sur lequel était inscrit "l’action qui s’encre dans votre peau" a été installé à cet effet sur le site du festival. Présente sur les lieux, la ministre autrichienne du Climat, dont le bras était tatoué de l’inscription "Gewessler takes the lead" (Gewessler prend les commandes, ndlr), assistait personnellement au tatouage des festivaliers, qui lui montraient le résultat final avant de recevoir gratuitement les cartes de transports promises.
Ce n’était pas une première. Des stands similaires ont déjà été installés lors des précédents événements estivaux. Si la membre du parti des Verts arborait un tatouage éphémère, six festivaliers se sont fait définitivement tatouer au Frequency Festival. Lors du Electric Love Festival qui s’est aussi déroulé en août, ils sont une trentaine de participants à avoir accepté ce "deal". D’autres motifs liés au changement climatique et la durabilité leur étaient par ailleurs proposés gratuitement par les stands de salons de tatouages éphémères.
Une stratégie de promotion du KlimaTicket qui a suscité une indignation chez des opposants politiques. Henrieke Brandstötter, membre du parti libéral NEOS, a sous-entendu que Leonore Gewessler a profité de "l’ambiance de fête" du festival pour faire tatouer des festivaliers. "Je m’y connais en tatouages douteux, souvent créés spontanément dans une ambiance de fête", a-t-elle écrit, estimant que "le ticket climatique est surtout indigne". "Offrir de l'argent aux gens pour se tatouer des publicités sur leur peau révèle un point de vue inacceptable sur l'humanité de la part d'une ministre", lit-on encore.
Bei fragwürdigen Tattoos, gerne in Feierlaune spontan entstanden, kenne ich mich ganz gut aus. Das Klimaticket-Peckerl ist aber vor allem unwürdig. Geld für Werbung unter der Haut - und das von einer Ministerin- offenbart ein jenseitiges Menschenbild.
— Henrike Brandstötter 🇪🇺🇺🇦 (@brand_rede) August 20, 2023
La ministre se défend
Un journaliste, Florian Klenk, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Falter, s’est demandé avec ironie "Que va-t-il se passer ensuite ? Une pompe à chaleur gratuite pour quiconque tatoue le nom de Gewessler sur son front ?". Des médias comme Standard ou Salzburger Nachrichten ont évoqué une idée "stupide à long terme", "purement et simplement cynique".
Sur le web, les réactions à la vidéo de la ministre du Climat sur son compte Instagram sont tout aussi critiques. "Plutôt embarrassant d'abuser d'une fête autrefois cool à des fins promotionnelles", écrit une abonnée. D’autres internautes autrichiens lui reprochent de ne pas avoir opté pour d’autres actions promotionnelles, comme circuler à vélo. "Pour moi, c'est vraiment incompréhensible... Comment peut-on encourager des jeunes à se mettre une promotion politique sur la peau pour le reste de leur vie et cela sans AUCUNE conséquence pour la ministre fédérale", écrit un autre citoyen.
Mme. Gewessler a défendu son initiative, affirmant que la campagne "a été menée avec la plus grande attention". "Les tatouages sont réalisés uniquement en journée", pendant laquelle les festivaliers sont moins susceptibles d’être ivres, et "sont offerts aux personnes âgées de plus de 18 ans", a-t-elle justifié, reliée par The Telegraph. Elle a précisé que "les personnes qui se sont fait tatouer avaient déjà, pour la plupart, d'autres tatouages".
Le compte officiel du KlimaTicket réagissait également aux commentaires en désaccord avec sa campagne, répliquant que les personnes qui se sont fait tatouer étaient "responsables d’elles-mêmes". La société qui commercialise le titre de transport a de son côté ajouté que la campagne a été bien accueillie par les participants au festival.
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