L’Ordre des avocats de Paris alerte sur la géolocalisation "à l’insu ou sans le consentement" d’un suspect
SURVEILLANCE - Le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris alerte sur le prochain projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice. Il pourrait autoriser "l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel".
Le 3 mai, Éric Dupond-Moretti a déposé au Sénat son projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Le texte sera discuté en séance publique à partir du 6 juin.
En plus de la géolocalisation, la "captation de son et d’image"
Dans un communiqué paru le 17 mai, la Commission pénale du Barreau de Paris a présenté ses observations sur la prochaine loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice.
Elle dénonce notamment le contenu de l’article 3. Si cet article était voté par les parlementaires, n’importe quelle personne, soupçonnée d’être l’auteur d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement, pourrait être géolocalisée, enregistrée et photographiée. Et tout cela en temps réel, par le biais de son propre téléphone portable.
Le point 35 de l’article 3 du projet de loi prévoit en effet "l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel (…) lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relative à un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent".
Bien que le texte précise que l’activation à distance d’un téléphone portable ne pourrait s’opérer qu’en vue "d’identifier l’appareil", la Commission estime que les enquêteurs seraient en mesure obtenir d’autres informations. En plus de la géolocalisation, le texte rendrait possible une "captation de son et d’image".
Cette potentielle nouvelle disposition du Code de procédure pénale pourrait de ce fait fragiliser le secret professionnel de l’avocat.
"L’activation à distance (…) pour toute personne qui se trouve en tout lieu"
Véritable droit fondamental de la défense, le secret professionnel oblige les avocats à taire leurs échanges avec leurs clients.
Selon l’Ordre, le projet de loi tout juste déposé au Sénat n’est pas assez protecteur envers ce droit. Effectivement, le communiqué précise que "le projet n’interdit pas, par leur collecte, l’écoute des conversations dans son cabinet, entre l’avocat et son client, même si leur transcription est prohibée".
Assurément, le projet de loi précise qu’ "aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction". Il n’est donc pas interdit de mettre un avocat sur écoute, à condition d’en informer le représentant élu des avocats inscrits au barreau dans le cadre d’une enquête. Et qu’en est-il du client ? Si une personne est continuellement mise sur écoute à son insu et qu’elle a rendez-vous avec son Conseil, que se passe-t-il ?
L’Ordre des avocats de Paris rappelle la différence entre collecte et transcription. Dans une telle situation, il serait interdit pour les enquêteurs de retranscrire la teneur de l’échange sur papier. Mais en l’état actuel du projet de loi, rien n’empêche qu’une telle conversation soit tout de même enregistrée.
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