La marque Balenciaga accusée de promouvoir la pédopornographie : ce qu’il faut retenir du scandale

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FranceSoir
Publié le 04 décembre 2022 - 18:40
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L'une des photos de la campagne douteuse «Gift shop» de Balenciaga, désormais retirée.
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Pédopornographie, BDSM, accusations de complotisme... La marque de luxe Balenciaga est au cœur de la tempête suite à un scandale qui ébranle depuis plus d'une semaine le monde de la mode, sans épargner médias et politiques. La cause à des campagnes de promotion de vêtements pour enfants en prévision de Noël et du printemps 2023, qui mettent en scène des enfants dans des décors qui ne passent pas inaperçus, dont les accessoires renvoient à l'esthétique fétichiste sadomasochiste. Des scènes qui suscitent colère et indignation, provoquant une campagne de boycott de la marque accusée de promouvoir la pornographie infantile.

Simple accident de parcours pour Balenciaga, marque de luxe appartenant au groupe Kering ? La multiplication des faits incriminant cette marque française, fondée par le couturier espagnol éponyme Cristóbal Balenciaga, écarte, d’emblée, cette hypothèse. La polémique n’a cessé d'enfler depuis le 16 novembre dernier. Revenons sur les faits.

Le 16 novembre dernier, Balenciaga dévoile sa campagne pour Noël, intitulée “Gift Shop”. Les images montrent des enfants entourés d'accessoires de la marque, tenant entre leurs mains des sacs en forme d'oursons en peluche vêtus de sangles, harnais et ras de cou. Les images ont vite suscité des réactions sur les réseaux sociaux, où les internautes ont exprimé leur “choc” et leur “indignation”. Mais la polémique est passée à un stade supérieur une semaine plus tard, lorsqu’une youtubeuse américaine antiféministe June Nicole Lapine, connue sous le nom de Shoe On Head, partage une autre image d’une autre campagne de Balenciaga, cette fois-ci pour la collection printemps-été de 2023, dans laquelle, fait-elle remarquer, figure un “un document judiciaire très intentionnellement mal caché sur la pornographie enfantine virtuelle”.

Comme si cela ne suffisait pas, une autre photo issue de la même campagne fait réagir les internautes, qui se sont mis à la recherche d'indices incriminant la marque. Sur l’une des images de la campagne figure un diplôme encadré en arrière-plan d’un certain John Phillip Fisher, dont le nom figurait dans la rubrique judiciaire d'un journal local du Michigan, après avoir été accusé de sept délits sexuels criminels en 2008 avant d’être déclaré coupable d'inceste.

Malgré la polémique qui prenait une ampleur de plus en plus importante, Balenciaga ne réagit pas et poursuit le même 21 novembre, la promotion de ses nouvelles collections. Il s’agit de nouvelles photos de sa campagne printemps-été 2023 baptisée "Garde-Robe". Le décor, cette fois-ci, met en scène le mannequin Bella Hadid et les actrices Nicole Kidman et Isabelle Huppert. Derrière le portrait de cette dernière, des internautes ont remarqué un livre du peintre Michael Borremans, “Fire from the sun”, qui met en scène des groupes de jeunes enfants nus “se livrant à des actes avec des connotations sinistres”, pour reprendre les mots utilisés par la galerie David Zwirner qui l'a exposée par le passé.

Balenciaga réagit... enfin

C’est au lendemain de cette énième image incriminante que la marque de luxe réagit. Le 22 novembre, Balenciaga présente ses excuses. Dans une story publiée sur Instagram, la griffe écrit : “Nos sacs oursons en peluches n'auraient pas dû être associés à des enfants”. Les images ont été retirées de toutes ses plateformes et la marque précise dans un autre communiqué publié sur le même réseau social à propos de la campagne Garde-Robe en pointant la responsabilité d'une tierce partie. “Nous prenons cette affaire très au sérieux et engageons une action en justice contre les parties responsables de la création du décor et de l'inclusion d'éléments non approuvés pour la séance photo de notre campagne printemps 23”. Depuis, le compte Instagram de la maison de luxe a été vidé de l'intégralité des photos qui se trouvaient sur la plateforme...

La marque intente, selon le New York Times, une action en justice contre la société de production North Six et le décorateur américain Nicholas Des Jardins, qui était chargé des éléments de décoration de la série de photos et qui compte parmi ses clients Zara, Versace ou encore Beyoncé. Balenciaga se plaint “d’actes malveillants ou, tout du moins, extraordinairement imprudents” réclamant 25 millions d'euros de dommages en réparation. La marque évoque aussi “le manque de surveillance et de contrôle” et “une négligence irresponsable”.

Mais rebondissement : finalement, dans un communiqué publié sur Instagram vendredi 2 décembre, Balenciaga a annoncé par le biais de son directeur général, Cédric Charbit, qui s’excuse “personnellement”, sa décision “de ne pas intenter d’action en justice”.

Ce même vendredi, c’est le directeur artistique Demna Gvasalia, responsable des deux campagnes incriminées, qui réagit à son tour. Le créateur géorgien a présenté des excuses “personnelles” pour un “mauvais choix artistique pour le concept de la campagne-cadeau”, endossant la responsabilité de cette décision. “Si j’ai voulu parfois provoquer à travers mon travail, je n’ai jamais eu l’intention de le faire avec un sujet aussi horrible que la maltraitance des enfants, que je condamne”, a-t-il écrit sur Instagram.

Boycott des internautes et des stars

Les communications apologétiques de Balenciaga et de son directeur artistique n’ont pas suffi à calmer la polémique, qui s’est mue en une campagne de boycott. Sur le réseau social Tiktok, des utilisateurs se sont filmés en train de détruire leurs produits. Des hashtags, comme #BoycottBalenciaga ou #CancelBalenciaga, ont atteint près de 50 millions de vues.

Ce boycott s'est également exprimé par le retrait, de la part du média Business Of Fashion, site d’information de référence dans l'industrie de la mode, du prix Global Voices à Demna Gvasalia.

La marque, qui s’était déjà séparée de Kanye West en raison de tweets jugés antisémites, risque également de perdre une autre de ses égéries, Kim Kardashian. Cette dernière a déclaré son intention de réévaluer sa relation avec Balenciaga. “Je suis restée silencieuse ces derniers jours, non pas parce que je n'ai pas été dégoûtée et indignée par les récentes campagnes de Balenciaga, mais parce que je voulais avoir l'occasion de parler à leur équipe pour comprendre par moi-même comment cela a pu se produire”, a-t-elle fait savoir sur Twitter.

L’autre égérie de la marque, l’actrice Nicole Kidman, a été violemment critiquée pour son silence dans cette affaire.

Ce scandale, qui a secoué pendant des semaines le monde de la mode, a vite débordé sur d’autres domaines, à savoir la politique et la presse. Un commentateur de la mode, Luke Meagher, s’était interrogé sur Instagram : "Les publicités de Balenciaga sont mauvaises, stupides et n'auraient pas dû être réalisées et publiées. Mais que les experts de l'extrême droite se jettent sur cette affaire me fait aussi réfléchir. Je ne pense pas qu'ils se soucient vraiment des enfants et de leur bien-être. Je pense qu'ils sont seulement soucieux d'installer un climat de peur", a-t-il écrit.

QAnon est derrière la polémique, accuse le NYT

Un point également soulevé par le New York Times, dont l’article a provoqué à son tour de vives réactions. Le journal estime que le mouvement conspirationniste QAnon, le présentateur de Fox News, Tucker Carlson et The New York Post ont répandu l'idée que la marque de mode de luxe faisait la promotion de ses produits en tolérant l'exploitation des enfants.

Ces médias, estime le NYT, “ont déclenché une tempête de feu qui s'est propagée d'Internet à Fox News, alimentée par des allégations selon lesquelles Balenciaga aurait toléré l'exploitation des enfants. La controverse est devenue l'une des collisions les plus explicites de la culture Internet, de la politique, de la mode et des théories du complot à ce jour”. Le journal new-yorkais estime également que l'émission de Tucker Carlson “a contribué à faire connaître et à intégrer QAnon, la théorie du complot sur Internet selon laquelle "un groupe d'élites adoratrices de Satan qui dirigent un réseau de pédophilie tentent de contrôler notre politique et nos médias".

Le mouvement QAnon défendait aussi les théories selon lesquelles des hauts cadres du Parti démocrate seraient à la tête d'un réseau pédophile. L’article du NYT a été critiqué sur Twitter, certains lui reprochant de “défendre” Balenciaga tandis que d’autres font remarquer que les images des campagnes de promotion de ses collections “parlent d’elles-mêmes”.

Le présentateur de Fox News Tucker Carlson, accusé par le New York Times de faire connaitre les thèses QAnon, avait en effet été l'un des premiers à dénoncer la campagne publicitaire de Balenciaga : "Il existe une théorie du complot selon laquelle il y aurait au sein de nos [élites] politiques et financières une sombre cabale de pédophiles usant de leur pouvoir pour masquer les crimes qu’ils commettent sur les enfants. Les gens pensent-ils ça ? Ça nous parait excentrique. Trop sombre et étrange pour être vrai. Bien sûr, nous ne faisons pas la promotion de cette idée. Cela étant, vous pouvez voir pourquoi les gens pourraient croire cela. Jeffrey Epstein par exemple. Epstein a continué à diner avec des chefs d’entreprise et des chefs d’État bien longtemps après avoir été arrêté suite à des viols commis sur mineurs. Pourquoi personne n’a-t-il rien dit ? Pourquoi les gens ont-ils continué à manger avec lui ? A minima, on peut en conclure, sur la base des preuves, qu’il y a une tolérance pour la pédophilie parmi certains membres les plus puissants de notre société. Une tolérance que vous ne trouveriez pas dans les familles issues de la classe moyenne." Et de condamner plus loin dans son intervention la campagne publicitaire de Balenciaga et le silence médiatique initial autour de cette affaire : "Si vous avez besoin de plus de preuves à ce sujet, regardez ce qui s’est passé avec Balenciaga. Cela nous a semblé être un gros sujet : ici, vous avez une des plus grandes marques de luxe à l’international qui promeut la pédopornographie et le sexe avec les enfants. Et ils ne le font pas subtilement mais ouvertement. Aucune société saine ne peut tolérer ça. […] La quasi-totalité des médias ont complètement ignoré la campagne publicitaire pédopornographique de Balenciaga."

Lotta Volkova, dommage collatéral ?

La polémique a également touché Lotta Volkova, une styliste d'origine russe qui a travaillé au côté de Demna Gvasalia pour Balanciaga jusqu'en 2018. Elle a été, à son tour, la cible des internautes, après avoir été accusée d’être derrière ces publicités. La cause du départ de flamme : ses posts Instagram dans lesquels figurent des images aux évocations satanistes ou sadomasochistes, parfois accompagnées d’enfants.

Après que les images aient été partagées sur Twitter, elle a vite verrouillé son profil Instagram.

De quoi pousser sa porte-parole à affirmer à Newsweek que “Lotta Volkova condamne la maltraitance des enfants sous toutes ses formes (...) Lotta Volkova n'a pas travaillé avec Balenciaga ou son équipe depuis 2018 et elle n'a en aucun cas participé aux récentes campagnes Instagram ou publicitaires de la marque".

Selon Reuters, la styliste a également été faussement représentée au travers d'une image dans laquelle figure une femme parée d'une robe rouge tenant dans ses bras deux poupées recouvertes d'une substance qui "s'apparente à du faux sang". La véritable personne sur cette photo serait un mannequin femme, dont l'identité n'est pas connue, ayant participé à la China Fashion Week de 2016.

Christie's, sous contrôle de François-Henri Pinault, mêlé à la polémique

Les internautes se sont également penchés sur le cas de la prestigieuse maison d'enchères Christie's, sous contrôle de la holding Artemis détenue par François-Henri Pinault, milliardaire français et président-directeur général du groupe Kering, qui possède la marque Balenciaga. Faisant le lien entre les deux sociétés par le biais de M. Pinault, ils ont rappelé que Christie's avait mis en vente aux enchères des "objets d'art" représentant des enfants avec des organes génitaux à la place de leur nez et de leur bouche, ce qui n'a pas manqué de susciter le "dégoût" des internautes. Le média américain Newsweek a tenu à rappeler qu'il n'y a aucun élément de preuve qui suggérerait que le milliardaire était au courant de cette vente sur le site Internet de Christie's.

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