Règlement sur les services numériques (DSA) : une tentative européenne d’imposer l’autocensure aux réseaux sociaux

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Lauriane Bernard, France-Soir
Publié le 23 août 2023 - 16:30
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Breton
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Kenzo Tribouillard / AFP
Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, le 23 septembre 2021.
Kenzo Tribouillard / AFP

LIBERTÉ D'EXPRESSION - Ce vendredi 25 août, le règlement sur les services numériques (DSA) entre officiellement en vigueur. La loi Avia, pourtant censurée par le Conseil Constitutionnel en juin 2020, fait son grand retour sous la forme d’un texte européen. Reste à voir si les réseaux sociaux se laisseront impressionner.  

En droit français, au moins sur le papier, la liberté d’expression est la règle, et les atteintes à ce principe, l’exception. Tout pourrait bien changer ce vendredi.   

Seul un juge peut dire ce qu’est une atteinte à la liberté d’expression  

La liberté d’expression est un droit fondamental, mais pas un droit absolu. Il existe bel bien des abus qui sont expressément punis par la loi. Cependant seul le juge a le pouvoir de dire ce qui est illicite, et en matière de liberté d’expression, il effectue ce qu’on appelle "un contrôle a posteriori".

Ce qui veut dire que les magistrats ne peuvent pas interdire une prise de parole à titre préventif, pour éviter en amont une atteinte à la liberté d’expression. Ces principes ont été clairement rappelés par le Conseil Constitutionnel lorsqu’il a censuré la loi Avia en juin 2020.  

Pour rappel, cette loi avait pour ambition d’obliger les réseaux sociaux à retirer les contenus "manifestement" illicites dans un délai de 24 heures. Deux éléments posaient problème au Conseil Constitutionnel.  

D’abord, l’appréciation du caractère "manifestement illicite" d’un contenu revenait à l’administration, et non à un juge. Ensuite, le délai de 24 heures laissé à l'opérateur pour s'exécuter ne lui permettait pas d'obtenir l’avis d’un juge s’il le souhaitait. 

Le Conseil avait donc souligné le risque de "sur censure" des plateformes. Elles pouvaient en effet préférer refuser de diffuser certains contenus potentiellement problématiques au lieu de risquer de devoir payer une lourde amende.  

C’est exactement ce que le DSA prévoit. Son auteur, qui n’est autre qu’un français, le Commissaire européen Thierry Breton en l’occurrence, ne lit apparemment pas la jurisprudence de la cour constitutionnelle de son propre pays.  

Le DSA, une tentative de parvenir à une "loi Avia" européenne  

Le DSA est tout simplement une tentative d’imposer l’autocensure aux réseaux sociaux. À partir de vendredi, ces plateformes ne seront plus seulement obligées de retirer les contenus signalés, elles seront aussi obligées "d'analyser et de corriger le risque systémique qu'elles font peser sur la sécurité publique ", sous peine de s’acquitter d’une amende pouvant grimper jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial.

Encore faudrait-il que ces plateformes, dont les sièges sociaux sont tous basés aux États-Unis, veuillent bien communiquer leur bilan à Bruxelles, ce qui est une autre affaire.  

Il n’empêche qu’aucune définition claire du "risque systémique" n’est proposée dans ce texte extrêmement flou, où rien n’est explicitement précisé. Le règlement dresse simplement une liste non-exhaustive de situations qui concernent la haine et la violence en ligne, les droits fondamentaux, le discours civique, les processus électoraux et la santé publique…

Il reviendra donc aux réseaux sociaux d’interpréter le droit européen, à leurs risques et périls et sans l’appui d’un juge. En France, ce sera l’Arcom (l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, anciennement CSA) qui sera chargée de collecter les manquements au DSA.  

Voilà que ce qui a été censuré en 2020 par le Conseil Constitutionnel revient sous la forme d’un texte européen, trois ans plus tard. Reste à voir si les diverses plateformes de réseaux sociaux se laisseront impressionner si facilement.

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