La Cour des comptes critique le dernier budget de François Hollande... et dénonce au passage des pratiques comptables douteuses

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Jean-Yves Archer, édité par la rédaction
Publié le 01 juin 2017 - 14:29
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La Cour des comptes pointe une "occasion manquée" pour les finances publiques françaises
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© BERTRAND GUAY / AFP/Archives
"La situation financière de l’État s’est encore détériorée" s'inquiète la Cour des comptes
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Le dernier rapport de la Cour des comptes sur les derniers comptes du quinquennat Hollande sont cinglants pour la gestion de l'ancien président. Les sages de la rue Cambon, particulièrement sévères, émettent des inquiétudes et estiment que la réduction du déficit est en réalité masquée par des arrangements comptables. Jean-Yves Archer, spécialiste des finances publiques et dirigeant du cabinet Archer, décrypte en partenariat avec "FranceSoir" les arguments de la Cour.

Nous savons que le président Macron a décidé de ne pas faire élaborer puis voter un collectif budgétaire durant l'été lors de la session extraordinaire du Parlement. Le grand rendez-vous des finances publiques de notre pays aura donc lieu à l'automne, avec le vote du budget pour 2018. Pendant ce temps-là, l'orchestre de nos déficits continue hélas à jouer. Avec cette insistance du jour qui forge nos feuilles d'impôts de demain.

Dans un rapport rendu public le 31 mai, la Cour des comptes apporte d'utiles précisions sur notre situation. On y constate que l'exécution du déficit pour 2016 ressort à 69,1 milliards au lieu des 72,3 milliardss prévus par la loi de finances. Immédiatement, d'aucuns vont louer la qualité de gestion du tandem Hollande–Sapin mais la lucidité conduit à l'inverse à brandir un carton rouge pour de hautes personnalités qui auront fait davantage preuve d'habileté et d'astuce que de rigueur. En effet, Emmanuel Macron ne peut objectivement pas remercier François Hollande pour la réalité de la situation budgétaire qu'il lui laisse.

La Cour des comptes écrit que "la gestion 2016 s’éloigne toujours plus des objectifs et des principes de la loi organique relative aux lois de finances. Les incertitudes sur la trajectoire budgétaire à court et à moyen terme sont renforcées et la situation financière de l’État s’est encore détériorée"En matière de droit budgétaire, le terme de détérioration est lourd de sens.

La Cour poursuit en nous apprennant ainsi que "les sous-budgétisations importantes et les décisions de dépenses nouvelles en cours d’exercice ont conduit à une exécution particulièrement heurtée, reposant sur une utilisation très étendue des mises en réserve de crédits et des décrets d’avance"Autrement dit, le solde budgétaire affiché est une parfaite illusion comptable. Ainsi, l'Etat a décidé de ne pas désendetter ses participations financières (pour un montant d'un peu plus de 2 milliards d'euros) en jouant sur le fait que ces participations sont regroupées dans un compte d'affectation spéciale qui ne relève pas directement du budget général.

Autre méthode contestable au regard du principe d'image fidèle, l'Etat a différé les nécessaires recapitalisations d'Areva et d'EDF tout autant que la reprise partielle de la dette de la SNCF pourtant annoncée publiquement par Manuel Valls. Les points ici visés concernent des engagements de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Parallèlement des versements inférieurs aux prévisions votées affecte notre quote-part au budget de l'Union européenne. Il en est de même pour les dotations aux collectivités locales. En français direct, cela s'appelle laisser des ardoises à son successeur et cela pose donc une question de respect démocratique liée au principe de continuité de l'Etat. De manière tout aussi singulière, l'Etat n'a pas hésité à percevoir, sur l'exercice budgétaire comptable en cours, deux années de la redevance d'usage des fréquences téléphoniques tout en ponctionnant plus largement que prévu BPI France ainsi que l'assureur-crédit Coface.

De cet habile puzzle, il ressort une rectitude déficiente qui n'échappe pas aux analystes budgétaires, qu'ils soient privés ou publics. La Cour l'énonce sans détours: "En tenant compte de l’augmentation des reports de charges et des contournements de la charte de budgétisation, la progression de la dépense par rapport à 2015 est près de deux fois plus rapide que celle affichée (+1,8 % au lieu de +1%, hors charge de la dette et pensions)".

Enfin, il faut intégrer à notre bonne compréhension de la situation le fait que ce tableau est bâti hors charge de la dette. Celle-ci est pourtant le premier poste budgétaire de notre pays et risque fort d'évoluer au gré de la remontée des taux d'intérêt que les observateurs escomptent d'une politique monétaire moins accommodante de la BCE en 2018.

Par conséquent, nous sommes loin du déficit affiché par le tandem Hollande–Sapin ce qui est un vrai défi que le ministre des Comptes publics aura donc à monitorer autant que faire se peut. Dans un contexte où notre dispositif public est toujours aussi coûteux. Ainsi, la note de la Cour sur l'audiovisuel public décrit qu'un dérapage de plus de 100 millions d'euros est intervenu. Il faut alors se souvenir que la Cour avait émis, il y a quelques mois, un rapport alarmant évoquant par écrit: "L'impasse financière de France Télévisions"Bien entendu, ce n'est pas le premier des sujets de notre pays mais bout à bout, ces centaines de millions constituent des déficits exprimés en milliards, n'en déplaise à l'ancien élu de Tulle et à ses déclarations d'auto-glorification sur la qualité de son bilan.

Le futur Parlement va être majoritairement composé de députés novices. Formons le vœu qu'ils et elles sachent rapidement être vigilants et performants afin de pouvoir contribuer, auprès du gouvernement, au délicat redressement de nos finances publiques victimes de la politique de "window-dressing" (l'amélioration factice d'un bilan comptable) pratiquée sans vergogne par l'ancien président de la République.

La Cour dans son document de certification des comptes 2016 est ainsi conduite à émettre "quatre réserves substantielles". Sa conclusion  est pour le moins fort préoccupante.

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