"LuxLeaks" : "J'assume mes actes", déclare Raphaël Halet, jugé au Luxembourg
"Choqué" par les pratiques d'optimisation fiscale des firmes multinationales au Luxembourg, l'un des lanceurs d'alerte qui a permis de révéler l'ampleur du scandale des "LuxLeaks" s'est justifié vendredi 29 lors de son procès, estimant avoir fait son devoir de citoyen. "J'assume mes actes", a déclaré Raphaël Halet devant le tribunal luxembourgeois qui juge depuis mardi 26 trois Français: deux lanceurs d'alerte accusés de vol domestique, divulgation de secrets d'affaires, violation de secret professionnel et blanchiment, M. Halet et Antoine Deltour, ainsi qu'un journaliste, Edouard Perrin, jugé pour complicité. Ces trois hommes se retrouvent sur le banc des accusés pour la fuite de milliers de documents fiscaux du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC).
Raphaël Halet affirme avoir exercé son "devoir d'alerte" en tant que "citoyen", après avoir vu un reportage de l'émission Cash investigation sur la télévision publique France2. Ancien responsable de la numérisation des documents de PwC au Luxembourg, il rapporte avoir été "surpris" et "choqué", comme son équipe, par l'enquête journalistique d'Edouard Perrin. "J'ai été surpris que cela puisse être possible. Par rapport aux révélations, je comprenais davantage le contenu des documents qu'on voyait passer", explique-t-il au tribunal, situé au coeur du quartier des ministères de la capitale grand-ducale. "Ce sont des pratiques qui me choquent. Je me suis rendu compte que mon travail allait à l'encontre de mes convictions", poursuit-il.
Il décide alors de prendre contact avec la production du reportage. Il explique que lors de sa prise de contact avec le journaliste au printemps 2012, il lui dit participer "contre (son) gré à de l'évasion fiscale". "Je souhaitais que les règles changent, je ne pouvais pas rester sans rien faire", témoigne M. Halet. Mais la suite de ses propos diffère d'une première version donnée lors de son audition par un juge en 2015. "C'est moi qui ai décidé quelles sociétés et quels documents" fournir à Edouard Perrin, précise Raphaël Halet lors de la quatrième journée du procès, un revirement après avoir déclaré que le journaliste avait téléguidé l'organisation de la fuite de documents.
"Le journaliste ne m'a pas cité de noms de sociétés", soutient M. Halet, justifiant ses précédentes déclarations mettant en cause le journaliste par un accord de confidentialité signé avec PwC en décembre 2014, alors qu'il avait été identifié comme l'une des sources, dans lequel il acceptait de donner des détails sur la fuite de documents. Le reportage de Cash investigation, diffusé en 2012, était basé sur des documents fournis par un autre employé de PwC, Antoine Deltour, troisième homme sur le banc des accusés, et le plus emblématique du trio. Ce dernier doit être entendu à la reprise du procès mardi 3 mai prochain.
Le procès des trois hommes, accusés d'avoir fait fuiter près de 30.000 pages éclairant les pratiques fiscales de multinationales établies au Grand-duché, a commencé mardi. Ils encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement. PwC avait déposé une plainte en juin 2012, déclenchant une enquête qui avait rebondi en 2014 après la publication des documents par l'ICIJ, le Consortium international des journalistes d'investigation. Si les récents "Panama Papers" ont mis au jour des montages complexes de sociétés pour dissimuler des avoirs, le scandale des "LuxLeaks" a lui dévoilé les pratiques fiscales de firmes comme Apple, Ikea et Pepsi pour économiser des milliards de dollars d'impôts.
Les "rescrits fiscaux", généreusement accordés par l'administration luxembourgeoise, étaient négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients. Antoine Deltour, le lanceur d'alerte, avait reçu mardi le soutien appuyé du ministre français des Finances, Michel Sapin, qui lui a fait part de la "solidarité" de la France. Ce procès est suivi de près par de nombreuses ONG, alors que le Luxembourg peine à se départir de son image de havre pour les entreprises cherchant à minimiser leur fiscalité.
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