Pour relancer la croissance, la BCE emploie les grands moyens
Ce faisant, son président Mario Draghi, engagé dans une lutte sans merci contre l'inflation trop basse, est même allé plus loin que ce qu'on attendait de lui, réjouissant les marchés dans un premier temps, mais donnant aussi l'impression que la BCE a maintenant donné "le maximum".
Le conseil des gouverneurs de l'institution monétaire a décidé d'abaisser encore davantage l'ensemble de ses taux directeurs, déjà au plus bas bas depuis plus d'un an. Et la BCE pourrait aller encore plus bas, si cela s'avérait nécessaire, a assuré M. Draghi. D'autant qu'elle a revu à la baisse ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2016 et 2017.
En parallèle, la banque centrale va muscler à partir d'avril son vaste programme de rachats de dettes, le "QE" pour "Quantitative Easing", en rachetant jusqu'à 80 milliards d'euros de titres chaque mois, contre 60 milliards jusqu'à présent, et ce jusque mars 2017.
Au total, en deux ans, la BCE aura déboursé d'ici là à ce titre 1.740 milliards d'euros. La palette des titres éligibles aux rachats de dettes a été élargie pour inclure des obligations émises par des entreprises de la zone euro - à l'exclusion des banques.
Un nouveau programme de prêts géants pour les banques complètera le dispositif. L'objectif est d'inciter les banques à faire circuler l'argent dans l'économie, pour faire repartir le crédit, les prix, et la croissance.
"Nous avons montré que nous ne sommes pas à court de munitions", a martelé M. Draghi, indiquant que "l'écrasante majorité" du conseil des gouverneurs s'était rangée derrière les mesures prises jeudi. La preuve, selon lui, de la "volonté" de la banque centrale à gagner la bataille contre l'inflation trop basse, alors que des rumeurs ont fait état ces derniers mois de dissensions au sein du conseil.
M. Draghi en a profité pour égratigner les partisans du statu quo, au rang desquels le gouverneur de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann. Une politique du "non à tout" aurait conduit à "une déflation désastreuse", a martelé le patron de la BCE, prononçant la formule "non à tout" en allemand ("nein zu allem").
La banque était sous pression pour frapper fort, après avoir déçu les marchés une première fois en décembre. Les effets des outils déjà déployés se font encore attendre. Un an après avoir dégainé la première version de son "QE", l'inflation s'affiche à -0,2% sur un an en zone euro, très loin de l'objectif d'une hausse des prix proche des 2% sur un an proche mais inférieure à ce taux.
La faute à la chute sans fin des prix du pétrole et à une reprise toujours atone sur le Vieux Continent, assombrie par le ralentissement des économies émergentes.
Toutes les mesures annoncées jeudi vont au-delà des espérances des marchés, qui attendaient seulement une augmentation des rachats de dettes et une baisse d'un des taux directeurs, le taux de dépôt.
Les marchés ont dans un premier temps jeudi tiré leur chapeau à cette offensive monétaire, avec de fortes progressions des Bourses et une chute marquée de la monnaie unique. Mais la tendance a rapidement changé, et en fin d'après-midi Francfort était tombée dans le rouge, Paris flirtait avec l'équilibre.
Les premières réserves se faisaient déjà entendre sur l'efficacité de l'action de la BCE. "C'était le maximum que la BCE puisse faire, mais cela ne suffira pas à lever les doutes sur l'impact de ces mesures", soulignait Carsten Brzeski, économiste chez ING.
De plus en plus d'observateurs mettent en doute la capacité de l'institution à ramener l'inflation vers sa cible - et celle des banques centrales de manière générale à agir sur l'économie. Pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, la BCE a dévoilé "un panaché de mesures plus audacieuses que ce que la plupart des observateurs attendaient". "La BCE a finalement tenu ses promesses", salue-t-il, "mais elle ne peut pas faire des miracles".
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