Louis Fouché : « Il faut rester ouvert et en lien avec le monde »
Marseille, épisode 5 - Il est toujours difficile de débriefer un entretien avec Louis Fouché. Cultivé et passionné, l’anesthésiste-réanimateur passe d’une idée à l’autre, dresse des ponts là où on ne les attend pas, enchaîn propositions et contre-propositions. Faire une synthèse de son propos s’avère délicat, tant il semble que chaque phrase revêt une importance cruciale.
Il faut dire que cette révolte qu’il ne cesse d’exprimer depuis un an et demi bouillonnait en lui depuis longtemps. Coincé dans le confort de sa vie de « médecin nanti », il a fallu que la crise sanitaire, qu’il perçoit comme une chance, « vienne secouer le cocotier » pour le faire descendre dans l’arène de la vie publique.
La technique et ses conséquences sur la société est l’un des grands champs de la réflexion du leader – il préfère "diplomate", l'organisation ne se voulant pas pyramidale – du collectif Reinfo Covid. À ses yeux, le problème réside dans le fait qu’elle progresse aujourd’hui à un rythme trop élevé « pour pouvoir être régulée par le corps social ». Conséquence : « Celui qui est le tenant de la technique va toujours prendre le pouvoir sur le groupe social. Pour le dire plus simplement : aujourd’hui, ce n’est pas vous qui décidez si votre fille de 12 ans a un IPhone dans la poche. C’est Google, c’est Amazon, c’est Microsoft, c’est Facebook, mais ce n’est pas vous. »
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Alors, anti-progrès le Dr Fouché ? Non, bien entendu. Mais à condition d’être en mesure à chaque fois de bien peser le pour et le contre des implications d’une avancée technologique. « Si vous faites le compte des bénéfices-risques des systèmes numériques tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, je crois qu’il faudrait les brider, les calmer et dire non à certains moments. »
Paradoxalement, c’est pourtant grâce à ces mêmes outils numériques qu’une partie de la population est en train de se réapproprier certains pans de sa vie. On le voit par exemple dans le domaine de la santé, où la diffusion des savoirs conduit désormais certains à reprendre en main leur alimentation ou la façon de prévenir les maladies. Autre exemple prosaïque donné par le médecin : les tutoriels disponibles sur YouTube permettent à des gens de refaire une partie de leur maison « à leur sauce, et non à celle de Leroy Merlin ».
« Entre être heureux et avoir raison, je préfère être heureux »
Rompre avec la société, rejoindre un groupe alternatif, comporte un risque de dérive sectaire. Une critique qui a souvent été formulée à l’égard de ceux qu’on catalogue comme « dissident », « résistant » ou encore « complotiste ». C’est un écueil dont a conscience Louis Fouché. « A Reinfo Covid, il y a cette idée qu’il faut rester ouvert et en lien avec le monde. » Apôtre de la non-violence, il déplore que les débats passionnés autour de la gestion de la crise sanitaire, et plus largement du rapport au monde tel qu’il est, conduisent familles et amis à se déchirer. « À mon avis, cela n’a pas de sens. […] Entre être heureux et avoir raison, je préfère être heureux. En revanche, il faut bien sûr ne pas oublier ce qui est important et conserver ses valeurs. »
À propos du système de santé, celui qui a été poussé à se mettre en disponibilité de son poste à l'AP-HM (anesthésiste-réanimateur à l’hôpital de la Conception, à Marseille) dit avoir été très marqué par une conférence à laquelle il a assisté en 2014 au Collège de France. Il était question de l’évaluation en santé. « L’ambition actuelle, c’est de parvenir à un système où tout serait standardisé, et où les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, ceux qui font le ménage se contenteraient d’appliquer des protocoles préconçus par « ceux qui savent penser ».
« Je ne crois pas que la manifestation soit quelque chose d’utile »
Symbole de cette doxa : la Convention on Health Analysis and Management (CHAM), qui réunit chaque année à Chamonix les ministres de la Santé, des Finances, les patrons de grands fonds d’investissement, des Gafam, « et quelques chefs de services ronflants d’hôpitaux parisiens ». Le rêve de ces gens-là : « une santé qui ne serait que le fruit d’algorithmes ». « C’est déjà l’idée qu’on essaye de faire passer aux étudiants en médecine actuels. […] Mais c’est un leurre complet. Parce que ce qui soigne au fond, c’est l’humain et c’est la relation [entre le médecin et son patient]. »
Comment faire face à ce système ? Et d’une manière générale, comment s’opposer au néolibéralisme, désigné par Louis Fouché comme « l’ennemi » ? Cela en décevra certains, mais l’anesthésiste est sceptique quant au pouvoir de la rue. « Je ne crois pas que la manifestation soit quelque chose d’utile. […] Quand ils veulent, [les gouvernants] peuvent envoyer les blacks blocs afin de vous faire passer pour des gens violents. Quand ils veulent, ils peuvent faire dire aux médias que vous étiez 300 alors que vous étiez 3 000. »
Il appelle plutôt les opposants au système à recréer du lien, à monter des systèmes parallèles. « Il n’y a pas besoin de tout lâcher. Par exemple : pour organiser une bibliothèque collective destinée à ceux qui n’ont plus le droit d’entre dans une bibliothèque municipale, et ainsi leur permettre d’accéder à nouveau à des livres et du savoir, vous n’avez rien besoin d’abandonner. » Cela suffira-t-il ? On ne demande qu’à y croire.
Un "Entretien essentiel" dans lequel Louis Fouché nous parle de son livre "Tous résistants dans l'âme - Éclairons le monde de demain !", (éditions Guy Trédaniel)... et de bien d'autres choses encore.
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