Voile contraire à "la civilité" : léger raidissement de Macron sur l'islam
En appelant à une "bataille pour l'émancipation" sur le voile, jugé "pas conforme à la civilité", Emmanuel Macron semble avoir raidi son discours sur l'islam tout en affichant sa volonté de nouer des relations "pacifiées" avec les cultes.
Dimanche soir lors du long entretien accordé à BFMTV-RMC et Mediapart, le chef de l'Etat a dit vouloir "être sûr (...) qu'aucune femme ne soit obligée" de porter le foulard islamique.
Interrogé sur le rejet supposé du voile dans une partie de la population française, il a fait valoir que cet attribut n'était "pas conforme à la civilité qu'il y a dans notre pays, c'est-à-dire au rapport qu'il y a entre les hommes et les femmes", évoquant une "bataille pour l'émancipation" à mener sur ce sujet.
"Emmanuel Macron est dans un jeu d'équilibriste par rapport à ses engagements de campagne présidentielle et sa défense d'une laïcité inclusive", dit à l'AFP l'avocat et essayiste Asif Arif. "La situation s'est renversée avec les attentats (de l'Aude le 23 mars, ndlr): il a besoin d'affirmer une carrure de chef d'Etat sur ces sujets-là", analyse-t-il.
Selon ce défenseur des libertés publiques, "ce durcissement a aussi été dicté par d'autres personnalités", tel l'ancien Premier ministre Manuel Valls qui, au sein de la majorité présidentielle, incarne une ligne offensive sur la laïcité et l'islam identitaire et politique et va jusqu'à réclamer une "interdiction du salafisme".
Pour le politologue Laurent Bouvet, cofondateur du mouvement laïque Printemps républicain, l'inflexion présidentielle "ne date pas de dimanche soir mais du discours d'hommage au colonel Arnaud Beltrame", tué lors de l'attaque jihadiste de Trèbes.
Aux Invalides, le 28 mars, le président de la République avait sonné la charge contre un "islamisme souterrain qui progresse par les réseaux sociaux, qui accomplit son œuvre de manière invisible, qui agit clandestinement, sur des esprits faibles ou instables, trahissant ceux-là mêmes dont il se réclame, qui, sur notre sol, endoctrine par proximité et corrompt au quotidien".
"Pour la première fois, il avait parlé d'islamisme invisible. Une nouveauté par rapport à la campagne électorale, où quand il disait +islamiste+", c'était pour l'accoler au mot terrorisme et l'associer au jihadisme", relève Laurent Bouvet.
Notant "une peur de ce fait nouveau" qu'est la religion musulmane en France métropolitaine, avec ses quelque 5 à 6 millions de fidèles, Emmanuel Macron avait redit dimanche soir sa "conviction profonde": "Si nous voulons nous tenir unis", "nous devons (...) pacifier les liens entre la religion et la société".
- "La laïcité, angle mort" ? -
Ce qui fait dire à l'essayiste Malik Bezouh, auteur du livre "France-islam, le choc des préjugés" (Plon): "Oui, clairement, il y a un raidissement du président sur la question du voile, et en même temps il garde son côté ouvert sur les religions. C'est peut-être le génie de Macron, et c'est bien, car la France est un peu névrosée par rapport au fait religieux".
Coauteur d'un livre "Islam, la dernière chance" (Entrelacs) à paraître en mai, Saïd Branine ne veut pas surinterpréter les petites phrases présidentielles sur le foulard islamique, d'autant que l'intéressé a rappelé qu'il n'entendait pas légiférer sur ce sujet.
"C'était plutôt un discours à destination de la société française, au sein de laquelle on sait que le voile est un sujet de crispation", observe le cofondateur du site d'information sur l'islam Oumma.com.
"Les musulmans, pour l'instant, sont en attente non pas de préjugés, d'un simple discours, mais de propositions concrètes", souligne ce leader d'opinion, qui appelle de ses voeux une réforme ambitieuse de l'organisation du culte musulman en France et de son financement. Un chantier sur lequel Emmanuel Macron a promis de préciser ses intentions avant la fin du premier semestre.
Laurent Bouvet, lui, pense que le chef de l'Etat "va continuer à durcir" son discours: "Cela participe d'une stratégie qui consiste à dire +un islam modéré, républicain est tout à fait bienvenu alors que les formules plus radicales, il faut les dénoncer+".
Le cofondateur du Printemps républicain regrette cependant qu'Emmanuel Macron ne fasse pas davantage "le pari de la laïcité", qui selon lui "reste un angle mort" de ses prises de position.
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