Procès Haurus : l'agent de la DGSI voulait "mettre du beurre dans les épinards"

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Par Leo MOUREN - Nanterre (AFP)
Publié le 15 juin 2021 - 18:27
Mis à jour le 16 juin 2021 - 16:05
France-Soir

Ancien agent de la DGSI, "Haurus" risque dix ans de prison pour avoir vendu des informations confidentielles sur le "darknet". Au premier jour de son procès devant le tribunal correctionnel de Nanterre, il a expliqué mardi avoir agi par appât du gain, jusqu'à "perdre pied avec la réalité".

Baskets blanches, jeans, chemise et masque noir siglé du drapeau tricolore, l'homme de 35 ans, qui travaillait dans une unité antiterroriste de la Direction générale de la sécurité intérieure, raconte d'un ton calme et assuré avoir commencé à fréquenter le "darknet" pour le travail en 2017, dans le cadre d'une enquête sur le financement d'un projet d'attentat.

Là, sur un forum, il dit avoir rencontré un faussaire ayant "pignon sur rue".

Séduit par l'idée de pouvoir mettre "du beurre dans les épinards" alors qu'il est endetté, l'enquêteur spécialisé sur l'islam radical se met à fournir au faussaire de vraies informations servant à la fabrication de faux documents administratifs, carte grise ou permis de conduire.

"Ça me prenait cinq minutes par jour (...) ça ne me semblait pas grand chose", confesse-t-il à la barre.

Puis lui vient l'idée de fournir des informations plus détaillées auxquelles il a accès grâce à son travail: dernière adresse connue, antécédents judiciaires, destinations de voyage... "Là, ça dérape vraiment", reconnaît l'ex-policier, qui facture alors ses services jusqu'à 300 euros.

Plusieurs mois après, il adopte le pseudonyme "Haurus" et rejoint un autre forum, où de "sous-traitant" il devient "auto-entrepreneur", décrit-il en reprenant les termes de la présidente du tribunal. Il monte lui-même une boutique où il vend ses informations.

"Il y avait une forme de distanciation, dans la journée j'étais le bon flic (…) et le soir j'endossais le rôle d'Haurus".

- "Addiction" -

A la barre, l'ancien engagé volontaire dans la gendarmerie, qui dit avoir été "très marqué par les attentats" de 2015, se présente comme victime d'une forme "d'addiction", incapable de s'arrêter de lui-même.

Mais il refuse que son portrait soit perçu comme celui d'un "ripou de la police nationale". "Les agents de police qui font des recherches à titre personnel, ce n'est pas une légende urbaine", ajoute-t-il.

"Haurus" rappelle également qu'il n'a pas vendu d'informations tirées de la base de renseignement de la DGSI, précisant l'avoir simplement consultée à des fins personnelles pour des "vérifications".

Selon l'accusation, il aurait effectué 382 recherches illégitimes. "Dix requêtes peuvent avoir été faites pour une seule et même recherche", nuance-t-il, estimant à 30.000 euros les gains ainsi réalisés.

Son compagnon, jugé à ses côtés et accusé d'être son complice, avoue sa "honte" et explique avoir qualifié l'attitude de Haurus de "stupide". "J'avais peur de savoir" la vérité, poursuit-il.

Sont également prévenus dans cette affaire deux faussaires du "darknet" et deux de ses clients: un détective privé et un habitué du milieu du grand banditisme marseillais, Christophe N., déjà écroué dans une autre affaire.

Certaines "commandes" de ce dernier sont particulièrement étudiées par la justice, plusieurs hommes ayant été assassinés à Marseille après des recherches d'Haurus à leur sujet.

Ce volet de l'affaire a valu au fonctionnaire de police une autre mise en examen, à Marseille, pour corruption passive et association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes en bande organisée.

Interrogé à ce sujet, "Haurus" rappelle à la barre qu'il n'a pas encore été entendu au fond et ajoute: "A l'époque (...) ce qui se passe à Marseille, ça me passe au-dessus. Les règlements de compte là-bas, on en entend parler tous les jours".

Christophe N., qui conversait au téléphone avec "Haurus" depuis une cellule de prison, assure ne pas connaître les personnes sur qui il lui demandait des renseignements, jurant n'être qu'un intermédiaire.

Interrogé sur un message extrait d'une conversation avec "Haurus" où il envisageait qu'un de ces hommes visés par une recherche puisse être assassiné, Christophe N. promet qu'il s'agissait d'un simple copier-coller et non d'un message écrit de sa main.

Suite des débats mercredi.

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