Apauvris en 30 ans, les locataires ont moins de chances de devenir propriétaires
Plus pauvres qu'il y a 30 ans comparé au reste de la population, les ménages qui ne sont pas propriétaires ont aujourd'hui moins de chances de le devenir, affirme l'Insee, dont l'Enquête Logement publiée mardi montre un accès à la propriété en recul en France.
"L'accès à la propriété est devenu plus sélectif. Ceux qui n'y ont pas accès se trouvent de plus en plus parmi les plus modestes", lit-on dans la dernière édition de cette enquête triennale réalisée depuis 40 ans, qui a été menée de juin 2013 à juin 2014.
Car si le taux de propriétaires atteint 58% - et même 75% à l'âge de la retraite -, une proportion en hausse depuis 30 ans dans l'Hexagone, le taux d'accès à la propriété, lui, a reculé depuis 2001, passant de 14% à 11,4%.
En 30 ans, les inégalités d'accès à la propriété se sont accrues entre les différentes catégories de ménages, en particulier entre ceux que leurs parents peuvent aider et les autres, car l'aide financière de la famille est devenue fréquente. De même, le revenu, la nécessité d'avoir deux apporteurs de ressources et un emploi stable "sont devenus des conditions plus prégnantes".
Alors que le montant de l'apport personnel représente environ le tiers du montant de l'achat en 2013, contre 15% trente ans auparavant, la probabilité de devenir propriétaire est plus élevée pour les ménages appartenant à la moitié la plus aisée de la population.
Par ailleurs, si la baisse des taux d'intérêt et l'allongement des durées d'emprunt ont renforcé la capacité d'achat des ménages, ces deux facteurs "n'ont qu'en partie compensé la hausse des prix".
Entre 1996 et 2016, les prix à la consommation ont augmenté de 31%, le revenu disponible brut par ménage de 40% et les loyers de 46% tandis que le prix des logements anciens était, lui, multiplié par 2,5 (2,67 en Ile-de-France).
Pour un accédant récent à la propriété, le prix d'achat d'un logement représente 4,7 années de revenu en 2013 contre 3,3 ans à la fin du siècle dernier.
- Taux d'effort accru -
Mais l'évolution la plus marquante a été le creusement des écarts de revenus entre propriétaires et locataires.
Si les anciennes générations de propriétaires pauvres, habitant des logements de mauvaise qualité ont disparu - un cinquième des ménages les plus pauvres sont propriétaires en 2013, contre près de la moitié en 1973 -, à l'inverse 42% des "non propriétaires" font aujourd'hui partie des ménages aux revenus les plus modestes, contre 25% en 2015.
Les locataires sont plus modestes aujourd'hui qu'il y a 30 ans, car cette catégorie "s'est progressivement vidée des ménages les plus aisés qui ont pu accéder à la propriété".
En outre, les locataires sont davantage confrontés à des prix de l'immobilier élevés: ils vivent dans des zones où le prix au m2 est supérieur de 18,1% à la moyenne nationale, contre seulement 6,7% en 1984.
En parallèle, les dépenses de logement des locataires - loyers, charges, chauffage, taxe d'habitation - "ont fortement augmenté depuis 1984", en particulier dans le parc privé, mais aussi dans le logement social, "tandis que leur revenu moyen est resté quasi stable".
Une fois déduites les aides au logement, un locataire du parc privé dépense en moyenne 50% de plus au m2 pour son logement qu'un locataire du secteur HLM.
En conséquence, le taux d'effort des locataires - la part de leur revenu consacrée aux dépenses de logement -, a bondi pour atteindre 28,4% en 2013 dans le parc privé, et 24,1% dans le parc social.
Cet effort accru a "davantage pesé sur les plus modestes": il a progressé de 7,8 points pour les locataires du parc privé aux revenus les plus faibles et de 5,1 points pour ceux du parc social - malgré les aides personnelles au logement.
En 2013, 4,5% des locataires étaient en situation d'impayé de loyer ou de charges, tandis que 11,5% des accédants avaient des difficultés à rembourser leur emprunt.
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