Au Yémen, le coup de force séparatiste creuse les fractures

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Par Natacha YAZBECK - Dubaï (AFP)
Publié le 02 février 2018 - 20:35
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Le coup de force des séparatistes sudistes qui se sont emparés cette semaine d'Aden, la deuxième ville du Yémen où siège le gouvernement, a mis à nu la versatilité des alliances et les profondes divisions minant ce pays en guerre.

Depuis 2014, le pays le plus pauvre de la Péninsule arabique est déchiré par une guerre entre les forces loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi et des rebelles originaires du nord du pays, les Houthis. Ces derniers, qui se plaignaient d'être marginalisés, se sont emparés en septembre 2014 de la capitale Sanaa et en ont chassé le gouvernement, progressant jusque dans le sud du pays.

Soutenues par l'intervention d'une coalition militaire arabe conduite par l'Arabie saoudite, les troupes gouvernementales ont réussi à reconquérir une partie du sud du pays, y établissant le siège du gouvernement à Aden, la grande ville portuaire.

Jusqu'à récemment, la ligne de fracture semblait donc se dessiner entre le nord et ses rebelles Houthis, et le sud où les forces loyales au président Hadi avaient repris pied en s'alliant avec des troupes du mouvement sudiste, avec l'appui présenté comme inconditionnel de la coalition militaire arabe, en particulier de Ryad et des Emirats arabes unis.

- Fracture prévisible -

Mais les combats qui ont éclaté dimanche entre les séparatistes du sud et les forces gouvernementales anciennement alliés, faisant 38 morts et 222 blessés en quelques jours, ont mis au jour d'autres divisions dans ce pays.

La fracture dans le camp Hadi intervient moins de deux mois après l'éclatement de l'alliance entre les Houthis et les partisans de l'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh.

Pour les analystes, elle était prévisible. Le Yémen du Sud a été indépendant jusqu'à son unification avec le Yémen du Nord en 1990. Mais le Sud --où sont basés diverses organisations séparatistes, des groupes jihadistes et des tribus rivales-- s'est plaint constamment d'être marginalisé et négligé par le pouvoir central, y compris sous la présidence de M. Hadi.

"Le pays semble de plus en plus fragmenté le long des lignes Nord-Sud, en plus des lignes Houthis-Hadi", relève Simon Henderson, directeur de recherche au centre de réflexion Gulf Institute à Washington.

La relation entre le mouvement séparatiste et le gouvernement yéménite avait commencé à se tendre après le limogeage l'an dernier du gouverneur d'Aden, Aidarous al-Zoubaidi, qui a formé un "Conseil de transition du sud" (STC), une autorité parallèle dominée par les séparatistes.

Le STC avait fixé un ultimatum à M. Hadi exigeant le départ du Premier ministre Ahmed ben Dagher et "des changements au gouvernement", accusé de "corruption". Cet ultimatum avait expiré dimanche quand ont débuté les affrontements.

Le STC vise "l'indépendance" selon un document rédigé en janvier et obtenu jeudi par l'AFP. Mais l'ex-gouverneur d'Aden et leader du STC a affirmé cette semaine qu'il attendait "une réponse positive" de la communauté internationale avant d'aller plus loin.

- Regard vers l'Ouest -

Deux responsables du STC assurent avoir envoyé une délégation à Washington pour étudier la possibilité d'ouvrir un bureau dans la capitale américaine, avec l'espoir d'être reconnus internationalement, notamment en Occident. Le Département d'Etat n'a pas confirmé.

La fin de l'alliance entre les séparatistes du Sud et les forces gouvernementales pourrait aussi être révélatrice d'un soutien moins inconditionnel qu'affiché de la coalition militaire arabe au président Hadi, qui vit en exil à Ryad depuis 2015.

"La réalité semble être que les Emirats arabes unis en sont arrivés à être exaspérés par Hadi et qu'ils orchestrent leur propre plan pour le Yémen du Sud", analyse M. Henderson.

Les Emirats ont entraîné une force militaire yéménite appelée "Cordon de sécurité", perçue comme favorable au puissant mouvement séparatiste du sud du Yémen.

"Il est peut-être trop fort de dire que c'est la fin du gouvernement Hadi, mais je pense qu'il est juste de dire que c'est la fin d'un Yémen unifié", estime Farea al-Muslimi, chercheuse au centre de réflexion Chatham House à Londres.

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