Benalla : Collomb charge le préfet, le directeur de cabinet de Macron auditionné mardi

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Par Gregory DANEL et Mehdi CHERIFIA - Paris (AFP)
Publié le 23 juillet 2018 - 15:54
Mis à jour le 24 juillet 2018 - 02:04
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Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb s'est dédouané lundi d'une quelconque faute dans la gestion de l'affaire Benalla et s'est défaussé sur le préfet de police Michel Delpuech, qui s'est défendu, et sur le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron.

Après Gérard Collomb et Michel Delpuech, la Commission d'enquête de l'Assemblée auditionnera mardi le directeur de cabinet de l'Elysée, Patrick Strzoda, et son homologue de l'Intérieur, Stéphane Fratacci, augurant d'une plongée inédite dans les arcanes du pouvoir.

"C'est un tribunal politique", a dénoncé sur LCI le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, mettant en doute la "déontologie" de la Commission d'enquête, en particulier de son co-rapporteur, le député Les Républicains Guillaume Larrivé.

Les vidéos montrant Alexandre Benalla, 26 ans, un proche collaborateur du chef de l'État, en train de frapper et malmener deux manifestants le 1er mai à Paris alors qu'il accompagnait les forces de l'ordre en tant qu'"observateur", ne cessent d'avoir des répercussions: Emmanuel Macron est directement mis en cause, et les débats parlementaires sur sa réforme constitutionnelle ont été renvoyés à la rentrée.

Sous pression, le président de la République a promis, via son entourage, la "vérité" sur des faits "inacceptables", en espérant éteindre la première grave crise politique de son quinquennat. Il a assuré qu'il n'y aurait "pas d'impunité".

Entendu pendant près de deux heures et demie par la commission des Lois de l'Assemblée dotée de prérogatives d'enquête, le ministre de l'Intérieur, appelé à la démission par des personnalités de droite comme de gauche, a dû affronter un feu nourri de questions.

Gérard Collomb a affirmé avoir été informé le lendemain des faits par son cabinet de l'existence de la vidéo sur laquelle on voit Alexandre Benalla s'en prendre à deux manifestants en présence d'un employé de La République en marche (LREM), Vincent Crase, lui aussi "observateur".

Mais il a estimé que ce n'était pas à lui de saisir la justice de ces actes qu'il a de nouveau condamnés "avec la plus grande fermeté".

"Je considère que c'est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations, au plus près du terrain, de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d'un signalement au titre de l'article 40" du Code de procédure pénale, a-t-il déclaré.

Le 2 mai, "je m'étais assuré que tant le cabinet du président de la République que le préfet de police avaient été destinataires de l'information. (...) C'était à eux de prendre les sanctions et éventuellement d'informer les autorités judiciaires", a lancé Gérard Collomb.

- "Interlocuteur connu" -

Le préfet de police Michel Delpuech, entendu dans l'après-midi par la même commission, a contesté ce point de vue, rappelant être "sous l'autorité des autorités exécutives".

Après avoir appris l'existence de la vidéo le 2 mai, il a contacté le ministère de l'Intérieur, qui lui a répondu être "déjà en liaison" avec la présidence de la République, a-t-il rapporté. Dès lors, "il était établi pour moi que le sujet Benalla était traité par l'autorité hiérarchique dont il dépendait".

De même, alors que Gérard Collomb a contesté connaître Alexandre Benalla, dont il ignorait les fonctions même s'il l'a forcément "croisé" lors de la campagne électorale d'Emmanuel Macron, le préfet a assuré que ce chargé de mission à l'Elysée "était un interlocuteur connu".

Cet adjoint du chef de cabinet de la présidence jouait un grand rôle dans la sécurité entourant le chef de l'État et était régulièrement en contact avec des responsables policiers. Benjamin Griveaux a pourtant affirmé que M. Benalla n'était pas "en charge de la sécurité" d'Emmanuel Macron.

Gérard Collomb n'en a pas fini avec les explications: il sera mardi devant la commission des Lois du Sénat, qui entendra aussi mercredi Patrick Strzoda, et Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, bras droit d'Emmanuel Macron, jeudi.

Dernier auditionné lundi, Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC), a affirmé que M. Benalla n'avait "aucune autorisation" de la préfecture de police de Paris pour participer à la manifestation du 1er-Mai comme "observateur".

Interrogé par Marine Le Pen, M. Gibelin a également reconnu que M. Benalla était présent à des réunions entre ses services et l'Elysée entre le 4 et le 19 mai, période pendant laquelle l'adjoint au chef de cabinet d'Emmanuel Macron était censé être suspendu.

- L'audition de Macron réclamée -

"On a bien compris la stratégie qui est celle du ministre de l'Intérieur: se sauver, quitte à renvoyer la responsabilité vers le préfet de police et le directeur de cabinet du président de la République, comme si ceux-là n'avaient eux-mêmes aucune espèce d'autorité hiérarchique" au-dessus d'eux, a réagi le porte-parole du PS, Boris Vallaud. A gauche toujours, les anciens candidats à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon ont chacun demandé qu'Emmanuel Macron soit auditionné.

Critiqué pour son silence public sur ce dossier, le chef de l'État a annulé son déplacement mercredi sur le Tour de France.

Alexandre Benalla, Vincent Crase et trois hauts gradés de la police soupçonnés d'avoir transmis au conseiller de l'Elysée des images de vidéosurveillance de l'incident ont été mis en examen dimanche: les deux premiers notamment pour "violences en réunion" et les trois policiers pour "violation du secret professionnel" et "détournement d'images issues d'un système de vidéoprotection".

"Fondamentalement, ces événements résultent de dérives individuelles inacceptables, condamnables, sur fond de copinages malsains" entre les policiers mis en cause et Alexandre Benalla, a jugé le préfet Delpuech devant les députés.

M. Benalla a, lui, dénoncé via ses avocats "l'utilisation médiatique et politique" de son intervention contestée du 1er mai, qu'il a justifiée par la volonté de "prêter main forte" aux policiers face aux manifestants.

L'ancien chargé de mission (dont le licenciement a été annoncé vendredi par l'Elysée), de même que Vincent Crase, a en outre été soumis à un contrôle judiciaire qui lui interdit d'exercer une fonction publique ou une mission de service public, de détenir une arme et d'entrer en contact avec d'autres protagonistes de l'affaire.

Quant aux deux manifestants malmenés sur les vidéos au cœur du scandale, ils ont demandé à être parties civiles dans l'enquête judiciaire, tout comme un syndicat de policiers.

"Pour éviter qu'un tel dysfonctionnement se reproduise", le chef de l’État a demandé au secrétaire général de l'Élysée de "mener la réorganisation" des services de la présidence.

Parallèlement à l'enquête parlementaire, une enquête administrative a été confiée à la "police des polices", qui devrait remettre son rapport "à la fin de cette semaine", selon le président de l'Assemblée nationale François de Rugy.

L'affaire a bouleversé l'agenda politique et paralysé l'Assemblée: l'examen de la révision constitutionnelle a dû être suspendu jusqu'à la rentrée.

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