A Cannes, montée des marches par procuration pour le Russe Serebrennikov

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Par Anthony LUCAS, avec Ola CICHOWLAS à Moscou - Cannes (AFP)
Publié le 09 mai 2018 - 15:40
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Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, le 13 mai 2016 au 69e Festival de Cannes
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© LOIC VENANCE / AFP/Archives
Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, le 13 mai 2016 au 69e Festival de Cannes
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C'est par procuration que Kirill Serebrennikov, l'"enfant terrible" du théâtre russe assigné à résidence, montera les marches du 71e Festival de Cannes mercredi soir pour la projection de son film "Leto" ("L'été") en lice pour la Palme d'or.

Producteurs et acteurs de ce long-métrage retraçant le parcours d'une légende du rock soviétique, Viktor Tsoï, pourraient fouler le prestigieux tapis rouge, peu avant 20H00 GMT, en arborant un badge en référence au grand absent du jour, placé sous surveillance depuis août.

"Leto" est l'un des deux films projetés en compétition ce mercredi en Cannes, avec "Yomeddine", premier film de l'Egyptien A.B. Shawky.

"Cannes a toujours été un lieu de liberté, de liberté de création, de liberté de présence des artistes. L'histoire du festival fourmille d'épisodes comme ça", avait souligné le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, en annonçant mi-avril la sélection en compétition, pour la première fois, du metteur en scène et cinéaste russe de 48 ans, mais aussi de l'Iranien Jafar Panahi, également interdit de voyager par Téhéran.

Directeur artistique du Centre Gogol, un théâtre contemporain moscovite réputé, M. Serebrennikov avait été arrêté par la police en plein tournage de "Leto", dont les chansons ont été la bande-son de la perestroïka, à la fin des années 1980. Le montage avait été achevé au domicile du cinéaste. Lequel était venu à Cannes en 2016 pour défendre son film "Le Disciple", retenu dans la section Un Certain regard et récompensé par le Prix François Chalais.

Les espoirs des organisateurs de voir Serebrennikov revenir en France ont toutefois été rapidement éteints: quelques jours après cette sélection, un tribunal russe avait prolongé son assignation jusqu'au 19 juillet.

L'"enfant terrible" du théâtre russe est visé par une affaire de détournement de fonds publics qu'il dénonce comme "absurde". Assigné à résidence dans l'attente de son procès, il a reçu le soutien de nombreuses personnalités artistiques russes et étrangères.

Mardi, jour de l'ouverture du Festival de Cannes, la ministre française de la Culture a ainsi gravi les marches en compagnie des producteurs du film. "Nous ne pouvons que manifester notre opprobre forte par rapport à cette situation, et notre inquiétude", a expliqué à l'AFP Françoise Nyssen, en références aux situations de MM. Serebrennikov et Panahi, dont le film sera projeté samedi.

- Intelligentsia moscovite -

Sans s'opposer ouvertement au président Vladimir Poutine, Serebrennikov avait plusieurs fois critiqué les pressions croissantes exercées sur la création artistique motivées par la défense de valeurs conservatrices.

Ses oeuvres avant-gardistes, qui ont révolutionné la scène théâtrale moscovite en abordant des thèmes comme la politique, la religion ou la sexualité, ont été régulièrement critiquées par les militants orthodoxes ou les autorités.

C'est au début des années 2000 que l'artiste s'est fait connaître. Il transforme un théâtre d'Etat, alors en faillite, en une des scènes les plus courues de Moscou. Connu désormais sous le nom du Centre Gogol, le lieu devient vite un QG de l'intelligentsia moscovite.

Les pièces qu'il y accueille provoquent la colère des milieux conservateurs. Beaucoup lui reprochent d'user trop fréquemment de la nudité et d'injures sur scène, et de se livrer à des adaptations trop personnelles des classiques russes.

La goutte d'eau de trop pourrait avoir été l'annonce d'un ballet dirigé par M. Serebrennikov au célèbre théâtre du Bolchoï sur le légendaire danseur et chorégraphe Rudolf Noureev.

Porte-voix des milieux conservateurs, le cinéaste Nikita Mikhalkov avait appelé à interdire ce spectacle, jugeant qu'on ne devrait pas être autorisé à "exhiber la bite de Noureev" sur la plus fameuse scène théâtrale du pays, où le metteur en scène prévoyait de projeter une photo du danseur nu.

Qualifiant de "terrible" la "situation" de MM. Serebrennikov et Panahi, la présidente du jury cannois, l'Australienne Cate Blanchett, a toutefois assuré mardi que leurs films seront, comme tous les autres, jugés sur leur seule qualité artistique: "Ce n'est pas un Prix Nobel, c'est la Palme d'or..."

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