La « Fresque du climat », vue d’un esprit sceptique


Qui n’a pas entendu parler de la ‘Fresque du Climat’ parmi les organisations d’une certaine taille (entreprises, administrations, etc.) ? Dans de grands groupes, ou parmi l’encadrement supérieur de l’État, par exemple, il n’est plus guère possible de ne pas ‘l’avoir faite’ : cela fait partie du parcours hautement recommandé, voire obligatoire de facto ou de jure, pour demeurer sur une pente de carrière positive, voire tout simplement éviter de se singulariser. La Fresque bénéficie d’une image assez positive, tant parmi les jeunes recrues que les membres de l’encadrement.
J’ai cédé à la curiosité, et finalement participé à l’exercice.
Un exercice très cadré
Démarrage par un tour de table de la quinzaine de participants à l’atelier Fresque du climat : comment chacun se situe-t-il (échelle 0-5) en matière de conviction sur ‘risque et crise climatiques’ ? Ma réponse (0/5) détonne ; la quasi-totalité de mes collègues se situe entre 3 et 5.
La séance proprement dite démarre : distribution par l’animatrice (notre "fresqueuse") du premier lot de 7 "cartes" parmi les 42 que compte le jeu support de l’atelier, créé par l’ingénieur français Cédric Ringerbach en 2015, et diffusé par l’association éponyme.
Chaque carte est lue par un participant à haute voix, et nous devons classer ensemble ces cartes dans une logique causes-effets niveau 1 -effets niveau 2, etc. On peut alors passer au lot suivant, et au bout de 4 ou 5 lots, grâce à l’intelligence collective (!) le puzzle est complet : nous avons devant nous une description du problème (les "risques climatiques"), de ses sources et des solutions (s’attaquer aux causes : la consommation de biens et services produisant du CO2) à mettre en œuvre vite, vite, car le risque est proche de se concrétiser.
Les participants ont "appris" ; ils peuvent alors se demander comment réduire leur production de CO2 : un voyage en avion de moins ici ou là ; prendre plus souvent son vélo ; consommer moins souvent un steak de bœuf, etc. Chacun s’engage sur telle ou telle action.
La Fresque est fondée sur un univers fermé : le jeu de 42 cartes, les lots successifs à classer. Tout ce qui compte y est. Aucun appel à la créativité : il y a une seule manière de bien ranger les cartes. Les causes sont les causes, et il n’y en a d’ailleurs pas d’autres : aucune possibilité de proposer des explications complémentaires. Les effets sont sans incertitude, ni discussion possible : la Fresque se prétend scientifique, et les participants n’ont pas le niveau pour prétendre objecter.
Un fondement scientifique douteux
La Fresque revendique d’être scientifique (« it’s scientific »). C’est qu’elle se dit fondée sur le rapport de l’International Panel on Climate Change - IPCC (en français : GIEC, traduction qui ajoute la notion d’expertise, absente en anglais).
N'étant pas là pour perturber à l’excès un exercice que semblent apprécier mes collègues, je relève juste que certains des effets décrits ne figurent pas dans le dernier rapport du GIEC en 2024 : les évènements climatiques extrêmes, les incendies, les sécheresses et inondations, etc. ; la ‘fresqueuse’ assure au groupe que je me trompe. En fait c’est un cas intéressant : le ‘résumé pour les décideurs politiques’ – un document politique qui est la seule publication lue et commentée dans les médias – diverge du rapport scientifique du GIEC :

Un vrai tour de magie, de nature purement politique : le résumé pour décideurs est ajusté et validé par les représentants des gouvernements, les ministres de l’Environnement ! S’alignant sur le document politique, la Fresque travestit le rapport scientifique, d’autant qu’elle procède par affirmations à 100 % : le jeu tout entier ne reflète aucunement les nuances et les incertitudes inhérentes aux évaluations scientifiques.
Pour d’autres sujets, c’est le rapport "scientifique" qui bricole la réalité scientifique : ainsi, pour les ouragans, ce rapport a sélectionné la seule étude, parmi les dizaines disponibles sur le sujet, qui identifie un lien entre montée de la température et le nombre ou la fréquence des ouragans.
Fondamentalement, le rapport scientifique est celui d’un groupe qui adhère à la mission unique du GIEC : démontrer la responsabilité humaine dans les phénomènes climatiques, notamment la montée des températures depuis la 1ʳᵉre moitié du 19ᵉme siècle, au sortir du petit âge glaciaire qui fut la période la plus froide de l’histoire des 10 000 dernières années. Un groupe qui souhaite faire carrière, les financements de recherche étant centralisés et réservés aux tenants de cette thèse.
Dernière étape, un tour de table de "debrief" où notre "fresqueuse" évoque l’enfoncement de la ville de Jakarta dans les eaux comme preuve de la réalité du risque de montée "climatique" des eaux : je lui suggère de consulter Wikipédia pour y lire que cette montée des eaux résulte de l’effet de gravité d’une mégalopole en forte croissance dans un sol marécageux.
Bref, la "Fresque du climat" est une belle réussite marketing (2 millions de participants, 167 pays, 45 langues, 90 000 fresqueurs et fresqueuses), d’ailleurs à l’origine de déclinaisons (fresque de la diversité, etc.), et un outil de propagande efficace. Outil aussi de "nudge" pour des hiérarchies conduites par la loi à engager leurs organisations dans ces sujets climatiques : la Fresque fait passer la pilule en douceur, le personnel en ressort convaincu.
N’espérez pas y trouver une preuve éclatante, de type "smoking gun", de la thèse centrale, la responsabilité humaine dans une hausse actuelle des températures qui serait problématique.
Si quelqu’un en a une, je suis toujours preneur !
Documentation :
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