Contredit par ses SMS, Tariq Ramadan, accusé de viols, voit s'éloigner sa sortie de prison
Pour la troisième fois, les juges d'instruction ont refusé la mise en liberté de Tariq Ramadan, se fondant notamment sur des SMS tout juste versés au dossier qui contredisent la version de l'intellectuel musulman, incarcéré depuis sept mois en France pour deux viols qu'il conteste.
D'ici à vendredi, un juge des libertés et de la détention doit confirmer ou non ce refus signifié mardi, mais les éléments reçus la veille par les magistrats laissent peu d'espoir au théologien suisse de 56 ans, mis en examen en début d'année, d'obtenir sa libération sous contrôle judiciaire, selon des proches du dossier.
Figure controversée et longtemps influente de l'islam francophone, Tariq Ramadan est visé par une enquête après la plainte en octobre 2017 d'Henda Ayari. Cette salafiste devenue militante laïque l'accuse d'un viol à Paris au printemps 2012.
Une femme, surnommée "Christelle", avait déposé plainte à sa suite, dénonçant un viol le 9 octobre 2009 au Hilton de Lyon, en marge d'une des conférences à succès du prédicateur.
Selon des sources concordantes, les trois juges d'instruction ont reçu lundi les résultats d'une expertise ordonnée en avril sur les téléphones et le matériel informatique appartenant à Tariq Ramadan et à ces deux plaignantes.
- 399 SMS -
Les magistrats y ont découvert notamment 399 SMS échangés entre "Christelle" et Tariq Ramadan du 31 août au 15 décembre 2009. Ces messages, dont l'AFP a pris connaissance, contredisent la version encore défendue la semaine dernière par l'intellectuel, qui niait toute relation sexuelle avec ces deux femmes.
Confronté le 18 septembre pendant huit heures à "Christelle" dans le bureau des juges, Tariq Ramadan n'avait reconnu à nouveau qu'un "jeu de séduction", réaffirmant n'avoir bu qu'un verre avec cette "mythomane" au bar de l'hôtel.
Mais les SMS exhumés du vieux téléphone de "Christelle" témoignent au contraire d'un premier rendez-vous planifié et explicite sur son objectif. Dans les messages, Tariq Ramadan y détaillait à l'avance ses fantasmes sexuels violents et dominateurs, qui concordent avec la description du viol faite par "Christelle" aux enquêteurs.
"Désolé pour ma +violence+", lui dit-il le lendemain dans un de ses 255 messages. "Tu n'as pas aimé... je suis désolé", écrit-il plus tard.
"C'est un tournant majeur, c'est le système Ramadan qui est mis au jour", a réagi l'avocat de "Christelle", Me Eric Morain. "La relation sexuelle était annoncée, il n'y a pas de surprise, mais on voit bien qu'elle a été pour partie non consentie", a-t-il estimé auprès de l'AFP, dénonçant les "calomnies" et les "insultes" contre sa cliente depuis un an.
L'horodatage des 144 SMS envoyés par "Christelle" n'ayant pas été retrouvé, l'enquête devra reconstituer le fil des conversations, où sont évoqués aussi des menaces et les contacts que "Christelle" aurait noués à cette période avec des adversaires de l'islamologue.
Dans un de ces messages non-datés, "Christelle" écrit "tu m'as manqué dès que j'ai passé la porte" et dans un autre "si je passais un mauvais moment je serais partie".
"La vraie question est de savoir s'il y a eu viol et ces messages de la partie civile disent clairement non", a commenté l'avocat de M. Ramadan, Me Emmanuel Marsigny.
Après avoir refusé de répondre aux questions sur sa sexualité en garde à vue fin janvier, Tariq Ramadan avait reconnu pour la première fois devant les juges en juin des relations extraconjugales consenties et des "rapports fougueux, de domination" avec d'anciennes maîtresses.
Il avait alors admis des relations avec une troisième femme ayant porté plainte, en mars. Il n'est pas mis en examen à ce jour dans ce volet, l'interrogatoire ayant été reporté dans l'attente d'investigations en cours.
Mis en examen le 2 février pour "viol" et "viol sur personne vulnérable", Tariq Ramadan est détenu à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), en raison de sa sclérose en plaques dont le traitement a été jugé compatible avec sa détention.
En Suisse, Tariq Ramadan est également visé par une instruction pour viol, ouverte mi-septembre à Genève après une plainte d'une femme déposée en avril.
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