"Comprendre le terrorisme", c'est déjà commencer à résister
Il s'agit avant tout d'un livre de définition. Dans Comprendre le terrorisme (Ed. Fayard), Nicolas Hénin souhaite faire le rappel d'un certain nombre de notions-clés qui permettent de mieux appréhender la menace représentée par l'action terroriste et les réponses à lui apporter.
Au fil des chapitres, cet ancien grand reporter revient sur une "petite histoire du terrorisme" en général et du djihad en particulier, développe sur "qu'est-ce que la radicalisation?" ou tente de répondre à cette question: "Sommes-nous en guerre?".
Surtout, Nicolas Hénin aborde un point fondamental, qui mérite d'être martelé: le djihadisme est un projet politique, librement consentis par ceux qui le mettent en place et non une folie qui relève de l'acte irrationnel. "Il est tout naturel d’être pris d’un mouvement de répulsion (face au terrorisme). Mais il convient de le dépasser, sauf à s’interdire de comprendre. Et donc d’être en situation de combattre", écrit Nicolas Hénin. Car c'est bien là l'objectif de cet ouvrage: aider à la construction d'une société résiliente face à la menace des attentats.
Soit capable d'absorber une perturbation, de se réorganiser, et de continuer à fonctionner de la même manière qu’avant, malgré toute l'horreur que peut représenter le massacre de civils innocents et la colère qui en découle.
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L'auteur souligne d'ailleurs dans le chapitre 6 de son livre que l'objectif de la violence exercée par les terroristes n'est pas de faire le plus de victimes possibles. "Un terroriste recherche, lorsqu’il commet un attentat, de l’attention. La mort d’innocents n’est pas l’objectif de son attaque, elle est seulement le moyen pour atteindre son but. Il a donc besoin d'impact et de couverture médiatique pour ses actions", rappelle Nicolas Hénin, tout en posant cette question cruciale: "Faisons nous de la publicité aux terroristes?". Début de réponse: "répondre au légitime besoin du public de savoir sans sombrer dans le voyeurisme ni le sensationnalisme, est véritablement le défi qui se pose aujourd’hui à nos sociétés".
Enfin, l'auteur rappelle que si la lutte coercitive contre les acteurs du terrorisme est l'apanage des pouvoirs publics, l'opposition au projet mortifère de l'Etat islamique est l'affaire de tous. Et que ce combat n'a pas pris fin avec la défaite territoriale de l'organisation terroriste en zone irako-syrienne.
> Comprendre le terrorisme de Nicolas Hénin, Editions Fayard, 272 pages, 18 euros.
Quatre questions à Nicolas Hénin, auteur de Comprendre le terrorisme.
> Pourquoi avoir écrit ce livre?
"J'ai été invité de plus en plus à intervenir dans des conférences sur le terrorisme ou la radicalisation et j'intervenais régulièrement dans les médias sur ces thématiques. Je me suis rendu compte d'un certain déficit de connaissance de base du public sur ces questions-là, doublé d'un certain nombre de clichés et de lieux communs. J'ai également relevé une certaine appréhension avec des réactions de type +c'est trop compliqué+ et donc au final un abandon de la volonté de comprendre le terrorisme.
"C'est ce constat qui m'a donné l'idée d'un livre pédagogique, qui soit accessible au plus grand nombre, s'appuyant sur des sources scientifiques de qualité et récentes, sans m'engager dans des sujets trop polémiques, tout en posant les bases d'un certain nombre de débats".
> Dans votre livre, vous écrivez "Vaincre le terrorisme, c'est vaincre la peur qu'il inspire", comment faire concrètement?
"Je pense que cela passe par une éducation de base du public et la diffusion d'un certain nombre de connaissances. Par exemple, il faut connaître l'histoire du terrorisme afin de prendre conscience que c'est un phénomène qui n'est absolument pas neuf et dont les origines remontent à l'Antiquité. Cela permet de se défaire de l'image de génie du mal dans laquelle les auteurs d'actes terroristes souhaitent se draper, se donnant presque une dimension surnaturelle et d'anomalie totale. Par ce biais, ils cherchent absolument à ce qu'on ne les comprenne pas. Or, les comprendre, les connaître, c'est avoir une approche plus rationnelle de la menace.
"Le terrorisme est certes inquiétant, comme les grandes épidémies le sont ou la violence urbaine et la délinquance. Par conséquent, il est nécessaire de l'observer comme tous ces phénomènes dangereux mais qui ne sont en rien insurmontables".
> Quelle place peuvent prendre les médias dans cette éducation de la population?
"Les médias ont un rôle essentiel. Ils doivent être l'un des principaux vecteurs de cette connaissance de base. L'information du public doit être dépassionnée. Si elle ne doit pas inciter à la haine ou à la revanche, elle ne doit pas non plus entretenir un déni face à la réalité de la menace.
"Le suivi et le traitement du terrorisme par les médias doivent être argumentés et particulièrement scrupuleux dans les références et les sources utilisées. L'information est une tâche très noble mais très délicate et en matière de terrorisme c'est encore plus le cas. C'est un phénomène qui rend rapidement le débat hystérique".
> Vous êtes l'un des membres fondateurs du think tank de réflexion sur le terrorisme et la radicalisation, l'Institut Action résilience. Quelle place peut-il prendre dans l'objectif de construire une société résiliente?
"Une place très modeste, au regard de nos moyens et de notre diffusion. Toutefois il est essentiel que des organismes de la société civile se mobilisent pour contribuer à la résilience de la société, notamment par le biais de l'information sur le terrorisme. Dans le cas de l'institut Action Résilience, cela passe par la diffusion d'une newsletter, la tenue d'un blog d'étude, de l'intervention ponctuelle dans les médias et l'organisation de colloques avec des intervenants compétents".
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