Scott Ross et Domenico Scarlatti : l'art peut-il transmettre le concept de la victoire ?
CHRONIQUE — L'art, une école de la victoire : épisode 3, Scott Stonebreaker Ross
Le grand artiste attend son interprète. Au Globe, Shakespeare avait auprès de lui Richard Burbage. Puis, après une éclipse de 200 ans, il a trouvé Samuel Phelps au Sadler's Wells, sans lequel ses œuvres auraient peut-être coulé.
Quant à Domenico Scarlatti (1685-1757), une fois oublié des cours européennes, tapi dans l’ombre de Bach et de Haendel, il s’est fondu parmi les agréables compositeurs de second ordre. Puis arriva l’homme qui brûlait la chandelle par les deux bouts : Scott Stonebreaker Ross (1951-1989).
Etroitement lié à la France, ce claveciniste (et géologue!) américain a étudié sous Grémy-Chauliac au Conservatoire de Nice dès l’âge de 14 ans, puis à l’Académie d’orgue de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume et au Conservatoire national supérieur à Paris. A l’âge de 20 ans, il fut nommé professeur à l’Université de Laval au Québec où il enseigna pendant 12 ans, avant de revenir à Assas en France et d’y travailler jusqu’au dernier jour avant sa mort prématurée.
Alors que la vie de Scott Ross, si courte et difficile, a été marquée par la mort de son père lorsqu’il avait six ans et le suicide de sa mère onze ans plus tard, son œuvre musicale rayonne de fortitude inébranlable et d’espièglerie.
Jusqu’à date Scott Ross est le seul musicien à avoir enregistré l’intégrale de l’oeuvre de Scarlatti pour clavier, soit 555 sonates. Pourquoi ce compositeur ? On peut avancer comme hypothèse qu’un être aussi fécond d’esprit que Scott Ross aurait été fasciné par un individu s’aventurant sur une voie autre que celle de Bach et Haendel, penseurs mathématiques supérieurs et maîtres du contrepoint. Du point de vue de Bach et Haendel, la voie de Scarlatti est une « voie de garage », un chemin de traverse : ses compositions témoignent cependant d’une inventivité sans fin forçant l’enthousiasme.
Ce que l’on nomme « art » dans les langues européennes modernes est simplement le revers de la Tête de Janus des sciences exactes, c’est à dire le côté des sciences où vont affleurer du pré-conscient des pensées et des émotions imprévisibles depuis un cadre de logique stricte. Penser, savoir penser et savoir que l’on pense est une joie toute spécifique à l’homme et Scarlatti en représente la preuve factuelle par autre méthode.
La survie de la race humaine, actuellement en jeu, dépendra de l’imprévisibilité des processus de cognition dans la population générale. Inclinons-nous devant Scott Ross pour nous avoir indiqué des chemins à travers sa propre souffrance.
Pour aller plus loin : l'intégrale des sonates de Scarlatti désormais disponible en coffret et également sur YouTube. Une biographie de Scott Ross est en cours de rédaction ; ici, le journal d'un pélérinage de musicien à Assas en Languedoc où il a vécu et travaillé. Un Festival Scott Ross y a lieu, en partenariat avec France Musique : festival@chateaudassas.com.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.