Dans les rues du Caire, le défi des chiens errants

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Par Bassem ABOUALABASS - Le Caire (AFP)
Publié le 29 janvier 2019 - 09:14
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Un chien errant dans une rue du Caire, le 12 décembre 2018
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© Khaled DESOUKI / AFP
Un chien errant dans une rue du Caire, le 12 décembre 2018
© Khaled DESOUKI / AFP

Alaa Hilal, femme au foyer au Caire, ne se remet pas de sa frayeur depuis qu'un chien errant l'a mordue il y a près d'un mois, à un moment où la prolifération de ces animaux dans les rues fait débat en Egypte.

"Je suis sortie de ma voiture et je suis tombée sur un chien des rues exceptionnellement gros", raconte à l'AFP cette femme de 38 ans habitant un quartier du nord-est de la ville.

"Il s'est approché de moi et m'a mordue sans même aboyer", ajoute Mme Hilal, qui s'en est tirée avec une plaie à la cuisse et une injection de vaccin à l'hôpital.

Outre les embouteillages monstres, la pollution atmosphérique et l'omniprésence des déchets ménagers, les chiens errants représentent un défi de plus pour Le Caire, mégalopole surpeuplée d'environ 20 millions d'habitants.

Entre 2014 et 2017, le nombre de morsures de chiens "baladi" (chiens des rues en dialecte égyptien) et autres animaux errants est passé de 300.000 à 400.000 en Egypte, selon un rapport du ministère de l'Agriculture, qui précise que la très grande majorité de ces incidents sont causés par les chiens.

Ces quatre dernières années, 231 personnes sont mortes de ces blessures, selon le même rapport.

- Plus de 15 millions -

S'il n'existe pas de statistiques officielles sur le nombre de chiens des rues au Caire ou en Egypte, le pays compterait "jusqu'à plus de 15 millions de chiens" errants, selon Chehab Abdel Hamid, vétérinaire et président de la Société pour la prévention de la cruauté contre les animaux (SPCA).

Cette ONG a mené des études de terrain en collaboration avec des associations locales et internationales.

Craintifs dans les quartiers animés du centre, les chiens errants peuvent se montrer très bruyants et agressifs dans les faubourgs mal éclairés et jonchés de déchets. En novembre, une vidéo dans laquelle on voit un adolescent se faire percuter par une voiture en tentant d'échapper à un chien a largement circulé sur les réseaux sociaux.

Certains chiens porteurs de la rage sont très dangereux pour l'homme: une morsure par un chien enragé être fatale en 24 heures, souligne le président de la SPCA.

Lors du soulèvement populaire de 2011, qui a renversé le président Hosni Moubarak, le phénomène des chiens errants a explosé car les agents de nettoyage avaient cessé de ramasser les ordures, explique M. Abdel Hamid.

Les lacunes du système de ramassage des déchets sont "la principale cause de la crise des chiens errants en Egypte", estime le vétérinaire.

- Armes à feu, poisons -

Si la cause est connue, les différentes solutions envisagées pour faire diminuer le nombre de ces chiens suscitent débats et polémiques.

Les pouvoirs publics n'interviennent qu'au cas par cas "en réponse à des plaintes de citoyens", indique le porte-parole du ministère de l'Agriculture, Hamed Abdel Dayem, qui n'évoque aucun programme spécifique de lutte contre ce phénomène.

Certains gouvernorats promettent une récompense à ceux qui les capturent pour les remettre aux services vétérinaires.

Les défenseurs des droits des animaux dénoncent eux l'emploi par certains de méthodes radicales pour réduire le nombre de chiens, comme l'utilisation d'armes à feu ou de poison.

L'usage de la strychnine, une toxine foudroyante, est particulièrement décrié par les ONG, car considéré comme "inacceptable" au regard du bien-être animal par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), dont l'Egypte est membre.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère de l'Agriculture s'est contenté d'affirmer que les autorités égyptiennes n'importaient pas de substances interdites.

Récemment, une députée a soulevé une vague d'indignation sur internet après avoir suggéré d'exporter des chiens vers des pays asiatiques à des fins alimentaires.

- Stérilisation -

A l'ouest du Caire, en plein désert près des pyramides de Guizeh, le "Refuge de l'espoir", une association privée, recueille et soigne des chiens des rues.

"Au départ, je suivais les pages Facebook consacrées au sauvetage des animaux", raconte à l'AFP Ahmed al-Chorbagi, responsable de cette association.

"J'ai sauvé une chienne que j'ai nommée +Hope+ (espoir, en anglais) et quand j'ai ouvert le refuge, je lui ai donné son nom", explique ce jeune ingénieur en génie électrique.

Après l'ouverture d'un second refuge, son projet compte plus de 250 chiens et une dizaine d'employés. Selon lui, 40% des financements proviennent de ses fonds propres et le reste de dons de particuliers.

"Au lieu des millions dépensés par le gouvernement pour importer du poison", la solution, pour M. Chorbagi, est de stériliser les chiens errants, ce qu'ont fait d'autres villes touchées par ce phénomène notamment au Mexique ou au Chili.

"Nous avons proposé au ministère de l'Agriculture de gérer gratuitement cette question en tant qu'association, mais il a refusé", assure-t-il.

Le ministère a démenti tout refus de coopérer avec des organismes privés, saluant leurs efforts.

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