Feu vert définitif pour le projet de loi contre la fraude fiscale
Débusquer plus facilement les fraudeurs et mieux les sanctionner: le Parlement a donné mercredi son feu vert définitif au projet de loi qui crée une police fiscale et desserre le controversé "verrou de Bercy".
Après un accord entre députés et sénateurs la semaine dernière, le texte contre la fraude fiscale et sociale a été approuvé une dernière fois à l'Assemblée par 112 voix contre 14. Tous les groupes politiques ont apporté leurs suffrages, à l'exception des Insoumis et communistes, pour qui il n'est "pas à la hauteur" des enjeux.
"Ce texte fera date car il apporte des réponses inédites et de qualité pour lutter contre la fraude", a affirmé le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt, présent lors du vote.
Selon le gouvernement, il doit "donner des moyens efficaces pour combattre toutes les formes de fraude", qui privent chaque année l’État de plusieurs dizaines de milliards de rentrées fiscales.
Le texte est présenté comme un corollaire à celui sur le "droit à l'erreur", adopté fin juillet, permettant sous réserve d'être "de bonne foi" d'éviter des sanctions de l'administration au premier manquement. Car, selon les termes du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, si l'erreur est humaine, "persévérer est diabolique".
Pour renforcer la lutte antifraude, le projet met notamment en place un service spécialisé à Bercy, dit de police fiscale, étoffe les sanctions et renforce la possibilité de rendre publics les noms des fraudeurs ("name and shame").
Il prévoit également une procédure de plaider-coupable et étend à la fraude fiscale la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), qui permet à une entreprise de payer une amende afin d'éviter des poursuites, sans reconnaissance de culpabilité. Il précise en outre les obligations fiscales des plateformes d’économies collaboratives.
- "Mieux que des cambrioleurs" -
Mais sa mesure emblématique, qui ne figurait pas dans le projet initial du gouvernement et a été ajoutée par les parlementaires, est le desserrage du "verrou de Bercy".
Ce dispositif, qui confère au fisc le monopole des poursuites, sautera pour les plus gros fraudeurs, avec la mise en place d'un mécanisme de transmission automatique au parquet des affaires sanctionnées par des pénalités administratives importantes. Le montant de la fraude déclenchant cette transmission est fixé à 100.000 euros. Le nombre de dossiers transmis à la justice devrait ainsi doubler.
Si tous les groupes d'opposition s'accordent sur l'"enjeu majeur" de la lutte contre la fraude, LR saluant notamment par la voix d'Eric Diard "une avancée" et l'UDI-Agir se disant aussi "favorable" au texte, certains à gauche le trouvent trop timoré. Ils déplorent en particulier que le "verrou" n'ait pas été totalement supprimé, et regrettent que le texte se contente d'élargir la liste française des paradis fiscaux à la liste fixée au niveau européen.
Malgré ces bémols, les socialistes ont voté pour. Christine Pirès-Beaune a dit craindre que le travail ne soit "jamais terminé en la matière tant l'imagination de certains pour contourner la loi est sans bornes". Elle a relevé le hasard du calendrier qui fait que le procès pour fraude visant le géant suisse UBS vient de s'ouvrir lundi à Paris, la banque ayant, selon elle, "utilisé tous les recours à sa disposition pour éviter ce procès".
Convoquant aussi l'exemple d'UBS, les Insoumis ont, eux, jugé "cosmétiques" les quelques "mesures positives", déplorant notamment la procédure de plaider-coupable ou la CJIP. Eric Coquerel a dénoncé "un système à deux vitesses" avec des fraudeurs fiscaux "mieux traités que des cambrioleurs", disant craindre qu'avec ce texte, "rien n'empêche de frauder davantage, d'évader davantage".
Pour les communistes, Fabien Roussel a aussi souligné que le procès UBS aurait pu ne jamais avoir eu lieu, déplorant que des mécanismes de transaction "inacceptables" soient étendus par le texte, jugé globalement "pas à la hauteur".
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