Finir la boîte d'antibiotiques, ça n'est pas automatique, jugent des experts
Les messages officiels le martèlent: un traitement antibiotique doit être suivi jusqu'au bout. Mais des experts britanniques remettent en cause cette règle sacro-sainte en estimant qu'elle favorise la résistance aux médicaments, à l'opposé du but recherché.
"On pourrait conseiller aux patients d'arrêter le traitement quand ils se sentent mieux, en contradiction avec l'avis de l'OMS", l'Organisation mondiale de la santé, écrivent le professeur Martin Llewelyn, spécialiste des maladies infectieuses, et neuf autres médecins ou professionnels de santé dans une tribune publiée jeudi par la revue médicale BMJ.
Les antibiotiques sont des médicaments destinés à combattre les bactéries, qui sont prescrits pour une durée donnée.
Il est reconnu qu'un usage excessif d'antibiotiques augmente la résistance des bactéries qu'ils sont censés combattre, et rend donc ces médicaments moins efficaces. Dans le même temps, les consignes officielles préconisent que le patient poursuive son traitement jusqu'au bout même si son état s'améliore, au risque de développer une résistance.
"Cette idée n'est soutenue par aucune preuve, et prendre des antibiotiques plus longtemps que nécessaire augmente le risque de résistance", jugent les signataires de la tribune, en estimant que des recherches sont nécessaires pour améliorer les consignes de prescription.
"Nous demandons aux politiques et aux docteurs d'arrêter de promouvoir le message selon lequel il faut aller au bout du traitement", ajoutent-ils.
Selon eux, cette idée "inexacte" est née dans les premiers temps du développement des antibiotiques, dans les années 1940, et a perduré car elle est "simple et facile à mettre en oeuvre".
Cette tribune a été bien accueillie par plusieurs experts indépendants.
"J'ai toujours trouvé illogique de dire qu'arrêter un traitement antibiotique trop tôt favorisait l'émergence de bactéries résistantes", a commenté le professeur Peter Openshaw, président de la Société britannique d'immunologie, cité par le Science Media Centre.
Selon lui, l'une des solutions pourrait être "d'utiliser les antibiotiques uniquement pour faire baisser l'infection bactérienne à un niveau où elle peut être combattue par le système immunitaire du patient".
Il souligne toutefois que des traitements antibiotiques longs sont nécessaires dans des cas spécifiques, lorsque le système immunitaire du patient fonctionne mal ou lorsque la bactérie peut être dormante avant de frapper, comme dans le cas de la tuberculose.
"Il est évident que les habitudes de prescription doivent changer. Le volume actuel d'antibiotiques utilisés est trop élevé", a renchéri un autre expert, le professeur Mark Woolhouse (Université d'Edimbourg), également cité par le SMC.
La résistance aux antibiotiques est l'une des préoccupations majeures de l'OMS. Elle a publié en février une liste de 12 familles de bactéries contre lesquelles elle juge "urgent" de développer de nouveaux traitements.
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