Hemingway libère le bar du Ritz, à Paris : une si jolie légende

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Par Claude CASTERAN, avec Alain JEAN-ROBERT - PARIS (AFP)
Publié le 19 août 2014 - 17:09
Mis à jour le 08 août 2019 - 09:50
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Le bar du Ritz à Paris en janvier 1961
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© / AFP/Archives
Le bar du Ritz à Paris en janvier 1961
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La libération du bar du Ritz, le 25 août 1944, par Ernest Hemingway (1899-1961), personnalité à l'ego, au talent et au panache débordants, tient plus de la légende, initiée par le romancier américain en personne, que de la vérité historique.

Il est toutefois quelque chose - outre son aversion pour les nazis - qu'on ne peut mettre en doute chez le Prix Nobel 1954 de littérature: son attachement à ce palace, où il avait souvent séjourné avant la guerre. "Lorsque je rêve de la vie après la mort, l'action se passe toujours au Ritz à Paris", dira-t-il.

Hemingway a participé au Débarquement du 6 juin, au sein du 22e régiment d'infanterie de la 4e division américaine. Correspondant de guerre - c'est-à-dire civil parmi les militaires - pour le magazine "Collier's", il suit en juin et juillet les troupes américaines remontant vers Paris, en appui de la 2e DB française.

L'écrivain ne doute de rien. Surtout pas de lui-même. A Rambouillet, à la mi-août, un résistant se souvient qu'il "ne parlait que de cela: être le premier Américain à Paris et libérer le Ritz". Il réussit, sur son nom et avec l'appui de l'état-major de la IIIe Armée (commandée par Patton), à obtenir un rendez-vous avec le général Leclerc, commandant la 2e DB. Il veut lui demander, rien de moins, des hommes pour aller tout de suite vers Paris libérer le bar de son palace favori.

L'accueil du général est glacial. L'écrivain s'étonnera longtemps d'avoir été éconduit.

Le 25, vêtu de l'uniforme de correspondant, fusil-mitrailleur au poing et accompagné d'un groupe de résistants, il arrive toutefois en jeep place Vendôme. Il fait irruption dans le palace et annonce qu'il vient "libérer personnellement" le Ritz et son bar, réquisitionné en juin 1940 par les nazis et occupé par les dignitaires allemands, dont à l'occasion Goering et Goebbels.

Le directeur de l'hôtel, Claude Auzello, vient vers lui. Hemingway lui demande : "Où sont les Allemands ? Je viens libérer le Ritz". "Monsieur, ils sont partis depuis très longtemps. Et je ne peux pas vous laisser entrer avec une arme".

Hemingway va la reposer dans la jeep, pour revenir au bar où il laissera une ardoise historique de 51 dry Martini !

- Texte inédit -

L'an dernier, le magazine littéraire américain The Strand a publié un texte inédit de l'écrivain, "A Room on the Garden Side" (Une Chambre côté jardin), pas encore traduit en français, qui raconte la Libération de Paris vue d'une chambre du Ritz.

Dans cette nouvelle, rédigée en 1956, le narrateur prénommé Robert (et surnommé "papa" comme l'était l'écrivain) partage une chambre avec quelques compagnons d'armes. Ils doivent quitter Paris le lendemain. En attendant, ils boivent du champagne, citent Baudelaire et discutent du "sale métier de la guerre"...

Hemingway avait un penchant particulier pour le Ritz qui apparaît également dans "Le soleil se lève aussi" (1926).

En revanche, l'écrivain n'évoque pas le Ritz dans les articles sur la Libération de Paris qu'il écrit pour Collier's. Ces articles ont été rassemblés avec d'autres dans le livre "En ligne" (Folio).

Le lien particulier entre Hemingway et Paris avait été relevé après les attentats de 2015. La Mairie de Paris avait incité les Parisiens à réinvestir les lieux de loisirs avec le slogan "Paris est une fête" emprunté au récit autobiographique de l'écrivain américain. Le livre, publié en 1964, s'était vite retrouvé en rupture de stock.

"Le Petit Bar" du Ritz porte son nom depuis 1994. Sur le comptoir, trône une sculpture en bronze à son effigie. L'écrivain, alors sans le sou, avait découvert le Ritz à la fin des années 20 en compagnie d'un compatriote fortuné, Francis Scott Fitzgerald, avant de connaître le succès avec "Le soleil se lève aussi" et "L'adieu aux armes".

Le fondateur du palace, César Ritz, rêvait que les grands de ce monde s'y sentent comme chez eux. L'établissement, réputé avoir été le premier au monde à disposer d'une salle de bain dans chaque chambre, a ouvert en 1889 dans un ancien hôtel particulier donnant sur une des plus belles places de Paris.

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