Il avait abattu son braqueur qui prenait la fuite : le bijoutier Stéphane Turk aux assises
L'ancien bijoutier niçois Stéphane Turk, 72 ans, comparaît lundi devant les assises des Alpes-Maritimes, accusé de meurtre pour avoir abattu en 2013 un jeune qui venait de braquer sa boutique, un drame qui avait eu un fort retentissement médiatique et politique.
Le 11 septembre 2013 au matin, ce commerçant d'origine libanaise, brutalisé et forcé de remettrer le contenu de son coffre-fort (127.000 euros) à deux braqueurs casqués, avait fait feu à trois reprises depuis le seuil de son commerce avec un pistolet semi-automatique alors que ses agresseurs prenaient la fuite.
L'une des balles avait touché mortellement dans le dos Antony Asli, 19 ans, qui s'enfuyait sur un scooter avec un complice, condamné depuis en appel à 10 ans de prison.
Rapidement mis en examen pour homicide volontaire, le bijoutier avait reçu de nombreuses marques de soutien. Une page Facebook avait été plébiscitée par 1,6 million de "fans" défendant la "légitime défense" face à la montée de la délinquance.
Un millier de personnes avaient même manifesté à Nice, en présence du maire Christian Estrosi et du député Eric Ciotti, à l'époque président du conseil général. Sous les fenêtres du tribunal, des manifestants étaient allés scander "Non à la racaille, oui à la mitraille!" et exiger la démission de la garde des Sceaux Christiane Taubira.
Cinq ans plus tard, deux camps vont à nouveau s'affronter à l'audience, au risque de rouvrir les plaies des deux familles: les Turk, qui ont depuis été contraints de déménager en Rhône-Alpes et les Asli, dont le fils avait 14 mentions à son casier judiciaire, et qui sont régulièrement insultés depuis le drame.
Pour l'avocat du bijoutier Me Franck de Vita, Stéphane Turk "n'avait pas d'autre solution que de se défendre" et il était à nouveau menacé lorsqu'il a tiré, une thèse contraire à ce que disent deux rapports d'expertise balistique et technique versés au dossier.
- "Pulsions" -
La famille Asli, partie civile, reproche au commerçant de s'être fait justice lui-même. "Dans une société civilisée, il n'y a pas de place pour l'autodéfense, la vengeance privée ou la légitime défense des biens", plaidera leur avocat Me Philippe Soussi, assisté de ses confrères Mes Christian Scolari et Mathurin Lauze.
"On peut tout dire, et même dire qu'il (l'accusé) a des circonstances atténuantes mais ce n'est pas de la légitime défense, c'est même le contre-exemple absolu! (...) Il y a eu trois tirs volontaires successifs à faible distance sur une personne qui prend la fuite", dit-il.
"Ca a libéré les pulsions, il y a eu 200.000 commentaires rivalisant de haine primaire, vantant une justice du moyen-âge ou du Far West, et même des gens pour proposer la légion d'honneur. Mais, la justice ce n'est pas Facebook, Twitter ou l'opinion, et le bijoutier n'est pas un héros, mais un meurtrier", ajoute encore Me Soussi.
Dans ses premières dépositions et déclarations aux médias, le bijoutier, père de cinq enfants et qui avait fui la guerre au Liban pour repartir à zéro en France dans les années 1980, avait déclaré qu'il avait uniquement visé le scooter pour tenter de récupérer sa marchandise.
Au procès, prévu jusqu'à vendredi, il devra s'expliquer sur la détention non déclarée de ce Browning semi-automatique 7.65 rue d'Angleterre, où sa devanture "La Turquoise - Achat Or, Bijoux cassés, Broutilles, Montres en or, Pièces d'or", voisine toujours avec des soldeurs, coiffeurs, snacks exotiques et une cave de jazz.
Sur les images de vidéosurveillance du magasin, le tribunal pourra aussi revoir le calvaire de l'accusé, victime de "violences totalement gratuites" selon l'accusation. Il venait de désactiver l'alarme et préparait l'ouverture, le rideau métallique semi-abaissé, quand il a été dévalisé.
La séquence de 2 minutes 43 fixe aussi le laps de temps où les agresseurs repartent avec le butin dans un sac en menaçant leur victime d'un fusil à pompe. M. Turk récupère alors le pistolet près du comptoir, enclenche le chargeur, s'avance avec l'arme dissimulée jusqu'à l'entrée du magasin, et s'accroupit pour faire feu.
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