"Islam de France" : critiques sur les avancées du chantier, un an après sa relance
Où en est le chantier de "l'islam de France"? Un an jour pour jour après sa relance autour d'une nouvelle fondation, des voix s'élèvent pour dénoncer une absence d'"avancées sérieuses", dans un pays meurtri par des attentats jihadistes.
Le 29 août 2016, lors d'une "journée de consultations sur l'islam de France", Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, avait annoncé le lancement d'une fondation laïque, présidée par Jean-Pierre Chevènement et doublée d'une association cultuelle, pour financer diverses actions.
Ce meccano était complété par l'engagement de créer de nouveaux cursus d'islamologie dans des universités.
La relance de ce chantier avait en fait été opérée dès 2015, avec la convocation d'une "instance de dialogue" élargie au-delà du seul Conseil français du culte musulman (CFCM): née en 2003, cette structure élue par une partie des mosquées est en effet souvent jugée peu représentative des quelque quatre à cinq millions de musulmans de France, et critiquée pour son manque d'efficacité.
Mais à la fin de l'été 2016, le gouvernement a voulu franchir une "nouvelle étape", qui présentait "un caractère d'urgence" dans une France où le terrorisme commis au nom de l'islam a fait près de 240 morts depuis janvier 2015.
Depuis, "la montagne a accouché d'une souris", ont accusé mardi dans une tribune Corinne Féret (PS), Nathalie Goulet (UDI) et André Reichardt (LR), respectivement présidente, rapporteure et corapporteur d'une mission du Sénat sur l'organisation de l'islam en France en 2016.
"Où en est la création de l'association cultuelle chargée de centraliser l'ensemble des financements nationaux pour le fonctionnement de l'islam et de ses lieux de culte, de la formation théologique des imams?", s'interrogent les trois sénateurs. "Où en est la mise en place d'une contribution +volontaire et négociée+ prélevée sur la filière halal?"
De fait l'association cultuelle, qui devait s'appuyer sur des ressources financières jusqu'alors inexploitées ("redevance halal", taxe sur le pèlerinage à La Mecque...), n'a toujours pas vu le jour, sur fond de rivalités au sein du CFCM. Le nouveau président du Conseil du culte musulman, Ahmet Ogras, n'en fait clairement pas sa priorité.
La Fondation de l'islam de France, dont le domaine d'intervention est strictement profane puisque ses fonds sont en partie publics, a de son côté peu communiqué sur ses premières actions, hormis un partenariat avec les Scouts musulmans de France. Cette instance a aussi subi une certaine défiance, notamment de la part de l'influente grande mosquée de Paris.
- Bourse pour futurs imams -
Pour Ahmet Ogras, qui met les retards constatés sur le compte du "contexte électoral" du premier semestre 2017, il revient de toutes façons aux musulmans "d'essayer de résoudre eux-mêmes leurs problèmes".
"L'image d'ingérence des pouvoirs publics dans les affaires religieuses n'a plus cours" avec le nouveau pouvoir, estime-t-il. Et il s'en réjouit: "Tout ce que les musulmans feront par eux-mêmes passera mieux auprès de la base des fidèles et sera plus productif, quand bien même cela prendra plus de temps".
Ahmet Ogras veut surtout renforcer les moyens du CFCM, en mettant à contribution les fédérations de mosquées. "On ne peut pas représenter le deuxième culte de France avec un demi-permanent", fait-il valoir.
"Le CFCM, il faut le laisser là où il est et ne pas croire qu'il va faire quelque chose", tranche a contrario le consultant Hakim El Karoui, membre du conseil d'orientation de la Fondation de l'islam de France, dont il loue les premiers travaux, "même s'il faudra du temps pour que ça ait un impact sur la situation idéologique" de l'islam.
"La fondation est en place, mais n'a pas vocation à faire du spectaculaire ou de l'effet de manche", abonde une source proche du ministère de l'Intérieur, en mettant en exergue sa "décision très importante" d'accorder une bourse aux candidats aux diplômes universitaires (DU) de formation civile et civique. Ces diplômes, destinés en particulier aux futurs imams et aumôniers, sont au nombre de 18 en cette rentrée, contre 14 l'an passé.
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