Législatives au Cambodge : le parti d'Hun Sen revendique "l'ensemble des sièges"
Le parti au pouvoir du Premier ministre Hun Sen a annoncé avoir "remporté l'ensemble des sièges" au Parlement au lendemain d'élections législatives entièrement contrôlées par le régime, en l'absence de la principale force d'opposition dissoute l'année dernière.
Le Parti du peuple cambodgien (PPC) "a remporté tous les sièges à travers le pays" (125), a déclaré lundi son porte-parole, Sok Eysan. Hun Sen, au pouvoir depuis 33 ans, "a une nouvelle chance de poursuivre sa mission historique", a-t-il ajouté.
Les résultats définitifs doivent être officialisés le 15 août.
Pékin, fidèle allié du régime, qui a investi plus de 4,5 milliards d'euros ces cinq dernières années dans le royaume, a adressé ses "sincères félicitations". "Nous espérons que (...) le peuple cambodgien pourra accomplir de grandes réalisations dans son développement", a déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang.
De son côté, la Maison Blanche a dénoncé dans un communiqué des élections "ni libres, ni équitables (qui constituent) le revers le plus cinglant au système démocratique défini par la Constitution cambodgienne". Washington va réfléchir à "un accroissement significatif" des restrictions de visas introduites l'an dernier à l'encontre de certains responsables cambodgiens.
"L'élection du 29 juillet n'est pas représentative de la volonté démocratique de l'électorat cambodgien et, par conséquent, ses résultats manquent de crédibilité", a critiqué la porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.
Bruxelles et Washington avaient refusé d'apporter leur soutien à l'organisation du scrutin.
La question-clé est maintenant "de savoir ce que la communauté internationale va faire", a déclaré à l'AFP Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch pour l’Asie.
Les observateurs se demandent si des sanctions commerciales et financières plus dures pourraient être prononcées à l'encontre du régime, qui a bénéficié d'immenses programmes d'aides au développement pour soutenir sa marche vers l'économie de marché.
"Pour la première fois depuis les élections organisées par l'ONU en 1993, le Cambodge n’a plus de gouvernement légitime reconnu comme tel par la communauté internationale", a souligné Sam Rainsy, fondateur du Cambodge National Rescue Party (CNRP), le seul grand parti d'opposition du pays, dissous en novembre 2017.
L'ancien mouvement, qui avait remporté plus de 44% des voix aux législatives de 2013, a déploré "la mort de la démocratie" et un "nouveau jour sombre" dans l'histoire cambodgienne.
Dans les rues de la capitale, peu de gens acceptaient de s'exprimer. "Je prédis que la vie sera difficile pour les cinq années à venir", a confié un vendeur de nourriture sous couvert d'anonymat. "Encore lui! C'est désespérant", a soupiré un homme assis à la terrasse d'un café.
- "Intimidation" et "manipulation" -
Sam Rainsy, qui s'est exilé en France pour échapper à la prison, avait appelé au boycott du scrutin.
Mais, selon la Commission électorale cambodgienne, contrôlée par le régime, le taux de participation avoisine 82%, un chiffre largement supérieur à celui des dernières législatives de 2013 (69%).
"De très nombreux observateurs ont constaté que la campagne électorale a été assombrie par l'intimidation des électeurs et la manipulation des urnes", a déploré lundi le ministère des Affaires étrangères canadien.
Il a exhorté le gouvernement de Hun Sen "à reconnaître les droits civils fondamentaux du peuple cambodgien, à rétablir les libertés d’expression" et "à libérer Kem Sokha", le chef du CNRP, accusé d'avoir voulu renverser le gouvernement avec la complicité des Etats-Unis et détenu depuis onze mois.
Quelque 8,3 millions d'électeurs étaient inscrits sur les listes électorales et 80.000 policiers ont été mobilisés dimanche.
Hun Sen a averti qu'il ne tolèrerait aucune contestation des résultats.
Pendant la campagne, il a brandi la menace d'une ère de chaos dans le pays encore traumatisé par le régime khmer rouge, coupable d'un génocide qui a fait près de deux millions de morts dans les années 1970.
Devenu Premier ministre en 1985, à 32 ans, Hun Sen, ex-Khmer rouge qui a toujours minimisé son rôle au sein du mouvement ultra-maoïste, a tissé une toile au maillage serré pour assurer sa longévité politique, au centre de laquelle il a placé ses trois fils, qui occupent des postes-clés au sein de l'armée et du parti.
Son parti a remporté toutes les élections depuis 1998.
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