La Normandie, "deuxième famille" des vétérans du D-Day

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Par Chloé COUPEAU - Sainte-Mère-Église (France) (AFP)
Publié le 04 juin 2019 - 21:30
Mis à jour le 05 juin 2019 - 13:04
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Le vétéran Charles Norman Shay, 95 ans, le 4 mai 2019 à Betteville-l'Orgueilleuse
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© LOIC VENANCE / AFP
Le vétéran Charles Norman Shay, 95 ans, le 4 mai 2019 à Betteville-l'Orgueilleuse
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Ils sont souvent restés longtemps silencieux dans leur pays avant de trouver en France une "deuxième famille". Au fil des décennies, vétérans du D-Day et Normands ont noué des liens "charnels".

"Jean, Catherine et moi, c'est une amitié pour la vie. Tous ces gens sont si gentils. Je me réjouis chaque jour", résume James Carroll, un vétéran au regard malicieux, arrivé à 19 ans à Omaha Beach le 12 juin 1944 et hébergé durant les festivités du D-Day pour la deuxième année consécutive dans la lumineuse propriété de Jean et Catherine Maillet à Saint-Germain-de-Vareville (Manche), près de Sainte-Mère-Eglise.

"L'engagement des familles normandes est très impressionnant. Pour les vétérans, c'est une deuxième famille", ajoute Valérie Gautier-Cardin, une Normande de 42 ans, présidente et fondatrice en 2012 de "Retour des vétérans en Normandie". L'association a financé le voyage de 13 vétérans américains pour le 75e anniversaire du débarquement, dont celui de M. Carroll.

"Aux Etats-Unis, la moitié des gens ne savent même pas ce qu'est Omaha Beach. Pendant 50 ans, je n'en ai pas parlé chez moi. Ici j'aime aller dans les écoles, répondre aux questions des enfants", poursuit le mécanicien à la retraite, "j'aurais aimé emmener ma femme ici pour qu'elle comprenne". L'épouse du vétéran est décédée avant son premier voyage en Normandie.

"Une fois j'ai envoyé à sa fille la vidéo d'un vétéran qui dansait. Elle m'a répondu +C'est mon père? Mais il ne s'est même pas levé à mon mariage pour danser+!", raconte Mme Gautier-Cardin. Cette agent de service dans un collège explique voyager plusieurs fois par an aux Etats-Unis pour montrer à ceux qui ne peuvent plus voyager "qu'on ne les oublie pas".

"Quand on est allé à Sainte-Mère-Eglise, la voiture a été arrêtée trois fois en 50 mètres. Et un bisou, et un autographe", raconte Mme Maillet, 66 ans.

"C'est un choc pour eux quand ils reviennent pour la première fois d'être accueillis en héros et acclamés par la foule", ajoute Jean Maillet, 69 ans, ingénieur à la retraite.

- "l'humilité" des vétérans -

M. Carroll confirme. "Mais je ne suis pas un héros. J'ai juste eu de la chance. Plusieurs de mes amis n'en ont pas eu", souligne cet homme "merveilleux, toujours gai", selon ses hôtes.

"Cela nous permet de faire le lien entre les livres et le vécu. Mon père, qui a été prisonnier, n'a jamais voulu parler non plus de la guerre", ajoute Mme Maillet, ancienne DRH "très touchée" par l'"humilité" des vétérans.

Ces derniers ne sont pas toujours reçus dignement, nuance toutefois Mme Maillet: "Quand on fait payer 75 euros l'entrée d'une soirée avec des vétérans qui ne reçoivent pas un sou et doivent se contenter d'un plateau repas plus mauvais que dans un avion..."

A quelques dizaines de kilomètres de là, dans l'agglomération de Caen, Marie Legrand et Charles Norman Shay, un vétéran de 95 ans débarqué à Omaha le 6 juin 1944, semblent partager la même admiration mutuelle.

"Marie prend soin de moi. Elle fait tout pour moi. Je suis très heureux de l'avoir rencontrée", explique l'Amérindien installé depuis un an dans l'agréable demeure de Mme Legrand.

"Charles a eu des problèmes de santé qu'il n'arrivait pas à régler aux Etats-Unis. Il s'est installé ici et s'est fait opérer en France", explique la Normande qui reçoit des vétérans depuis les années 80.

Ces liens "très charnels" se sont noués dès l'après-guerre, souligne Henri-Jean Renaud, fils du maire de Sainte-Mère-Eglise en 1944.

"La présence du cimetière provisoire à Sainte-Mère a joué. Quand vous voyez 13.000 types passer sur des civières pour être enterrés, ça créé un lien", explique le pharmacien à la retraite qui avait 10 ans en 44.

M. Renaud tourne tristement les pages du carnet où il a noté, puis barré, au fur et à mesure de leur décès, le nom de tous ses amis américains.

Ce mardi soir il reçoit un général américain. "400 soldats américains sont à la mairie ce soir et vont être dispersés dans des familles françaises", précise-t-il.

clc/db/or

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