Ponts de mai : Estrosi veut utiliser les données Linky pour surveiller les résidences secondaires
Le beau temps est déjà là, mais il faut faire une croix sur les ponts du mois de mai, confinement oblige. Les plus malins et moins civiques resteront chez eux... mais dans leur résidence secondaire ! Pour éviter cela et maîtriser la potentielle vague de ‘tourisme de confinement”, des villes comme Nice étudient des mesures de contrôle très strictes (voire actuellement illégales).
Les compteurs Linky pourraient démasquer les touristes illégaux
Vendredi soir, le maire de Nice, Christian Estrosi, a déclaré sur Twitter avoir proposé à l’Etat d’utiliser les données ENEDIS pour détecter les résidences secondaires souvent vides qui recevraient soudainement la visite de leurs propriétaires. Il souhaite que les résidences secondaires restent vides pendant la période des vacances, pour éviter un exode comme celui qu’a vécu la ville de Rosas (à 30 km de la frontière espagnole sur la Costa Brava). Selon lui, ce comportement ne respecte pas le principe du confinement qui est de rester dans une seule résidence jusqu'à la fin du confinement et non pas d’en changer au grès de ses envies ou des périodes. Plutôt que d’envoyer des policiers municipaux vérifier l’occupation de toutes les résidences, Estrosi souhaite économiser ses effectifs en ne vérifiant que les résidences secondaires dont la consommation d'énergie aurait augmenté ces derniers jours.
D’une manière générale, Nice prend le confinement très au sérieux depuis sa mise en place, avec des mesures très fortes afin le faire respecter. Depuis le 19 mars, des drones ont survolé le bord de mer et le centre-ville pour faire respecter la loi. Selon France Bleu Azur, près de 25 haut-parleurs ont également été fixés aux caméras de vidéosurveillance de la ville pour apostropher en direct les personnes en infraction. La dernière astuce niçoise anti-coronavirus: une campagne choc pour sensibiliser au respect du confinement.
Faudrait-il renvoyer les retraités dans leur résidence principale?
La demande de Christian Estrosi semble difficile à appliquer, concernant les retraités notamment, qui sont très nombreux à avoir rejoint leur résidence secondaire bien avant le début du confinement. Dès lors, comment savoir précisément à quel moment ils sont arrivés, pour caractériser une infraction ? Selon Patrick Santo, secrétaire général de la CGT énergie des Alpes-Maritimes, interrogé par Nice Matin “cette action demandée par le maire de Nice relève d’une validation de la CNIL".
La question ne peut donc pas être directement tranchée par ENEDIS ou par l’Etat, comme le demande Christian Estrosi. Elle est dans les mains de la CNIL, et ça n’est pas la première fois que le maire de Nice se frotte à cette institution, pour des mesures de surveillance poussées. En 2018, la CNIL avait interdit le test de l’application Reporty à Nice, et en 2019, la reconnaissance faciale voulue par Christian Estrosi. Ce dernier avait en retour traité la CNIL “d'institution poussiéreuse”.
Une mesure illégale, sauf en cas d’infraction pénale grave
La question de l’utilisation des données des compteurs Linky est sensible, car elle est au centre des préoccupations des opposants à ce compteur connecté, qui luttent depuis 2016 contre sa généralisation, avec l’installation du compteur dans 35 millions de foyers d’ici l'année prochaine. Grâce à cette action collective d’envergure, le cadre légal d’utilisation des données des compteurs est déjà bien connu. La collecte de ces données détaillées (par heure ou demi-heure) est uniquement possible avec le consentement du consommateur, sous peine de violer le règlement général sur la protection des données (RGPD).
La possibilité de récolter les données Enedis pour savoir si le logement est occupé ou pas, est illégale juridiquement. « Un maire ne peut pas avoir recours à ces données pour contrôler la présence des gens, même l’Etat ne peut pas le faire. Seul un juge le pourrait, mais il faudrait caractériser une infraction pénale grave et que je sache il n’y a pas eu d’interdiction formelle ou une règle claire qui interdit de se rendre chez soi dans sa résidence secondaire », indique Maître Christophe Lèguevaques, avocat engagé dans une action collective contre Linky, cité par 20minutes.
Il semble donc que Christian Estrosi s’expose à un probable nouvel affront de la part de la CNIL. Une bonne nouvelle pour la protection des données personnelles, mais cela ne règle pas le problème des resquilleurs qui ignorent le confinement pour assouvir leurs envies d’escapades.
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