Sauvetage en mer : doit-on payer les secours ?
Au cours du printemps et de cet été, les sauveteurs en mer viendront une nouvelle fois au secours de nombreux plaisanciers en danger. Des opérations qui ont un coût, lequel peut dans certains cas devoir être remboursé. Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, détaille pour France-Soir dans quels cas un sauvetage en mer peut-être facturé.
En mer, un accident est très vite arrivé et le recours à une opération de sauvetage doit régulièrement être envisagé.
Une polémique refait régulièrement surface: celle des coûts des moyens de sauvetage engendrés par les fausses alertes et les imprudences.
Le principe est que la vie humaine n’a pas de prix, bien que ce principe ne soit manifestement plus absolu dans certains pays, mais l’assistance aux biens est payante.
> Qui procède aux opérations de sauvetage?
Ce sont les sauveteurs bénévoles de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM), qui appartiennent à une association reconnue d’utilité publique dont la mission est l’engagement au service de la sauvegarde de la vie humaine en mer, qui vont procéder aux opérations de sauvetage.
Sous le contrôle des Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS), les embarcations de la SMSM vont ainsi porter assistance aux navires à bord desquels se trouvent des personnes en danger, ou en difficulté.
> Quel est le coût des opérations de sauvetage des personnes en mer?
Le sauvetage des personnes est gratuit: c’est le principe que la vie humaine n’a pas de prix, les frais de sauvetage sont intégralement pris en charge par l'Etat. "Il n'est dû aucune rémunération pour les personnes sauvées", précise l'article 5132-8 du code des transports.
En revanche, l’assistance aux biens sera payante, lorsqu’il sera porté secours à un navire en danger. C’est qu’il faut distinguer sauvetage et assistance en mer.
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A la différence du sauvetage, qui est le fait de porter secours exclusivement à des personnes, sans obligation de secours au navire, l'assistance implique, outre le sauvetage des personnes, obligatoire en toutes circonstances, le secours du navire.
L'assistance en mer est une obligation absolue du capitaine de chaque navire. Elle n'est limitée que par le danger ''sérieux'' pour le navire, son équipage et ses passagers. Le refus d'un capitaine de porter assistance à une personne en mer en perdition est puni d'une amende de 3.750 euros et d'une peine d'emprisonnement de deux ans.
> Quel est le coût des opérations de secours des navires en mer?
Le régime du secours est issu d'une série de conventions internationales, dont en dernier lieu celle de Londres de 1988. Son contenu a été repris à l'identique dans le droit français et transposé dans le Code des Transports.
Au cours des opérations des frais sont engagés, dont le remboursement est prévu par les articles du Code des transports (anciennement la loi n°67-543 du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer).
"Les opérations d'assistance qui ont eu un résultat utile donnent droit à une rémunération au profit de la ou des personnes qui ont fourni une assistance" (article L. 5132-3 du Code des transports).
En revanche, n'ont droit à aucune rémunération les personnes qui ont pris part aux opérations de secours malgré la défense expresse et raisonnable du navire secouru.
La rémunération est fixée en vue d'encourager les opérations d'assistance et compte tenu des critères suivants:
1° La valeur du navire et des autres biens sauvés;
2° L'habileté et les efforts des assistants pour prévenir ou limiter les dommages à l'environnement;
3° L'étendue du succès obtenu par l'assistant;
4° La nature et l'importance du danger;
5° L'habileté et les efforts des assistants pour sauver le navire, les autres biens et les vies humaines;
6° Le temps passé, les dépenses effectuées et les pertes subies par les assistants;
7° Le risque de responsabilité et les autres risques encourus par les assistants ou leur matériel;
8° La promptitude des services rendus;
9° La disponibilité et l'usage de navires ou d'autres matériels destinés aux opérations d'assistance;
10° L'état de préparation ainsi que l'efficacité et la valeur du matériel de l'assistant.
"Les rémunérations, à l'exclusion de tous intérêts et frais juridiques récupérables qui peuvent être dus à cet égard, ne dépassent pas la valeur du navire et des autres biens sauvés", précise l'article 5132-4 du code des transports.
Au regard de ces textes, la SNSM est donc par exemple habilitée à recouvrir les dépenses engagées notamment:
-De combustibles et lubrifiants,
-D’entretien et d’amortissement des embarcations de sauvetage,
-D’équipement de sécurité et de formation des sauveteurs bénévoles.
Le calcul de ces dépenses suit un barème forfaitaire horaire fixé en fonction des caractéristiques de l’embarcation de sauvetage et du navire ou du bien secouru.
La réparation ou le remplacement du matériel de la SNSM endommagé, détruit ou perdu au cours de l’opération peut donner lieu à remboursement.
Dans certains cas particuliers, portant sur des opérations d’assistance complexe au profit de navires importants, le montant de la rémunération de l’assistance est évalué à posteriori, en principe selon la valeur du bien sauvé et des efforts déployés par l’assistant.
La station de sauvetage de la SNSM doit délivrer un bon d’intervention en trois exemplaires mentionnant le service rendu et le montant justifié des sommes demandées.
En principe, le bénéficiaire de l’assistance doit régler les sommes dès que la prestation a été effectuée sans attendre le règlement éventuel de son assurance. En effet certains contrats d’assurance prennent en charge ces coûts d’assistance
> Et en cas de fausse alerte?
Lors d’une fausse alerte, d’un tir de fusée rouge ou d’un faux témoignage, la personne identifiée pourra être poursuivie. Le préfet maritime pourra alors déposer plainte contre le contrevenant.
L’article 322-14 du Code pénal rappelle à cet égard que le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information faisant croire à un sinistre et de nature à provoquer l'intervention inutile des secours est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.
> Une vie humaine n’a pas de prix en mer, pas pour tout le monde…
Un bien étrange texte vient d’être présenté par le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, le 10 mai 2019.
Ce nouveau projet de décret anti-immigration prévoit en effet de sanctionner d’une lourde amende un navire qui amènerait des migrants dans un port italien sans avoir suivi les consignes de coordination des secours.
Concrètement, cela signifie que les associations de secours en mer s’exposeraient à une amende de 5.500 euros pour chaque migrant sauvé. Les temps changent, on connaît donc désormais le prix d’une vie pour certains.
Retrouvez d'autres analyses de l'actualité juridique sur le blog de Thierry Vallat.
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