Cocaïne, ecstasy... L'analyse des drogues pour sensibiliser les usagers aux risques
Les yeux dilatés, Robin apporte un échantillon d'ecstasy qu'il vient de consommer aux équipes de Médecins du Monde et l'association Charonne. Celles-ci, comme plusieurs autres associations en France, analysent les drogues des usagers, pour entamer un dialogue et sensibiliser aux risques.
"Prendre de la drogue c'est comme avoir une relation sexuelle: il faut un consentement éclairé, avoir toutes les infos", estime Sévag, pharmacien bénévole dans un des laboratoires de Médecins du Monde, fer de lance de cette opération. Le jeune homme, qui souhaite garder l'anonymat, passe ainsi une partie de son temps à analyser des échantillons "de la taille d'une tête d'épingle", que lui apportent spontanément des consommateurs.
Des actions et suivis que veulent développer les associations (Médecins du monde, association Charonne, Aides ...). A l'occasion de la journée internationale de réduction des risques liés à l'usage de drogues célébrée mardi, et dans le cadre de la campagne "Support, don't punish" ("soutenez, ne punissez pas", née en 2013), elles demandent aux autorités françaises de soutenir ces initiatives et sortir de la répression, qui n'a pas permis selon elles de réduire la consommation.
Pour cause: la cocaïne, de plus en plus pure, a le vent en poupe comme l'ecstasy et, dans une moindre mesure, l'héroïne, selon la dernière étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Ce qui n'est pas sans conséquences: depuis plusieurs mois, les autorités observent une hausse des hospitalisations en urgence pour des "symptômes cardio-vasculaires, neurologiques, psychiatriques, convulsions ou comas...".
Pourtant, les usagers viennent encore timidement déposer un échantillon de leurs drogues auprès d'un des partenaires. "Ils ont peur d'être jugés", explique à l'AFP Grégory Pfau, responsable en France du programme de Médecins du Monde. Et puis, "c'est risqué", souligne-t-il, rappelant que "le produit est interdit. Il faut donc pouvoir le transporter jusqu'au camion ou le laboratoire, sans se faire arrêter".
- Vermifuge ou caféine -
En outre, les résultats de l'analyse sont l'occasion d'apprendre que "la cocaïne coupée au lévamisole - vermifuge pour animaux - et l'héroïne, coupée au paracétamol et à la caféine, sont le standard du marché actuel", explique Sévag.
Pour l'héroïne, par exemple, le degré de pureté n'est pas non plus anodin: "Les échantillons (sur le marché) ont des concentrations très disparates, variant de 5% à 50%. Du coup, quelqu'un qui est habitué à une héroïne à moins de 10%, si du jour au lendemain on lui triple sa dose d'héroïne, il va la sentir passer", détaille le pharmacien.
"Soucieux de savoir ce qu'il y a dans (son) ecstasy et de connaître les risques pour (sa) santé", Robin, 25 ans, n'a ainsi pas hésité lui à "donner un petit bout de MDMA (principe actif de l'ecstasy, Ndlr) même si le cachet (lui) fait totalement l'effet escompté - tactile, bonne humeur, détente -". Le jeune homme, qui fait "du sport trois fois par semaine et mange bio", veut connaître les composants.
Après vingt minutes d'analyse, on lui explique alors que son cachet présente une composition "classique" (de la drogue, des amphétamines et de la caféine). Et, c'est aussi l'occasion pour les bénévoles d'engager une conversation et "lui rappeler le risque d'hypothermie en mélangeant MDMA et alcool, et l'importance de boire beaucoup d'eau", indique Sévag, présent sur le site d'un festival de musique en région parisienne.
Ne pas consommer seul, tester un quart de sa dose, ne pas tout prendre en une fois, attendre au moins 40 jours entre deux prises de MDMA, utiliser une paille à usage unique pour la cocaïne... sont autant de conseils prodigués par l'équipe de bénévoles.
Analyser le contenu de ces drogues permet, entre autres, de "diffuser des conseils de réduction des risques, suivre en temps réel les évolutions du marché parallèle, les pratiques", souligne auprès de l'AFP le président de Médecins du Monde, Philippe De Botton.
En outre, "l'analyse de drogues nous permet de créer un lien avec un nouveau public de personnes usagères de drogues, dans une démarche de promotion de la santé", souligne le président de l'organisation.
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