Mort de Johnny Hallyday : pourquoi sommes-nous aussi touchés ?
A l’annonce du décès de Johnny Hallyday, nous avons senti toute la France ébranlée par cette dépêche qui a rappelé à ses fans et à tout un chacun que les héros ne sont pas immortels même s’ils paraissent invincibles. Très rapidement, l’absence de l’être aimé se fait ressentir.
Depuis leur apparition, les réseaux sociaux permettent de communier davantage autour d’un sujet et augmentent l’ensemble des phénomènes comme l’amour, la haine ou le fanatisme. C’est bien la "douce violence" qui a disparu le jour de l’annonce de la mort du chanteur. Les hommes passent et les souvenirs restent. Johnny, d’Ormesson, les grands s’en vont. Mickael Jackson est mort, Prince l’a suivi et bien qu’un roman s’intitule Bowie n’est pas mort, le chanteur de Life on Mars nous a pourtant bien quitté.
Ces décès nous ramènent à notre propre existence, à notre propre destin. Les médias ont fait de nos idoles des membres de notre famille. Dans un grand nombre de maisons, on trouve des photos d’acteurs ou de rock stars et de plus en plus de personnes ont des selfies accompagnés de leurs icones préférées. Le fait de perdre sa "divinité" devient la perte d’un être de sa propre famille.
Le matin du décès de Johnny, sur Internet, je constatais que toutes les étapes classiques d’un deuil étaient présentes: il y a eu l’annonce qui a provoqué un violent coup de massue, puis est survenu le déni. Enfin, un sentiment qui ressemble à de la colère se fera ressentir et s’en suivra pour certains d'une dépression liée au chagrin. Cette souffrance pourra créer des sentiments et des émotions bien distinctes chez les uns ou les autres mais ils resteront dans ce cadre bien connu du deuil. Il faut cependant différencier une icône qui meurt très âgée d’un artiste fauché en pleine gloire, dans la fleur de l’âge. Quand nous savons qu’une personnalité est malade, nous guettons de prêt ou de loin son état de santé ou nous subissons par les tabloïds certaines indications sur la gravité de sa maladie.
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Il y a une certaine logique au fait que la tristesse soit si présente même si la rock star n’a pas partagé la vie de tous ses fans comme eux l’ont fait. Je considère en tant que psychanalyste que la mort d’un artiste suscite, chez des patients, de la tristesse et crée un sentiment de manque parfois aussi fort qu’un parent disparu avec lequel les relations étaient exécrables. Depuis longtemps, la figure paternelle de ce parent avait été remplacée par l’artiste.
Il y a 20 ou 30 ans, nous n’avions que trois chaînes de télévision et quelques journaux. Il fallait donc attendre le matin ou le soir pour découvrir un décès. Il fallait prendre le temps de se téléphoner, d’en parler alors qu'aujourd’hui à l’instant même où une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) arrive, des millions de gens sont avertis et postent immédiatement un petit mot sur Instagram, Twitter ou Facebook avec un R.I.P (repose en paix).
La communion est possible grâce à la rapidité de l’information et l’interaction entre l’ensemble de ceux qui la lisent. Cet afflux d’informations et de messages de stars au grand public crée une relation de proximité factice. Aujourd’hui, le fan est persuadé de connaître personnellement l’artiste. Lors de rencontres autour d’un concert ou d’une poignée de main, le tutoiement peut aussi avec certains devenir de rigueur comme s’ils étaient des intimes dans la vie. Si le fan a créé son intimité avec la star, ce n’est pourtant pas vrai dans l’autre sens.
Un acteur, un chanteur ou un écrivain par son œuvre a marqué nos vies. Qui ne se souvient pas de l'endroit où il était lorsqu'un tube a envahi ses oreilles? En revoyant un film, il est également coutume de se demander dans quel cinéma l’avions-nous vu à sa sortie ou bien de se questionner sur la personne avec qui nous étions à l'époque? Autant de questions qui ramènent l’idole au cœur de notre propre existence et créé des références dans nos vies.
Si autant de stars, accompagnées des meilleurs médecins, des voitures les plus solides, des nourritures pouvant être les plus bios, peuvent aussi mourir, qu’adviendra t-il donc de notre propre sort? Il peut y avoir de quoi redouter le pire un jour pour nous. Même si nous le savons, dès le jour de notre naissance, la mort sera au rendez-vous. Cependant, la vie nous laisse parfois des instants de répit quand à l’idée de notre disparation. Ces mêmes instants disparaissent quand nous apprenons la mort de ces stars que nous voyons comme nos proches.
L’association d’idées n’est pas fausse: nous pouvons revivre la perte d’un être cher, la cicatrice d’un deuil peut se rouvrir à la mort d’une personnalité pour laquelle nous avions de l’amour, de l’affection ou du respect. Nous n’attendrons plus le prochain album ou le prochain film de telle ou telle personne. A présent, conscient et inconscient vont devoir se trouver une nouvelle référence pour avancer et s’accrocher à l’existence ou retrouver des sentiments que nous avons aimés, bercés par certaines chansons ou certains films.
Si CD ou DVD vivent encore leurs dernières années au profit des supports numériques, nous pourrons bien sûr continuer à revisiter ceux que nous avons aimés mais nous ne découvrirons plus leur présent. Ils feront partie du passé, de notre panthéon intime.
Cet article a été rédigé par Rodolphe Oppenheimer, psychanalyste (http://www.psy-92.fr/). Son dernier ouvrage, Peurs, angoisses, phobies, par ici la sortie! (Ed. Marie B) est disponible en librairie depuis le 15 novembre.
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