Meeting électoral controversé en Bosnie pour Erdogan
Le président turc Recep Tayyip Erdogan tient dimanche à Sarajevo un meeting électoral qui fait grincer les dents d'une partie de la population de la capitale bosnienne.
Le choix de Sarajevo intervient alors que plusieurs pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne, avaient empêché la tenue de meetings pro-Erdogan avant le référendum d’avril 2017 sur le renforcement de ses pouvoirs. Ces veto avaient provoqué de vives tensions entre Ankara et Bruxelles.
Cette réunion électorale, prévue en début d'après-midi, un peu plus d'un mois avant les élections présidentielle et législatives qu'il a convoquées le 24 juin, s'adresse à la diaspora turque, qui compte plus de trois millions d'électeurs, dont 1,4 million en Allemagne.
Selon la presse bosnienne, 20.000 personnes devraient se presser dans la salle Zetra, patinoire des jeux Olympiques d'Hiver de 1984, où ont été installés dès samedi deux immenses portraits de Recep Tayyip Erdogan et d'Atatürk, le premier président turc.
- Partis frères -
En avril, les autorités néerlandaises et autrichiennes ont prévenu qu'elles ne voyaient pas d'un bon œil la tenue d'une telle réunion politique cette année.
A Sarajevo, il n'y avait aucun risque de s'exposer à un tel rejet du chef politique des Bosniaques musulmans, Bakir Izetbegovic, invité au mariage de la fille du président turc en 2016.
Sa formation politique, le SDA, affiche sa proximité avec le parti de la Justice et du développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan. Selon les médias bosniens, l'AKP compte d'ailleurs ouvrir prochainement une antenne en Bosnie.
"Nous allons montrer qu'il a des amis et qu'ils sont fiers de lui", a dit le 10 mai à ses partisans le membre bosniaque musulman de la présidence tripartite bosnienne, qui codirige les autorités centrales du pays multicommunautaire avec un Serbe et un Croate.
Bakir Izetbegovic s'est dit conscient que son invité "n'était pas aimé à l'Ouest et que de nombreux Bosniaques frustrés ne l'aimaient pas": "Quel est le problème? Le problème est qu'il est un responsable musulman puissant tel que nous n'en avons pas eu depuis longtemps".
Le soutien est effectivement loin d'être général comme le montraient les titres des journaux dimanche. "Les habitants de Sarajevo s'amusent: Aujourd'hui Erdogan, demain Poutine, après-demain... pourquoi pas Assad?", écrit le quotidien Vecernji List, selon qui "la réunion de soutien au +sultan+ va durer huit heures".
"Les Turcs occupent Sarajevo", titre de son côté son concurrent, Dnevni Avaz.
Quelques heures avant le meeting, la ville était sans grande effervescence, quelques vendeurs proposant des écharpes ou des drapeaux aux couleurs turques. Quelques panneaux de bienvenue avaient été installés.
"Ce n'est pas un problème quand Poutine vient en Serbie, pourquoi ça en serait un qu'Erdogan tienne un meeting à Sarajevo?", s'interroge Ramiza, 58 ans, un vendeur du marché.
- 'Evidemment que ça me dérange' -
"Evidemment que ça me dérange. Pourquoi fait-il ce meeting en Bosnie et pas en Turquie", s'offusque à l'inverse Spomenka Beus, une retraitée de 74 ans."
Beaucoup voient dans cette visite l'expression d'un "néo-ottomanisme". Les Balkans, et notamment la Bosnie, ont été sous tutelle ottomane pendant plus de quatre siècles, jusqu'en 1878.
Le metteur en scène de Sarajevo Dino Mustafic a ironisé sur son compte Twitter, sur ce "rassemblement émouvant et romantique des temps coloniaux", où "le pauvre sujet local applaudira avec ferveur son sultan".
Quant au chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, il a regretté que le président turc "se mêle beaucoup" des affaires bosniennes.
La Turquie a joué un rôle important dans la reconstruction de ce petit pays des Balkans après la guerre multicommunautaire des années 1992-95, et y mène une politique d'investissement dynamique comme dans tous les Balkans.
La moitié des 3,5 millions de Bosniens sont des Bosniaques musulmans, un tiers sont serbes orthodoxes, les Croates catholiques comptant pour environ 15% de la population.
Le meeting, le seul du président Erdogan hors de Turquie, doit débuter à 14H30 locales (12H30 GMT).
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