Musée de la Merde : un cercle vertueux à partir des... excréments

Auteur:
 
Par AFP
Publié le 07 avril 2017 - 17:17
Image
Meubles et vaisselle en "Merdacotta" ("merde cuite") au Musée de la Merde à Castelbosco en Italie du
Crédits
© Miguel MEDINA / AFP
Meubles et vaisselle en "Merdacotta" ("merde cuite") au Musée de la Merde à Castelbosco en Italie du Nord, le 28 mars 2017
© Miguel MEDINA / AFP

Un Musée de la Merde... L'idée semble répugnante mais, à Castelbosco, dans la campagne italienne, elle n'a rien de vulgaire. Car sa philosophie est directement liée au développement durable: comment créer de la valeur à partir de la plus basse des matières ?

Car, bien plus qu'un musée, il s'agit surtout pour son créateur d'un concept né d'une constatation: les montagnes de bouses de vache laissées par des centaines de vaches dans la grande ferme qu'il possède à une centaine de kilomètres au sud de Milan.

"L'idée est née d'une exigence primaire qui était de tirer parti de toutes les déjections des animaux et ceci de manière écologique. Nous avons réussi à les transformer en quelque chose d'utile", explique à l'AFP Gianantonio Locatelli, gentleman farmer de 61 ans.

Sur ses différentes exploitations, ses 3.500 bovins produisent chaque jour 550 quintaux (55 tonnes) de lait destiné à la fabrication du Grana Padano, un fromage traditionnel. Moins glamour, ils génèrent aussi 1.500 quintaux (150 tonnes) de lisier, un vrai casse-tête à gérer.

Plutôt que de le subir, M. Locatelli a décidé de l'affronter, avec un système ingénieux.

Les excréments récoltés sont placés dans des digesteurs, immenses cuves à l'intérieur desquelles les bactéries transforment tout ce qui est organique en méthane. Une petite visite en surplomb offre une odeur prégnante...

Le méthane est ensuite brûlé par des moteurs, pour produire de l'électricité, qui est vendue par la ferme. Trois MWh sont ainsi générés, soit l'équivalent de l'éclairage d'un village de 3.000 à 4.000 habitants.

- "Merdacotta" -

L'eau utilisée pour refroidir les moteurs, qui sort à une température de 100 degrés, permet à son tour de chauffer la ferme et les étables mais aussi les digesteurs qui doivent demeurer à 40 degrés.

Une partie du lisier ressortant des digesteurs est à son tour valorisé en engrais, dont le "Merdame" qui sera bientôt commercialisé dans les supermarchés, explique M. Locatelli, qui préfère rester discret sur le coût de l'ensemble des investissements réalisés.

Dernier élément et non des moindres, une partie des déjections sortant des digesteurs sert aussi à une ligne d'... arts de la table et d'objets du quotidien.

La "Merdacotta" (littéralement la "merde cuite") naît d'un savant mélange: de la bouse associée à de l'argile de Toscane, avec "une petite touche secrète". Briques, tuiles, pots de fleurs, assiettes ou brocs... Les objets sont rustiques et élégants.

La Merdacotta "est un produit révolutionnaire", à "mi-chemin entre le plastique et la terracotta", affirme M. Locatelli.

Dans le musée, créé en 2005 dans la ferme et où les nez sensibles n'ont rien à craindre, ces objets ont une place de choix.

Tous sont frappés du scarabée sacré, le symbole du musée parce qu'il est capable de former et de transporter de grosses boules de bouse qui servent à nourrir ses larves.

- "Quelque chose de gracieux" -

Le musée présente aussi des œuvres d'art, dont l'une autour des vertus thérapeutiques des excréments, des peintures faites à base de merde liquide, ou encore un extrait du film "Le fantôme de la liberté" de Luis Bunuel, où l'échelle des valeurs entre nourriture et toilettes est inversé...

Conçu avec l'architecte Luca Cipelletti, il se veut le reflet de la réflexion menée par l'éleveur.

Lui qui a étudié l'agriculture au Canada quand il avait une vingtaine d'années et a côtoyé Andy Warhol en séjournant à la même époque à New York est aussi un collectionneur (même s'il n'aime pas le terme) et amateur d'art conceptuel, dont le Fluxus.

"La merde est perçue comme quelque chose de vulgaire, de nauséabond, comme la matière la plus ignoble", souligne M. Locatelli, qui entend "réhabiliter le mot et modifier sa vision à 360 degrés".

La collection Merdacotta a reçu l'an passé le prix du Salon du Design de Milan, récompensant ce pari fou de "transformer la merde en quelque chose de gracieux", se félicite-t-il.

Et alors que son exploitation a été affectée ces dernières années par la forte baisse du prix du lait, il peut s'appuyer sur son système écologique, "qui a également créé une activité".

Dans ce sens "je ne peux que remercier la merde", affirme ce gentil provocateur.

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.