Les membres du Conseil constitutionnel ont-ils fait un AVC  ?

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 20 août 2024 - 15:30
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Conseil Constitutionnel
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Les membres du Conseil constitutionnel ont-ils fait un AVC ?
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Avè César (Avē Cæsar, moritūrī tē salūtant) ou Arrêt Volontaire de Constitutionnalité (1)

Depuis le 16 juillet 2024, date de la démission de Gabriel Attal acceptée par Emmanuel Macron, la France est sans Premier Ministre. La faute à qui ? À Emmanuel Macron.

En effet, vous êtes certainement déjà au courant, le Président Emmanuel Macron, a décidé de ne pas nommer de Premier Ministre jusqu'en date du ? Au départ, il avait dit jusqu'à « après la fin des jeux paralympiques », à savoir le 8 septembre 2024. C'était parce que s'il avait dit après (seulement) les Jeux olympiques, et non pas après (aussi) les jeux paralympiques, ç'eût été reléguer les jeux paralympiques à quelque chose d'insignifiant, par rapport aux Jeux olympiques. Or, discriminer les minorités, non : Emmanuel Macron ne fait pas ça. Son truc à lui, c'est l'inverse : c'est discriminer les majorités. Toutes les majorités. La majorité dite « civique » (le corps électoral), la majorité « identitaire » (le Français né de deux parents Français), la majorité sociale (les ménages les plus pauvres), et, surtout la majorité « sexuelle » que sont les hétérosexuels. Oui, en un mot (trois plutôt), la majorité qu'Emmanuel Macron s'emploie à discriminer, maltraiter, emmerder, exploiter et insulter sans relâche depuis sept ans, c'est « le Français moyen. » Le citoyen lambda. Remarquez, une partie de ces citoyens-là ont voté pour lui en 2017 et en 2022. Donc, quelque part, ils ont ce qu'ils méritent. Le problème, c'est que leur choix a impacté les 66 autres % de Français. J'entends par là les 66 % de Français en âge de voter, qui n'ont pas voté pour Emmanuel Macron. Soit parce qu'ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales (16 %), soit parce qu'ils se sont abstenus (20 %), soit puisqu'ils ont voté Marine le Pen (30 %). Cette majorité (deux tiers de Français), Emmanuel Macron n'en a cure. C'est ce qu'on appelle « la démocratie » : la dictature d'une minorité sur la majorité, rendue possible par un système d'accession au pouvoir, autant verrouillé que vérolé.

Emmanuel Macron ne se préoccupe pas davantage de la Constitution.

Pardi !

« La trêve olympique », le faux prétexte qu'Emmanuel Macron a invoqué pour justifier sa décision de ne pas nommer de Premier Ministre, n'est aucunement un cas de figure qui permet au Président de le faire. Et pour cause ! En fait, la Constitution ne définit aucun cas de figure dans lequel le Président peut ne pas nommer de Premier Ministre, et donc laisser le pays sans Premier Ministre et sans Gouvernement, et avec pour conséquence qu'aucun citoyen n'est habilité à « déterminer et conduire la politique de la Nation » (article 20 de la Constitution), ni à « assurer l'exécution des lois » et « la Défense nationale » (article 21 de la Constitution).

La Constitution prévoit uniquement que le président de la République peut se substituer au Premier Ministre et au Gouvernement dans ces deux domaines, s'il fait application de son article 16, à savoir « les pleins pouvoirs » donnés au Président. Cependant, le recours à l'article 16 est impossible sans Premier Ministre en fonction. Pourquoi ? Parce qu'aux termes de l'article 16 de la Constitution, le Président ne peut s'arroger ces pouvoirs exceptionnels, qu'après « consultation officielle du Premier Ministre » :

« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »

Or, pour que consultation « officielle » du Premier Ministre il y ait, il faut qu'un Premier Ministre ait été nommé par le Président, et qu'il soit en fonction. Un Premier Ministre démissionnaire ne saurait suffire. Sauf bien sûr à considérer que participer à la décision de conférer les pleins pouvoirs au Président, fait partie de la gestion « des affaires courantes », celles dont un Premier Ministre démissionnaire « peut » (doit) s'occuper en attendant la nomination de son successeur.

Ces précisions ayant été apportées, voyons maintenant comment doit s'analyser la décision d'Emmanuel Macron de ne laisser le pays sans Premier Ministre et sans Gouvernement. L'analyser d'abord d'un point de vue constitutionnel, puis d'un point de vue politique. Politique et concret.

Constitutionnellement, sans Premier Ministre et sans Gouvernement, le pays se retrouve à l'arrêt. Bloqué au niveau de l'article 20 (c'est-à-dire pour ce qui est de « déterminer et conduire la politique de la Nation »), l'article 20 définissant que c'est un pouvoir conféré uniquement au Gouvernement. Et, bloqué au niveau de l'article 21 (autrement dit, pour ce qui est d'« être responsable de la Défense nationale » et d' « assurer l'exécution des lois »), l'article 21 définissant qu'il s'agit là de pouvoirs conférés uniquement au Premier Ministre.

Et, politiquement ? Et bien, outre le fait que, constitutionnellement, le pays se retrouve à l'arrêt, concrètement le pays se retrouve à être pris en otage par la décision politique d'Emmanuel Macron, rigoureusement contraire à la Constitution, de ne pas nommer de Premier Ministre, initialement pendant presque deux mois, et sans doute, finalement, pendant « seulement » cinq semaines. Emmanuel Macron vient de faire courir le bruit... qu'il nommera un Premier Ministre « dès que » sera terminée la consultation des dirigeants des principaux partis politiques qu'il a lancée. Celle-ci devrait durer jusqu'au 26 août (date anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme ») 2024, cela même s'il a déclaré vouloir « laisser la situation se décanter. » Traduisez « jouer la montre » : laisser la situation pourrir, comme durant la crise des gilets jaunes.

« Chacun doit faire preuve d’esprit de responsabilité », répète-t-il à ce sujet, en privé, paraît-il. Emmanuel Macron étant Grand Maître en foutage de gueule revendiqué et pour ce qui est d'imposer aux autres des obligations qu'il n'applique pas à lui-même, je pense que ce n'est pas une fake-news. Je pense que c'est la vérité. Que pour de vrai, dans une sorte de méthode Coué « inversée », il répète en privé, à destination des autres, que « Chacun doit faire preuve d’esprit de responsabilité. »

Et, comme il a spécifié, en filigrane, que si au terme de cette consultation des responsables des partis politiques (à qui il aura transmis ce devoir de « faire preuve d'esprit de responsabilité » qu'il ne s'applique pas à lui), il s'accordera encore du temps pour - enfin ! - daigner (ou pas) nommer un Premier Ministre, j'insiste. Selon moi, toujours patente qu'elle est après plus de cinq semaines, sa décision de ne pas nommer un Premier Ministre est rigoureusement contraire à la Constitution.

Pourquoi ? Essentiellement parce que cette décision intervient en violation manifeste de l'obligation que l'article 5 de la Constitution, fait au Président de veiller « au fonctionnement régulier des pouvoirs publics. » Et accessoirement parce que les deux prétextes, en fait, invoqués par Emmanuel Macron pour justifier cette décision, sont totalement infondés. Le premier prétexte, l'officiel, « la trêve olympique » constitutionnelle qu'il a décrétée, souvenez-vous, n'est nullement définie par la Constitution comme étant un cas de figure dans lequel le Président peut ne pas nommer un Premier Ministre. Et il en est de même du second prétexte qu'Emmanuel Macron a invoqué, certes moins intensément, mais tout autant officiellement. À savoir l'impossibilité « mathématique » d'avoir un Premier Ministre bénéficiant d'une majorité à l'Assemblée nationale, vu sa composition à l'issue des élections législatives anticipées intervenues suite à la dissolution.

Diable ! Tout d'abord, c'est là préjuger du vote des députés, et deuxièmement - ET  SURTOUT ! - principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs oblige (posé par l'article 17 de la Déclaration des droits de 1789 auquel renvoie le préambule de la Constitution), le président de la République (pouvoir exécutif) a interdiction de s'immiscer dans la décision que prendra l'Assemblée nationale (pouvoir législatif), de valider ou non, conformément à l'article 50 de la Constitution, la nomination du Gouvernement qui aura été formé consécutivement à... la nomination d'un Premier Ministre : l'acte constitutionnel que le président de la République doit accomplir par application de l'article 8 de la Constitution et pour le respect de son article 5.

Article 50 de la Constitution : « Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du Gouvernement. »

Je résume. Le président de la République ayant l'obligation de veiller au fonctionnement régulier des institutions (article 5), il doit nommer un Premier Ministre sans attendre (article 8) et sans tenir compte du fait que, comme la Constitution le prévoit (article 50), son choix de nommer tel citoyen Premier Ministre puis nommer avec lui les autres membres du Gouvernement, peut être désavoué par l'Assemblée nationale.

C'est une évidence. D'où la question que j'ai posée en titre : « Les membres du Conseil constitutionnel ont-ils fait un AVC : un avè césar ou  un arrêt volontaire de constitutionnalité ? »

Quelle question ! 

Les sages ont un certain âge. Ce qui rend donc la première option de formule Avē Cæsar, moritūrī tē salūtant, Salut César, ceux qui vont mourir te saluent » tout à fait possible.  En effet, à de nombreuses reprises, le Conseil constitutionnel a fait bouche morte, ou s’est couché devant Jupiter. J’en prends pour exemple la réponse de Jean Maia, secrétaire Général du Conseil constitutionnel à ma requête en empêchement du président Macron : le Conseil constitutionnel ne serait pas compétent pour étudier une telle requête !

Mais, la seconde formule est plus probable encore, quoiqu’il fût fort possible que les deux soient d’actualité ! Hormis Alain Juppé, qui, j'imagine, devenu probe depuis sa nomination au Conseil constitutionnel par Emmanuel Macron, s'est interdit de prendre position, étant donné qu'il a été reconnu coupable « d'avoir trahi la confiance du peuple français », les autres membres du Conseil constitutionnel, eux, auraient dû relever l'inconstitutionnalité de la situation sans en rendre compte à César.

Oui. Il était possible, et qui plus est facile, et donc obligatoire, quelque part, « normalement »,(c'est-à-dire « déontologiquement » parlant), pour les membres du Conseil constitutionnel, d'empêcher la prise en otage du pays et de ses institutions. La prise d'otage dont Emmanuel Macron s'est rendu coupable et continue de se rendre coupable, politiquement, en persistant dans sa décision de ne pas nommer de Premier Ministre, cela parce que cette décision intervient à la fois en violation de l'article 5 de la Constitution et de son préambule (principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs posé par l'article 17 de la Déclaration des droits de 1789) et parce qu'il evoque pour cela de faux prétextes. Des prétextes infondés et fallacieux, car sa décision de faire traîner les choses, procède à vrai dire d'une stratégie qu'il affectionne, celle du pourrissement de la situation. Un stratagème politique pernicieux au possible, car il lui permet d'être seul décideur pour ce qui est de déterminer et de conduire la politique de la Nation (article 20 de la Constitution), au mépris du résultat des urnes (article 4 de la Constitution), c'est-à-dire en crachant à la face du souverain (théorique), le peuple, une fois de plus.

Oui. Pour empêcher tout cela, il aurait suffi, par exemple, qu'après la démission du Gouvernement, Laurent Fabius fasse une déclaration publique officielle, consacrant le fait qu'aux termes des articles 5, 8, 20, 21 et 50 de la Constitution et de son préambule, la composition de l'Assemblée nationale n'a aucune incidence sur le fait que le président de la République doit nommer un Premier Ministre. Qu'il ne peut pas laisser le pays sans Gouvernement. En tout cas pas au-delà du temps de la mûre réflexion qui est nécessaire, évidemment, car la décision est lourde de conséquence, pour le citoyen qui exerce la fonction de président de la République, concernant donc le choix de celui qu'il décide de nommer Premier Ministre.

Or, s'il se trouve que plus de six semaines est le temps de la mûre réflexion dont Emmanuel Macron a besoin pour prendre cette décision, c'est qu'il n'est « pas assez mûr » pour être Président, comme disent ses adversaires politiques, ou qu'il est « complètement mûr » (manque d'intelligence), comme l'affirment les Français qui le conchient, « ces gens qui ne sont rien » étant, eux, forcément, un tantinet plus crûs. Plus gaulois. Rabelaisiens. Terre-à-terre. Objectifs. Sensés ?

Quant aux dirigeants des « principaux » partis politiques, leurs dernières gesticulations ne peuvent effacer le fait qu'ils ont accepté la situation. Qu'ils sont partis en vacances, laissant le pays pérorer ! Ainsi, la rentrée a beau s'annoncer davantage animée, Emmanuel Macron et Cie continueront le jeu de bonneteau politique, cette mystification permanente dont nous sommes le dindon de la farce depuis son élection en 2017, en grande partie du fait de la douce torpeur dans laquelle le Conseil constitutionnel, à mon avis, lui, continuera d'être.

Il s'agit là d'une énième illustration supplémentaire, de ce que j'appelle à cet égard (et par analogie aux « vaccins » anti-covid) les effets secondaires des injections à répétition de pouvoir qui atténuent le vouloir. En l’occurrence, celui de s’opposer à César. Dans le cas présent, Pfizer, Moderna et McKinsey n’y seraient pour rien.

Décidément, hélas, notre république est bel et bien un hochet entre les mains d’un enfant capricieux.

Notons d'ailleurs, à ce sujet, cet autre bruit qu'il fait courir, depuis avant-hier, qu'il pourrait choisir un Premier Ministre « non-politique », et « garder sous son autorité » les ministres démissionnaires, le temps de constituer une nouvelle équipe.

Et, enfin, notons également que le Conseil constitutionnel aussi s'emploie à faire traîner les choses.  Alors qu'il a été saisi de 81 recours contre les résultats des élections législatives, immédiatement après la proclamation de ceux-ci (à savoir le 7 juillet 2024), le Conseil constitutionnel n'a toujours pas statué sur ces recours, c'est-à-dire là aussi plus de six semaines plus tard, et série en cours.

 Entre autres incongruités constitutionnelles qui en découlent, cela permet à certaines « personnes » (« des copains des copains ») de cumuler, jusqu'à ce qu'intervienne la décision du Conseil constitutionnel, des fonctions qui normalement sont incompatibles, tels Présidents de collectivités et Président de tel groupe politique à l'Assemblée nationale, en tant que député.

Laurent Wauquiez (au hasard) est ainsi Président du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes toujours en fonction, et Président du groupe « La Droite Républicaine » à l'Assemblée nationale.

Cumule-t-il les deux salaires substantiels perçus pour ces deux fonctions, et les avantages en nature également très conséquents qui sont attachés à chacune d'elles, alors qu'il a interdiction d'exercer ces deux fonctions en même temps ?

Si vous en avez l'occasion, posez-lui la question.

 

(1) Terme suggéré fort à propos par un lecteur de France-Soir pour en faire un édito !

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