EHPAD : douze soignants menacés, "la contrainte et le chantage à l’emploi sont très mal vécus"
ENTRETIEN - Douze soignants refusent de se faire vacciner à l'EHPAD de Vinça, dans les Pyrénées Orientales. Christine Hamonic témoigne de la part de ses collègues, en revenant sur la culpabilisation qu'ils subissent, les menaces de licenciements, et d'où vient leur volonté de ne pas recevoir de vaccin contre le Covid-19. En effet, très renseignés sur la question, les soignants sont accusés d'aller contre la politique gouvernementale.
- Vous travaillez dans un EHPAD dans les Pyrénées Orientales, pouvez-vous nous parler de l’ambiance actuelle au sein de l’établissement, tant chez le personnel soignant que chez les pensionnaires ?
Avant tout, précions que cet entretien reflète l’opinion de douze professionnels souhaitant s’exprimer : aides-soignants, infirmiers, comptable, ergothérapeute, psychologue, agents des services hospitaliers, c’est donc une réponse collégiale que nous vous transmettons.
En ce qui concerne le personnel, l’ambiance est bien sûr tendue, et ajoutons que l’obligation vaccinale concerne tout le personnel, soignant et non-soignant : lingères, cuisiniers, personnel administratif, etc. Les avis sont partagés en ce qui concerne l’adhésion à la vaccination, des conflits apparaissent entre certains, ce qui est toujours très dommageable ; le travail en équipe est fondamental pour que les soins auprès des personnes soient optimum, or oui, il y a de fortes tensions, des incompréhensions entre ceux adhérant à la vaccination et ceux qui, soit la refusent, soit la font à contre-cœur ; pour ces derniers, la contrainte et le chantage à l’emploi sont très mal vécus.
Il faut comprendre que nous avons traversé une longue période pendant laquelle nous avons affronté différentes épreuves : clusters, mesures drastiques, infections, changements réguliers de nos routines pour s’adapter aux directives nécessaires à la protection de nos résidents. Je pense être honnête en disant que nous avons fait tout ce qui était humainement possible pour accompagner les résidents.
Je pense porter la parole de la majorité de mes collègues en disant que nous avons réussi à faire un beau travail, bien qu’imparfait, dans lequel chacun des agents a été impliqué, avec l’appui et l’impulsion constants de notre Direction, afin de rendre la vie dans l’EHPAD la plus humaine et la plus joyeuse possible malgré les contraintes. On imagine mal, quand on est hors d’un tel établissement et qu’on méconnaît les caractéristiques des personnes âgées, ce que chaque changement implique de déstabilisation, de perte de repères, de répercussion sur le sentiment de solitude.
Nous avons été là pour eux, c’est le sens même de notre travail. Tous nos résidents atteints par le coronavirus sont heureusement sortis d’affaire à ce jour. Bien sûr, les résidents sont fatigués des tests, des contraintes et aspirent à vivre librement. Certains ont toujours manifesté leur désir de faire ce qu’ils voulaient de leurs dernières années de vie et ont refusé la vaccination. D’autres, ont accepté la vaccination avec soulagement.
- Vous êtes soumise, comme vos collègues, à l’obligation vaccinale, que pensez-vous de cette nouvelle mesure ?
Après tous ces efforts, il nous est dit que notre refus de nous faire vacciner met en danger les personnes que nous accompagnons, et que seule notre vaccination permettra un retour à la vie normale ; nous nous sentons donc traités comme des criminels, alors que ces arguments sont fortement contestables par l’État, mais aussi par certains de nos collègues ou dans les opinions relayées par les médias. C’est cette question qui est cruciale aujourd’hui et à laquelle nous souhaitons répondre.
Certains disent que travailler dans un EHPAD sans être vacciné fait courir un danger aux résidents. C’est attribuer au vaccin une efficacité qui ne sera démontrée (ou pas) que dans un futur incertain. Par ailleurs, j’ai vu bien des personnes détruites par le tabac, mais je n’ai jamais vu qu’on accuse l’État d’avoir assassiné ces gens, c’est pourtant lui qui permet et bénéficie de ce désastre sanitaire… Il faut cesser de tout simplifier et comprendre la complexité de la situation.
Chaque agent a fait son propre cheminement et globalement nous concordons sur les points suivants : notre refus se base sur l’impossibilité de connaître la fameuse balance bénéfice-risque et sur la perte totale de crédibilité de nos dirigeants. Je vous rappelle que la France a connu un certain nombre de catastrophes sanitaires qui ont d’abord été traitées par le mépris avant d’être reconnues du bout des lèvres : les effets de la catastrophe de Tchernobyl sur notre territoire, le sang contaminé, les complications liées au vaccin contre l’hépatite B, etc., ce dernier a marqué beaucoup de soignants qui ne souhaitent plus être utilisés comme des cobayes et certains d’entre nous, qui témoignons aujourd’hui, ont été touchés de très près. La confiance en nos autorités est de ce fait profondément entamée.
Les informations concernant les vaccins à ARN messager diffusées dans la presse sont clairement destinées à un public ignorant et manquent de sérieux : on nous serine qu’on a 20 ans de recul sur les vaccins à ARN messager. Néanmoins, malgré d’intenses recherches, je n’ai trouvé aucune information, aucune étude confirmant ces dires, je serais ravie de les lire.
De plus, les thérapies géniques (puisque c’est de cela qu’il s’agit), si elles sont utilisées depuis longtemps pour le traitement de certaines maladies, n’ont jamais impliqué la fabrication par le corps humain d’une molécule appartenant à une autre espèce, c’est une technique totalement nouvelle et non testée.
Par ailleurs, il a été clairement expliqué que le vaccin n’empêchait pas la transmission de la maladie, qu’il la réduisait et peut-être permettait de développer des formes moins graves, comme l’a dit Anthony Fauci lui-même. Mais comme tout le monde le sait, les tests de phases III ne sont pas aboutis et c’est la population mondiale qui sert de cobaye.
A ce jour, le fameux variant delta ne semble pas alarmant en termes de mortalité et d’hospitalisations. Soyons clairs, plusieurs d’entre nous ont été contaminés et nous ne méprisons pas la complexité ni la dangerosité du Covid-19, un virus aux manifestations étranges, encore mal compris et laissant des séquelles troublantes, mais comme beaucoup, nous observons avec incrédulité l’inertie en termes de recherche de traitements préventifs et curatifs, dont certains sont validés et largement utilisés dans d’autres pays. Malade, on nous a gentiment dit de rester chez nous, de ne surtout consulter personne, de prendre du Doliprane et d’aller à l’hôpital si on se sentait très mal. Nous pouvons vous assurer que pour des soignants ayant la vocation d’accompagner des personnes, c’est révoltant. Nous avons, de plus, réussi à faire face au virus en prenant des mesures drastiques mais efficaces.
Les dernières informations sur les effets secondaires et l’inefficacité du vaccin contre le variant delta permet de considérer qu’il s’agit d’un vaccin expérimental dont les conséquences à long terme sont totalement inconnues. Un vaccin de facture classique, qui présente bien sûr des effets secondaires possibles non négligeables, est néanmoins un type de vaccin sur lequel nous avons du recul. Cette option aurait semblé plus raisonnable, bien que discutable, mais en tout cas acceptable. Cette pression soudaine sur les travailleurs en contact avec les personnes vulnérables nous empêche d’opter pour l’option avec laquelle nous serions éthiquement plus en accord. En tant que soignants, nous ne voulons pas être des cobayes. Nous aimons notre métier, mais méritons le respect. Et l’État n’a pas su gagner notre confiance par manque d’arguments valides.
Pour finir, un discours basé sur la peur a martelé cette crise, la peur de la maladie et de la mort. Mais nous côtoyons la mort tous les jours, alors peut-être sommes-nous plus sereins concernant la mort et, de ce fait, plus à même de faire la part des choses et de répondre avec moins de panique aux menaces liées au Covid.
Le dernier argument récurrent est la fameuse immunité collective : oui, pourquoi pas…si le vaccin était fiable et ne présentait aucun risque à long terme, ce que nous ignorons parfaitement, mais que penser d’une immunité contre un virus qui, par nature, mute sans cesse ? L’immunité naturelle conférée par les contaminations de faible gravité pourrait-elle être une piste plus saine ? Par ailleurs, on ne peut comparer ces "vaccins" à ARN messagers à un vaccin antitétanique par exemple, c’est totalement différent.
Le fait est que les instances médicales qui régissent notre pays sont opaques et ne répondent jamais aux simples questions des citoyens. En effet, nos interrogations restent vaines et les répliques sont toujours les mêmes : vous êtes des anti-vax, des complotistes ou des irresponsables.
- Comment vos collègues ont-ils réagi ?
L'annonce de la vaccination obligatoire a généré un véritable vent de panique. Le gouvernement utilise la discipline médicale de manière détournée comme un moyen de nous soumettre par un chantage à l'emploi. Des sentiments de colère, d'injustice, de désespoir et de résignation ont émergé. Cette obligation est perçue comme une atteinte grave aux libertés fondamentales et individuelles : se vacciner pour avoir encore le droit de travailler pour vivre.
Chacun a réagi en fonction de sa sensibilité, de sa vision de la situation et de sa situation personnelle. Certains ne veulent pas le faire, mais n’ont pas le choix pour des raisons financières (enfants à charge, crédit, etc.). Certains, affectés par des pathologies lourdes, ne souhaitent pas introduire dans leur corps un produit inconnu et acceptent dans la crainte. Pour d’autres, l’éthique est plus forte et la décision est la démission : nous perdons alors des professionnels de grande qualité, expérimentés et toute la structure en est fragilisée. Par ailleurs, nous sommes, en plus, touchés par toutes les mesures répressives appliquées à tous les Français ; il est alors difficile de ne pas céder au découragement.
- Quelles pourraient être les conséquences de vos choix ? Comment voyez-vous la suite des événements ?
Aujourd’hui, c’est simple. Si nous refusons de nous faire vacciner, nous perdons notre emploi à compter du 15 septembre et en plus nous ne pouvons plus exercer notre profession, en ce qui concerne les soignants, donc c’est tout un projet de vie qui est bouleversé, en plus des problèmes divers que la perte d’emploi engendrera.
Tout le monde sait que les soignants sont sujets au burn-out, et certains parmi nous sont passés par là, travailler dans le soin aujourd’hui nous coûte bien cher en ce qui concerne notre santé. La colère est là, un sentiment profond d’injustice après tous les efforts mis en place pour répondre à de nombreuses injonctions parfois inhumaines de l’ARS (je vous rappelle que nous avons reçu un formulaire instituant une discrimination entre résidents vaccinés et non vaccinés, circulaire qui a provoqué un tollé général), pour protéger les résidents de l’impact psychologique majeur causé par la fermeture des EHPAD.
Pour nous, il ne s’agit pas seulement de garder les gens en vie, mais de respecter leurs désirs et leur humanité, comment pensez-vous que nous nous sentions quand nous devions dire à des résidents que s’ils voulaient voir leur famille, ils devraient rester confinés (donc enfermés, les mots sont importants) dans leur chambre pendant une semaine après leur visite s’ils n’étaient pas vaccinés ? Sommes-nous des geôliers ? Oublions-nous que ces personnes âgées sont des adultes qui, au crépuscule de leur vie, se voient privés des leurs ?! Nous avons tenu bon pour que l’épidémie ne fasse pas de victimes grâce au respect strict des gestes barrières, à la responsabilité de chacun, aux innombrables tests effectués parfois plusieurs fois par semaine.
Enfin, nous tenons à préciser que nous sommes mis sous pression par un décret en contradiction avec des lois du code pénal, ce qui est quand-même extraordinaire ! Très honnêtement, nous observons cette dystopie en direct en essayant de garder l’espoir qu’un jour ou l’autre la raison reprendra le dessus. Alors, ce témoignage est un grain de sable pour nous élever à nouveau vers elle, mais aussi pour laisser une trace d’un épisode peu glorieux de notre histoire.
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