Arrêtons le martyr des Ukrainiens : l’urgence d’une conférence pour la paix en Europe

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Pierre-Antoine Pontoizeau, pour FranceSoir
Publié le 03 septembre 2022 - 10:45
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Ukraine
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"Sans consultation du Parlement, le président Macron devient très personnellement, jour après jour, co-responsable du martyr des Ukrainiens"
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TRIBUNE - Il y a des esprits va-t-en-guerre qui veulent encore la guerre par haine, vengeance, pour faire rendre gorge à l’ennemi. Seulement, depuis 1990, le peuple ukrainien vit une descente aux enfers, un véritable martyr qui s’accélère sous les effets d’une guerre que les puissances occidentales encouragent, en toute inhumanité.

Je me contrefiche de savoir si Poutine est un féodal ou si Zelensky est un sinistre manipulateur, à mon avis les deux. Je me contrefiche de savoir si l’Empire russe en profite ou si l’OTAN et les Etats-Unis rêvent de mettre à genou l’ours russe. Ce débat est sordide et irresponsable, voire inhumain. La seule réalité, c’est la descente aux enfers d’un peuple qu’il faut arrêter pour que le développement, la coopération et la paix retrouvent naturellement leur droit.

Les enfants martyrs de l’Ukraine contemporaine

L’indice de concrétisation des droits de l'enfant, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant dont l’Ukraine est signataire, est très moyenne, même avant la guerre. Les ONG, dont Humanium, signalent une situation très difficile. Quelques points.

Ils sont les premières victimes de la pauvreté qui touche près de 35 % de la population. Le taux de mortalité infantile est un des plus élevés de la région. La transmission du SIDA des mères à leurs enfants est toujours bien présente et n’a pas diminué. La violence contre les enfants est très préoccupante. Des mineurs sont par exemple victimes des services de police : violence physique, tortures. Cela n’a rien à voir avec la guerre. Les enfants handicapés sont victimes de discriminations et les ONG dont Humanium soulignent bien les discriminations racistes à l’encontre des enfants des minorités, dont les Roms. Ils sont victimes de violences organisées. Le martyr des enfants tient aussi au fait que 8 à 10% travaillent, voire subissent les traites clandestines : prostitution, esclavage, réseaux pornographiques, etc. Le phénomène des enfants des rues est jugé grave, sans accès aux soins, à l’école, exposés aux maladies, à la drogue et aux trafics. La population enfantine est aussi victime des conséquences de Tchernobyl : malformation, vieillissement prématuré, pneumonie. Et cette situation s’aggrave avec la guerre. L’enfant ukrainien est déjà martyr dans de nombreux cas et cette guerre en accroit les effets délétères.

La misère et la pauvreté d’un peuple martyrisé au quotidien

La population est de plus en plus pauvre. LE PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) alerte sur l’extrême pauvreté qui est en train de dévaster l’Ukraine. Déjà, 35% de la population était dans la misère avant la guerre. Un des pays les plus pauvres de la région. Le PNUD craint qu’une guerre de plusieurs trimestres entraine jusqu’à 90% de la population ukrainienne dans l’extrême pauvreté. Un cauchemar. L’estimation aujourd’hui est de plus de 60%. Toute l’Ukraine bascule dans la misère, dit le PNUD.

L’analyse vient des organismes ukrainiens eux-mêmes. L’Institut de démographie annonce un taux de pauvreté de 50% en ce moment même. C’est Ella Libanova, directrice qui décrit cette tendance. De même, la Commissaire aux droits de l’homme de l’Ukraine, Lyudmila Denisova, annonçait qu’un quart des Ukrainiens sont en état de misère. Et la guerre précipite le mouvement avec pour cet hiver un risque alimentaire, de manque d’énergie et une mortalité liée à la malnutrition et au froid. Une tragédie se dessine.  

L’émigration massive, la fuite de l’enfer ukrainien

Toute la presse, de toutes les obédiences, de La Croix à Lutte Ouvrière, du Monde au Figaro en France, partage le constat terrible d’un pays qui a perdu un quart de sa population en trente ans. Et la guerre accroit ce phénomène de dépopulation. Des 41 millions annoncés avant la guerre, le pays compterait moins de 37 millions d’habitants. Ils étaient 51 millions au moment de l’indépendance. Cet effondrement est donc imputable aux politiques ukrainiennes pour une immense partie, et au fait de la guerre depuis six mois. Seulement de nombreuses décisions politiques ont accéléré cette émigration massive. Quelques exemples.

Lutte Ouvrière note bien le chômage de masse, la désindustrialisation massive, la recherche d’un travail en Pologne, en Russie ou en Europe de l’Ouest. Zelensky déclarait que 10 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté, occasionnant cette émigration économique. Le parti vient de ratifier le 17 août la loi 5371 supprimant des droits des travailleurs dans les entreprises de moins de 250 salariés : suppression des conventions collectives entre autres. On oublie de dire que Zelensky a détruit les restes de la protection des travailleurs de l’époque soviétique au nom du libéralisme. Il a autorisé la cession des terres aux étrangers, réclamée par les puissances étrangères. Qui a dit qu’il y avait des colonisateurs pour s’approprier les terres ? La guerre des terres fertiles a commencé là aussi avec l’exploitation des travailleurs, la confiscation des terres, la spoliation et la perte des revenus de subsistance d’une économie grégaire. L’ONU alerte sur les conséquences de cette dépopulation massive. Le facteur démographique étant déterminant pour le développement économique : investissement, main d’œuvre, consommation, la dépopulation accélère l’effondrement économique, d’où la certitude d’une faillite décrite par tous les observateurs économiques internationaux.

La certitude d’une faillite cataclysmique

Déjà très fragile, la Banque mondiale, le FMI, la Coface, Fitch, Standard & Poors, Moody’s ont tous publié des notes avec des prévisions de faillite à court terme. Le PIB sera divisé par deux à fin 2022, la guerre étant une pure folie destructrice. L’Ukraine vit sous perfusion des aides internationales estimées à environ 85 milliards actuellement. Mais qu’en est-il de la situation économique ? Le financement courant est estimé à 5 milliards par mois que l’économie ukrainienne ne produit plus. Même les économistes locaux, Volodymyr Vakhitov, économiste à la Kyiv School of Economics, explique que l’aide étrangère permet d’éviter la faillite. Le plus délirant, ce sont des pays dont les économies sont elles aussi très endettées et où une part croissante de la population bascule dans la pauvreté qui vient supporter un État ukrainien dévasté. Les Etats-Unis donnent 43 milliards, la France aurait donné 2 milliards, etc. La géopoliticienne Ana Pouvreau abonde en ce sens dans La Croix : « La guerre a actuellement pour effet d’amplifier le fléau de la corruption en Ukraine car elle a contribué à renforcer les réseaux criminels et l’économie grise et à déstabiliser les structures de lutte contre la criminalité. » À quoi jouons-nous, si ce n’est à engendrer de la misère en Ukraine et bientôt chez nous ?

Les institutions financières décrivent un pays ruiné, sans activité, incapable de produire les recettes fiscales indispensables, parasité par une corruption massive et endémique qui date de bien avant la guerre. La dette extérieure explose, atteignant 130 milliards. L’inflation sera de 20 % a minima sur l’année de guerre, insoutenable pour les populations. Les notes de ces organismes financiers mentionnent par exemple un environnement des affaires sous l’emprise de la corruption incluant le système judiciaire, des monopoles oligarchiques néfastes, des services publics inopérants. Et la guerre accroit le pouvoir de ces corrupteurs dans un État encore moins organisé. Aujourd’hui, les détenteurs d’obligations ukrainiennes reportent le paiement des intérêts de la dette. Mais pour combien de temps ? Car les notes économiques soulignent qu’il n’y a aucun espoir, surtout si la guerre dure. Le pays est donc objectivement en faillite. Chaque mois de guerre est un désastre humain et économique. Ce sont là les analyses conjointes des trois institutions : Moody’s, Fitch et Standard & Poors. 

Un parti politique gouvernemental en perdition, avant même la guerre

On oublie trop d’analyser les « trahisons » successives du gouvernement Zelensky, entre ses promesses électorales et la réalité des décisions qui ont provoqué une érosion massive de la confiance des Ukrainiens. La guerre est alors une fuite en avant cynique dont il n’est pas impossible d’imaginer qu’elle serve, à très court terme, les ambitions politiques d’un parti très largement rejeté dans l’opinion. Alors qu’il s’était engagé à lutter contre la corruption, rien n’a été fait. L’agence internationale Transparency International, spécialiste de la corruption, classe en 2021 l'Ukraine au 122e rang sur 180 pays, avec 32 points sur une échelle de 0 à 100. Notons que le 0 indique que la corruption remplace le gouvernement de droit. Avec 32, le score est éloquent. Guerre ou pas guerre, le pays est martyrisé par quelques dizaines de familles oligarchiques qui vampirisent toute l’économie à leur profit. Et ce n’est pas parce que la Russie est aussi mal classée que le sujet n’existe pas.

L’urgence d’une conférence internationale pour la paix en Europe

Il faut arrêter la guerre, car le peuple ukrainien et ses enfants vivent un martyr depuis trente ans qui ne fait que s’accentuer. Il est du devoir des hommes de paix d’exiger l’arrêt de la guerre, et Zelensky en a le pouvoir avec l’aide des pays européens. Sauf à être dans cette surenchère de haine, dans cette folie destructrice contre les Russes, nous devons tous demander la paix. Et il appartient aux populations de décider librement d’être russophones ou ukrainophones, d’être russes ou ukrainiennes, polonaises ou hongroises même. Ce sont les peuples qui sont libres, pas des représentants qui prétendent imposer leur vue. Que les nationalistes ukrainiens, d’ailleurs minoritaires dans le pays, acceptent le verdict de la liberté des urnes pour savoir si la nation ukrainienne est une fiction ou une réalité vécue et souhaitée par les populations. Nous devons soutenir l’arrêt des combats, demander des référendums d’autodétermination des populations dans leurs Oblasts, sous l’égide des institutions internationales, et en accepter tous loyalement le verdict. Le temps des féodaux qui décident que celui-là est à moi est révolu. Soyons vraiment digne des valeurs occidentales de liberté et de souveraineté des populations. 

Il faut donc soutenir l’appel à la paix de l'administrateur du PNUD, Achim Steiner lorsqu’il dit que : « La guerre en Ukraine entraîne des souffrances humaines inimaginables, avec la perte tragique de vies humaines et le déplacement de millions de personnes. » Et il est indispensable : « Pour éviter d'autres souffrances, de plus amples destructions et un appauvrissement accru, la paix est nécessaire maintenant ». Je partage pour ma part son diagnostic qui vient rendre coupable nos dirigeants qui cachent la situation pour nous enfermer dans une logique de guerre mortifère : « Un déclin économique alarmant, ainsi que les souffrances et les difficultés qu'il entraînera pour une population déjà traumatisée, doivent maintenant être mis en évidence. Il est encore temps de rectifier cette sombre trajectoire ».

Voilà pourquoi je suis en total désaccord avec le président Macron. En outre, notre Parlement a un devoir de paix et de rappel à l’ordre : la Nation française ne veut pas la guerre. Sans consultation du Parlement, le président Macron devient très personnellement, jour après jour, co-responsable du martyr des Ukrainiens, par fanatisme anti-russe, par intérêt économique peut-être, car de sordides manœuvres succéderont à la faillite inéluctable de ce pays où les prédateurs ne manqueront pas de se partager la dépouille. Oui, nos valeurs sont bafouées quand on promeut et entretient ici la guerre en Europe. Ce cynisme est indigne, et malheureusement, beaucoup de nos contemporains en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie ne sont pas dupes de cette déshérence morale de l’Occident et de la France, qui explique aussi le rejet actuel des pays africains au passage. Oui, nos dirigeants deviennent les bourreaux de l’Ukraine en perpétuant une guerre absurde dont les responsables sont là : des dirigeants occidentaux, les oligarchies ukrainiennes et les Russes.

 

Essayiste, chercheur et fondateur de l'Institut de Recherches de Philosophie Contemporaine, Pierre-Antoine Pontoizeau a notamment publié des ouvrages sur la théorie de la communication, la théorie des organisations, la théorie du langage politique et la philosophie des mathématiques.

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