Chronique N°93 – "Ne tester que le Covid peut faire croire à la disparition des autres virus respiratoires"

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François Pesty, pour FranceSoir
Publié le 03 mai 2022 - 23:40
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Chronique 93
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Un technicien de laboratoire manipule des échantillons d’écouvillons au service de microbiologie
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CHRONIQUE — Au détour de cette chronique, vous prendrez connaissance d’un nouveau scandale d’État à hauteur de près d’un milliard et demi d’euros…

Je vous propose aujourd’hui d’explorer l’univers des tests de Laboratoires d’analyses de biologie médicale (LABM) pratiqués ces derniers mois et dernières années, dans le but de diagnostiquer les maladies infectieuses à virus respiratoires, au travers d’une exploitation de la base de données publique BIOLAM (« OPEN DATA » de l’Assurance maladie : ici). À noter que BIOLAM, qui donne accès aux nombres annuels (depuis 2000) et mensuels (depuis 2013) d’actes remboursés, aux montants remboursés et aux bases de remboursement, pour tous les actes inscrits à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM : ici), concerne les seuls actes de biologie médicale réalisés en ambulatoire par des LABM privés ou lors d’une hospitalisation dans un établissement de santé privé à but lucratif. Le champ de ces données ne couvre donc pas les actes réalisés dans les établissements publics de santé ou dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif que ce soit en hospitalisation ou en consultations externes. Lorsque l’on trace le graphique des nombres de tests annuels réalisés sur les 5 virus respiratoires depuis 2000 et jusqu’à 2021, seul un virus apparaît, le coronavirus 2019. Songez que près de 100 millions de tests auront été pratiqués en 2020 et 2021… En général, lorsque l’on avait contracté le covid, on faisait un premier test « positif », puis un second négatif pour être certain d’être guéri ou pour avoir le droit d’aller en boite de nuit, au concert, au cinéma…et dans tous les lieux culturels, sportifs, commerciaux, …, qui nous ont été si souvent interdits, au moins lors de deux premières années de la pandémie. Si l’on divise par deux le total des tests 2020, 2021, à savoir 99 647 166, il y aurait eu (conditionnel) au maximum un peu moins de 50 millions de Françaises et de Français infectés par ce virus. En réalité, beaucoup moins, certaines personnes s’étant faites tester toutes les semaines ou presque… Et, surtout, le taux de positivité des tests n’aura été supérieur à 20% que lors des pics d’incidence au plus fort des vagues (on en compte déjà 6…).

Il faut un grossissement du graphique précédent de 533 x pour entrevoir le second virus respiratoire le plus testé. Il s’agit bien évidemment des virus A et B de la grippe.

Le SARS-COV2, virus de la covid-19, a donc été testé 175 fois plus que le(s) virus A et B de la grippe en 2020 et même 1 312 fois plus en 2021. Pensez-vous que le covid-19 soit plus de mille fois plus meurtrier que ce qu’il est coutumier d’appeler les syndromes grippaux ?

Il faut zoomer, grossir encore par 10 x, pour apercevoir les poursuivants :

- Le virus respiratoire syncytial, responsable de la bronchiolite chez les tout-petits, qui en 22 ans n’a dépassé que 3 fois la barre des 5 000 tests annuels. Plus de 12 000 tests remboursés en 2020, mais moitié moins en 2021, alors qu’on nous a fait tout un plat fin octobre début novembre 2021, et que je ne me souviens pas qu’on nous en ait parlé en 2020. Voir ma chronique N°77 « Le virus respiratoire syncytial s’est invité en pleine pandémie covid-19 : faut-il lutter avec les mêmes armes ? » (ici)

- Les adénovirus longtemps sous la barre des 4 000 tests annuels, ont fait l’objet depuis 2013 d’une augmentation régulière, au moins jusqu’en 2019 (point culminant à un peu plus de 8.000 tests). Ils présentent un pouvoir pathogène qui s’exerce principalement sur l’arbre respiratoire.  Une quarantaine de variétés peuvent infecter l’homme. Ces virus sont responsables de pharyngites, de pneumonie, ainsi que de conjonctivites et représentent 1 à 9% des gastro-entérites infantiles (Source : Wikipédia : ici).

- Les virus Parainfluenza humains (VPI) étaient testés 2 000 à 3 000 fois par an entre 2000 et 2009. Depuis 2010, le nombre annuel de tests est stabilisé entre 1 000 et 1 500. Il se manifeste par des rhinites, laryngites, trachéites. Avec les VRS, ils sont responsables de bronchiolites chez le nourrisson, et peuvent être à l’origine de graves bronchites aiguës et pneumonie chez les personnes âgées et les immunodéprimés (source : Eurofins-Biomnis  ici, et Wikipédia : ici).

Encore faut-il grossir 5 x pour bien appréhender la courbe des tests des VPI

Nous finissons au ras des pâquerettes avec deux virus respiratoires habituellement responsables de rhumes banaux :

- Les coronavirus « Lambda », qui n’étaient quasiment plus testés, et ne le sont plus du tout, en dehors du SARS-COV-2. 38 tests réalisés en 2001, 26 en 2002, 20 en 2003. Puis une longue traversée du désert jusqu’en 2015. Un petit sursaut d’orgueil avec 38, 98, 138, et 192 tests de 2016 à 2019, avant l’explosion du covid-19

- Les rhinovirus, qui, il faut bien le dire, ne sont plus testés que par les chercheurs du réseau Sentinelles, des tests qui ne figurent même pas dans les données de l’assurance maladie. Un pic de 11 tests en 2004, chant du cygne, puisque nous aurons par la suite 15 années à zéro test, dont les 3 dernières, et un seul test pratiqué en 2018. Pauvre France…

Depuis 2013, l’assurance maladie publie aussi les données mensuelles concernant les nombres d’actes de biologie médicale, les bases et montants de remboursement. Sur le graphique ci-dessous couvrant la période de janvier 2020 à février 2022, avec une échelle maximale de 12 000 000 de tests mensuels, seuls les tests du SARS-COV2 sont visibles. Le record a été établi un peu au-dessus des 11 millions en janvier 2022

Il faut un grossissement x 200 pour voir les tests des virus grippaux et du virus respiratoire syncytial. Nous avons eu une épidémie de tests grippaux en mars 2020, presque rien en avril 2021, et une grippette de tests en février 2022…

Nous grossissons encore de x 15 pour mieux discerner l’évolution des tests du VRS, et la paisible évolution à la hausse des tests de recherche des adénovirus.

Là encore, pour mieux observer il est nécessaire de grossir x 5. Au total, par rapport au premier graphique duquel ne sortait que les tests du SARS-COV-2, il aura fallu grossir 15 000 x, pour appréhender l’évolution des nombres de tests mensuels pour chacun des 5 virus respiratoires testés (ou pas). Bien qu’encore inscrit à la nomenclature, le rhinovirus n’a pas été une seule fois testé dans les laboratoires privés d’analyses biologiques médicales, ou de cliniques privées à but lucratif, entre janvier 2020 et février 2022 ! Heureusement, qu’il y a les chercheurs INSERM du réseau Sentinelles qui le testent encore, mais avec parcimonie (Voir plus loin). Sinon personne n’aurait entendu parler d’une épidémie de rhumes causée par les rhinovirus en septembre 2021, avant l’arrivée d’Omicron…

Le tableau ci-dessous donne les nombres d’actes cumulés, la base de remboursement (Ce que cela a coûté à l’Assurance maladie et aux mutuelles), et les coûts unitaires moyens pour les tests pratiqués pour identifier les virus respiratoires chez des personnes infectées prélevées dans les LABM privés et les cliniques privées à but lucratif disposant d’un LABM.

Avec un coût total de près de 6 milliards d’euros comportant les tests et les multiples forfaits administratifs, la facture est salée pour l’assurance maladie. En sachant, qu’il faudrait bien évidemment rajouter les tests et forfaits pratiqués dans les hôpitaux publics…

Nous le soulignions un peu plus haut, heureusement que les près de 1 400 médecins généralistes et pédiatres répartis sur tout le territoire, qui constituent le réseau Sentinelles, coordonné par l’INSERM et Sorbonne Université, exercent une surveillance épidémiologique depuis 1984 (ici). Leurs bulletins épidémiologiques hebdomadaires permettent de suivre l’évolution des diverses épidémies qui se succèdent en France métropolitaine en médecine de ville.

Le graphique ci-dessous exploite les données des 31 dernières semaines, entre le 13 septembre 2021 et le 17 avril 2022. Par exemple, entre le 14 et le 20 mars 2022, plus de deux tiers des patient(e)s vu(e)s en consultation par les médecins du réseau Sentinelles, présentant des symptômes d’infection respiratoire aiguë, étaient testé(e)s positifs aux virus grippaux A et B. La grippe était donc prépondérante sur les autres virus respiratoires, dont le covid. Qui en a parlé ?

Le réseau Sentinelles produit également des cartes avec les taux d’incidence hebdomadaires départementaux, quels que soient les virus respiratoires en cause (covid-19, grippes, ou autres…). L’animation vidéo ci-dessous permet de visualiser en une minute environ les 31 cartes hebdomadaires, et montre à quels points ces virus se déplacent dans le temps et l’espace d’une manière totalement imprévisible.

 

Nous enfermer en mars et novembre 2020, était une bien sotte décision…

Pour terminer, voici très probablement un véritable scandale. Comment tout le monde a pu passer au travers de cette gestion irresponsable de l’argent du contribuable et des assurés sociaux ?

En janvier 2021, un test RT-PCR combinant la recherche du SARS-COV2, à celle des virus A et B de la grippe, faisait son apparition dans la nomenclature NABM (ici). Ce test, donc, non seulement permet de tester la positivité au Covid-19, mais aussi celles des deux principaux virus de la grippe. Un avantage décisif, puisque les virus ont cohabité ensemble, qu’il y a eu des co-infections grippe + covid, et que les symptômes de ces deux maladies sont très similaires. Et que par conséquent, il est vraiment utile de pouvoir distinguer les virus A et B de la Grippe, du covid-19. De surcroit, ce test dont la cotation est à 60 B, la lettre en biologie, et sa base de remboursement de 16,25 €, contre une cotation à 95 B et une base de remboursement de 32,58 € pour l’hégémonique test RT-PCR SARS-COV2 (ici), aurait permis de diviser par plus de deux le coût pour l’assurance maladie et les mutuelles !

Comment est-il possible que le test le plus complet et le moins onéreux ait été près de 1 700 fois moins souvent pratiqué ?

Pour bien comprendre le considérable manque à gagner pour l’assurance maladie, examinons ensemble le tableau ci-dessous, comparant les nombres cumulés d’actes réalisés et les montants cumulés des bases de remboursement correspondantes, les montants unitaires de bases de remboursement, sur la période allant de janvier 2021 à février 2022 inclus pour ces deux tests « concurrents » ou « rivaux » :

Si les 91 844 479 tests réalisés sur la période l’avaient été sur la base du remboursement unitaire de 16,25 €, le coût total pour l’assurance maladie et les mutuelles auraient été de 1 492 472 784 €, soit une économie de 1,5 milliard d’euros.

Après le prix exorbitant du « quoi qu’il en coûte », la France avait bien besoin de ça…

Quelle gabegie !

Ou alors, était-ce un moyen de remercier les biologistes si corvéables et malléables à souhait pendant cette pandémie de tests ?

Encore un scandale d’Etat. Peut-être même que McKinsey était dans le coup. Et, qui dit McKinsey, dit aussi… Emmanuel Macron ????

L’IGAS, ou mieux, la Cour des comptes, devrait se saisir de cette affaire qui sent vraiment la poudre…
 

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