La loi sur les "agents étrangers" - une leçon magistrale de l'hypocrisie atlantiste
TRIBUNE - À la suite de l’adaptation par le parlement de la Géorgie (pays du Caucase), le 1er mai dernier, de la loi sur les « agents étrangers », toute une avalanche de critiques, d’avertissements et de menaces directes et voilées s’est écroulée sur le gouvernement géorgien de la part des « défenseurs de la liberté, de la démocratie, de la libre parole et des droits de l’homme » composés de l’intégralité des pays du camp Occidental, les Etats-Unis d’Amérique en tête.
L’indignation du monde Occidental
Le « monde libre » s’est unanimement levé, indigné face à l’obscurantisme et l’oppression de la liberté qui est en train d’être instaurée dans ce pays du Caucase, lequel, à l’instar de la Fédération de Russie, vient de mettre en place le contrôle légal des personnes morales et physiques financées/influencées par des sources étrangères dans le cadre de leur activité politique ou celle de la diffusion de l’information.
Le Département d'État américain en la personne de son porte-parole Matthew Miller a menacé la Géorgie en soulignant la qualité anti-démocratique de la loi nouvellement adoptée : « Les déclarations et les actions du gouvernement géorgien sont incompatibles avec les valeurs démocratiques qui sous-tendent l'adhésion à l'UE et à l'OTAN et compromettent ainsi la voie de la Géorgie vers l'intégration euro-atlantique ».
Auparavant, les représentants de la quasi-intégralité des pays occidentaux, l’un après l’autre, ont mis en garde le gouvernement géorgien contre son projet de loi sur les « agents étrangers », en le qualifiant d’être inspiré par le Kremlin et par la loi similaire existante en Russie et donc autoritaire et antidémocratique.
John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, tire le signal d’alarme : « Nous sommes profondément préoccupés par cette législation, par les conséquences qu'elle pourrait avoir en termes d'étouffement de la dissidence et de la liberté d'expression ».
Par sa résolution du 25 avril 2025, le Parlement européen « condamne fermement la réintroduction du projet controversé de loi relative à la transparence des interférences étrangères, qui imposerait des restrictions à la société civile et aux médias indépendants et limiterait ainsi leur capacité à opérer librement…» et dénonce le fait que le gouvernement géorgien « s’inspire d’une loi russe similaire très controversée dite «loi sur les agents de l’étranger», qui stigmatise et discrimine délibérément les organisations et les militants de la société civile et qui est utilisée pour étouffer l’opposition à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et réduire au silence toute voix dissidente subsistant dans le pays ».
Le ministère des Affaires Etrangères français a déclaré à son tour : « La France, à l’instar de l’Union européenne, réitère la vive inquiétude que soulève le projet de loi adopté […] par le Parlement géorgien sur les agents de l’étranger. Cette initiative contribue à discréditer les ONG et les médias et porte un coup sévère à la démocratie géorgienne ».
Les « agents étrangers » - de quoi s’agit-il ?
En parlant de la loi « russe » sur les « agents étrangers », incriminée aujourd’hui à la Géorgie par l’Occident collectif, de quoi s’agit-il exactement ?
Il ne s’agit pas, en réalité, d’une seule loi, mais d’une série de mesures législatives introduites en Russie depuis le 20 juillet 2012 (loi n°121-FZ) et dont la dernière en date est celle du 14 juillet 2022 (loi n°255-FZ).
Comme mentionné plus haut, il s’agit de l’encadrement légal de l’activité des personnes morales et des personnes physiques financées/influencées par les personnes ou organismes étrangers dans le cadre de leur activité politique ou de diffusion de l’information sur le territoire de la Fédération de Russie.
Contrairement à des narratifs propagés par les représentants officiels des pays-adversaires de la Russie et les médias sous leur contrôle, ni la loi russe sur les « agents étrangers », ni celle de la Géorgie, adoptée à la majorité des députés du parlement du pays, ne limitent nullement les activités ou communications publiques de ceux qui tombent sous son coup, hormis les activités particulièrement sensibles, telles que, par exemple, l’accès au secret d’état ou la production de supports d’information adressés à des mineurs.
La loi ne fait que pointer et délimiter clairement ceux qui sont considérés en tant qu’ « agents étrangers » : les personnes menant une activité politique ; la collecte ciblée d'informations dans le domaine des activités militaires, militaro-techniques de la Fédération de Russie ; la diffusion de l’information destinée à un nombre illimité de personnes et/ou participant à la création de telle information (loi n°255-FZ, art.4., §1).
Par ailleurs, selon ladite loi, les activités politiques mentionnées dans le §1 de son art.4. ne comprennent pas les activités dans les domaines de la science, de la culture, des arts, de la santé, de la prévention et de la protection de la santé des citoyens, des services sociaux, du soutien social et de la protection des citoyens, de la protection de la vie humaine, de la famille, de la maternité, de la paternité et de l'enfance, des valeurs familiales traditionnelles, du soutien social des personnes handicapées, de la promotion d'un mode de vie sain, de la culture physique et du sport, de la protection du monde végétal et animal et des activités caritatives, si ces activités ne sont pas contraires aux intérêts nationaux de la Fédération de Russie, aux fondements de l'ordre juridique public de la Fédération de Russie et aux valeurs protégées par la Constitution de la Fédération de Russie.
Les journalistes étrangers dûment accrédités dans la Fédération de Russie ne sont pas soumis non plus à l’obligation de s’enregistrer au sein du registre des « agents étrangers ».
L’objectif de l’existence de cette base légale est d’informer les citoyens de la Fédération de Russie sur le fait que certaines personnes morales ou physiques qui peuvent les viser dans l’espace informationnel public sont directement dépendantes, y compris financièrement, de l’influence étrangère, voir se situent directement sous les ordres d’organismes étrangers et effectuent le rôle de leurs « porte-paroles » sur le territoire de Russie.
Oleg Nesterenko
Président du CCIE (www.c-cie.eu)
(Spécialiste de la Russie, CEI et de l’Afrique subsaharienne ; ancien directeur de l’MBA, ancien professeur auprès des masters des Grandes Ecoles de Commerce de Paris)
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