Macron et les institutions : après lui, le déluge !
TRIBUNE — Voilà un homme qui a le sens des responsabilités !
S'il est réélu, à la faveur du contexte international et d'une campagne éclair lui permettant d'échapper à toute analyse de son bilan (à l'exception, non négligeable, de l'affaire McKinsey), et si dans cette hypothèse — comme cela est probable, nos compatriotes ayant assimilé la logique de la Vᵉ République — il obtient le concours d'une majorité de députés à l'Assemblée nationale, voilà un homme qui aura bénéficié pendant dix ans des institutions léguées au pays par le général de Gaulle, au premier rang desquelles se trouve de manière irréfragable le scrutin majoritaire.
Certes, les institutions ne sont pas une fin en soi. Mais elles sont le moyen, et le moyen privilégié, d'assurer un gouvernement ordonné du pays. Et, surtout, elles ne sont plus une excuse à l'incapacité du pouvoir à assumer les choix décisifs qui engagent l'avenir de la nation.
À titre d'exemple, si le régime des retraites n'a pas fait l'objet d'une réforme au cours du quinquennat qui s'achève, la faute n'en revient certainement pas aux institutions — lesquelles permettaient même le recours à la décision souveraine du peuple français, par un référendum de l'article 11 de la Constitution — la faute est imputable à M. Macron, et à lui seul, qui n'a su ni convaincre le pays des vertus de son projet, ni moins encore en appeler à la décision du peuple.
Ayant bénéficié des atouts incontestables des institutions de la Ve République, M. Macron s'apprête donc, s'il est reconduit dans son mandat, à engager, par le biais d'une "Commission transpartisane", "une réforme constitutionnelle qui consacre le rôle de l'exécutif, qui renforce le Parlement et qui représente mieux". C'est du moins ce qu'il a déclaré à Pau où, invité du maire de la cité, apôtre s'il en est de la représentation proportionnelle, il a aussi indiqué : "Je suis plutôt favorable à la proportionnelle", ajoutant : "À titre personnel, je ne suis pas pour la doser, mais pour la vraie proportionnelle".
À l'évidence, cet homme n'a pas beaucoup de convictions. En 2017, il se prononçait pour l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives. En mai 2019, il disait vouloir "rendre le Parlement plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées". Et, en 2022, il se fait le chantre de la représentation proportionnelle intégrale.
Et comme il ne doute de rien et surtout pas de lui, ce week-end à Paris, il appelait les gaullistes à le rejoindre. À toutes les époques, on a vu des femmes et des hommes politiques échanger leurs opinions pour un plat de lentilles. Déjà, certains ont franchi le Rubicon, fatigués d'attendre un hypothétique retour de leur parti au pouvoir.
Désormais, les choses sont claires.
En se prononçant pour la représentation proportionnelle intégrale, c'est un changement de régime qui se profile à l'horizon.
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Avec le scrutin majoritaire, ce sont les Français qui choisissent leurs députés. Avec la proportionnelle, ce sont les partis qui arrêtent les listes de candidats. Avec le scrutin majoritaire, ce sont les Français qui déterminent la majorité de l'Assemblée nationale. Avec la proportionnelle, au lendemain des élections, parce qu'aucune majorité ne se dégage des urnes, ce sont d'âpres et longues discussions entre les partis politiques pour composer une majorité de gouvernement.
On peut préférer la IVe République, avec ses gouvernements qui ne duraient que quelques mois, voire quelques semaines, à la stabilité et à la continuité du pouvoir sous la Vᵉ République. Mais alors, on ne se réclame pas du gaullisme. Car, même si, hélas, le scrutin majoritaire n'est pas inscrit dans la Constitution, il est une pièce maîtresse de l'édifice institutionnel voulu par le général de Gaulle.
Après avoir bénéficié des institutions de la Ve République, M. Macron entend les détruire avant de quitter la scène. Aucun changement de régime ne saurait intervenir sans la décision du peuple français. Ce n'est pas à une "Commission transpartisane", ni même au Parlement, de décider du sort des institutions de la Ve République. C'est le peuple français qui doit être appelé par référendum à exprimer la souveraineté nationale. Et, à ce jour, alors même que nous sommes dans une campagne électorale de la plus haute importance, aucune voix ne s'est élevée pour combattre le projet du Président-candidat.
Alain Tranchant est le président-fondateur de l'Association pour un référendum sur la loi électorale.
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