1958-2022 : rebâtir la République pour refaire la France | l'avis Tranchant d'Alain

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Alain Tranchant pour FranceSoir
Publié le 22 février 2021 - 13:23
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1958-2022 : rebâtir la République pour refaire la France
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Nous sommes en 1957 ! En cet hiver 2021, la situation de la France présente beaucoup d'analogies avec cette année qui a précédé le grand basculement de 1958 : notre pays est confronté à une guerre d'un genre nouveau, sans calendrier précis, ni théâtre d'opérations bien défini, je veux parler du terrorisme islamiste ; nos finances publiques, déjà très dégradées avant la crise sanitaire, le sont plus encore aujourd'hui, l'endettement de la France s'étant alourdi de plus de 200 milliards d'euros en 2020 ; la paix civile est menacée par une insécurité grandissante, tandis que d'aucuns évoquent même la perspective d'une guerre civile ; les institutions sont contestées, la Vème République ayant cessé de fonctionner dans l'esprit qui animait ses fondateurs.

 

En novembre 1967, dans une conférence de presse, le général de Gaulle formait un voeu : "Un jour viendra, sans doute, où notre Constitution, avec tout ce qu'elle implique, sera devenue comme notre seconde nature". Mais la Vème République implique le septennat, et la durée du mandat présidentiel a été ramenée à cinq ans. Mais la Vème République implique le référendum, conçu comme une question de confiance posée au peuple par le président de la République, et il est à l'évidence tombé en désuétude. Mais la Vème République implique le scrutin majoritaire pour l'élection des députés, et il est envisagé d'y porter atteinte, ou bien par "un truquage", une partie de l'Assemblée nationale étant élue à la proportionnelle, ou bien par un recours à la représentation proportionnelle intégrale.

 

Vingt ans plus tard, le 27 mai 1987, répondant aux questions d'Eric Zemmour pour "Le Quotidien de Paris", Michel Debré exprimait avec force son opposition au quinquennat et au retour à la proportionnelle. "L'idée d'un long mandat, c'est de donner des chances à un homme issu d'un parti de s'élever au niveau de la fonction (...). Le quinquennat est un obstacle mis à la capacité d'un homme de parti de devenir l'homme de la France". Il ajoutait : "Quant au retour à la proportionnelle, qui est de nouveau en discussion, et ce quelles que soient les astuces dont on l'entoure, il provoquera inévitablement le retour au régime des partis". Et Michel Debré concluait : "L'avantage des institutions de la Vème République est de permettre le gouvernement de la France dans la stabilité et la cohérence".

 

Après 150 années de bouleversement incessant de nos institutions, le général de Gaulle a voulu établir "une vraie démocratie fondée sur le sentiment et la volonté du peuple, et non pas sur des combinaisons partisanes et parlementaires" (déclaration du 22 mai 1949). 

 

De manière tout à fait paradoxale, la chance de la France en 2022 résidera dans ce fait majeur que la situation du pays ne se prêtera pas aux discours habituels, aux promesses en tous genres qui, parce qu'elles sont intenables, engendrent un déficit de confiance dix-huit mois seulement après l'arrivée au pouvoir d'un nouveau Président. C'est encore de Gaulle qui le disait au temps du Rassemblement du peuple français : "Les programmes sont devenus des prospectus. Nous avons des objectifs".

 

"Un acte du peuple, c'est-à-dire simple et portant loin", pour rétablir la Vème République

Comme en 1958, il s'agira bel et bien de refaire la France, son Etat, son économie, ses finances, de remettre de l'ordre dans ses budgets, dans son administration, d'établir des priorités dans les dépenses publiques, en particulier pour la santé et les hôpitaux, d'assurer le financement de la protection sociale, notamment des retraites, de rétablir l'ordre dans le pays, partout où la sécurité de la population n'est plus assurée. Slogan de la campagne du Général en 1965, "Le progrès, l'indépendance, la paix", voilà un projet pour 2022 ! Et il ne fait aucun doute que pour redresser le pays, il faudra du temps, et il faudra la confiance et le soutien du peuple français tout entier.

 

Et, comme en 1958, ce choc de confiance doit passer par "un acte du peuple, c'est-à-dire simple et portant loin", autrement dit par un référendum. Parce qu'il enlève le monopole de la décision aux professionnels de la politique, cet appel solennel au peuple est seul de nature à permettre d'aller vers un renouveau politique, vers une réhabilitation de la politique aux yeux de nos compatriotes.

 

En 1958, il s'agissait d'établir une nouvelle République. En 2022, il doit s'agir de rétablir la Vème République. Si le cadre institutionnel est globalement resté le même, il n'en demeure pas moins que par des changements apportés au texte de 1958 ou par une pratique différente des institutions, liée en particulier au quinquennat, la République a progressivement changé de visage. Il faut donc revenir aux sources et retrouver l'esprit des constituants de 1958.

 

Pour un septennat non renouvelable

En premier lieu, il convient de rétablir le septennat pour doter le pouvoir de la durée indispensable au redressement du pays. C'est parce que "le chef de l'Etat répond de l'intérêt supérieur et permanent de la France, de la stabilité des institutions, de la continuité dans la conduite des affaires publiques", que "sa fonction et son action sont à grande portée et dépassent la conjoncture", qu'il doit être élu pour sept ans. Et, pour que la République soit gouvernée pendant sept ans, du premier au dernier jour, sans autre souci que celui de l'intérêt national, le mandat du chef de l'Etat ne doit pas être renouvelable.

 

C'était, déjà, l'idée de Michel Debré en 1958. Mais, parce qu'il s'agissait du général de Gaulle, de l'homme du 18 juin, du libérateur de la patrie, il était difficile de lui interdire de solliciter un second mandat. Michel Debré le dira dans "Le Quotidien de Paris" en 1987 : "Je suis favorable à un mandat de sept ans non renouvelable". Et il s'en était aussi expliqué dans une interview au journal "Le Monde", le 27 septembre1980 : "J'aurais été partisan du non-renouvellement du septennat. Mais le général de Gaulle était en cause et j'ai considéré qu'il n'était pas convenable, pour le général de Gaulle, pour la France du général de Gaulle, de prévoir cette disposition".

 

Retrouver la pratique du référendum

Assurer le pouvoir de la durée est une chose, s'assurer de la légitimité du pouvoir en est autre. Le mandat de sept ans ne saurait être un chèque en blanc donné par le peuple français au président de la République. Au-delà des élections législatives qui interviennent de façon mécanique au cours du septennat, il convient de redonner vie au référendum, tel qu'il a été conçu par les fondateurs de la Vème République, c'est-à-dire comme une question de confiance posée par le président de la République au peuple français qui l'a élu. François Goguel, Secrétaire général du Sénat, puis membre du Conseil constitutionnel, en avait émis l'idée : l'article 11 de la Constitution doit être modifié afin que le chef de l'Etat, sans avoir à proposer au pays l'approbation d'un projet de loi entrant dans le champ d'application de cet article, puisse tout simplement demander aux Françaises et aux Français s'ils lui maintiennent, ou non, leur confiance, une réponse négative entraînant évidemment la démission du Président.

 

Bien sûr, cette pratique du référendum ne peut jouer que dans une situation où le chef de l'Etat, confronté à un contexte politique ou social difficile, éprouve le besoin d'en référer au peuple souverain et de remettre son mandat à sa disposition. Gageons que cela vaut mieux que des manifestations de rue sans fin. "Rien n'est plus nécessaire qu'une réforme profonde des institutions (...) associant le peuple à ses propres affaires, en lui donnant, dans les cas graves, par le référendum ou la dissolution de l'Assemblée nationale, le moyen d'exprimer sa volonté et son verdict" (Charles de Gaulle, 8 octobre 1952). C'est dire aussi que de grandes réformes, qui intéressent tous les Français -par exemple, la réforme des retraites- devraient être adoptées par référendum.

 

Inscrire le scrutin majoritaire dans la Constitution

Autre modification de la Constitution : elle concerne "la loi électorale, clé de la démocratie". Parce que le mode d'élection de l'Assemblée nationale ne doit plus être à la merci des manipulations d'un pouvoir en difficulté, ou en fin de règne, et pour que le mode de scrutin continue à permettre un gouvernement ordonné du pays par l'élection d'une majorité parlementaire stable et cohérente, le moment est venu d'inscrire le scrutin majoritaire dans la Constitution. Alors que je l'avais interrogé à ce sujet dans le cadre de la campagne pour les élections législatives de 1986 (organisées par M. Mitterrand à la représentation proportionnelle intégrale), Olivier Guichard, ancien chef de Cabinet du général de Gaulle, m'avait écrit le 5 mars 1986 : "Je pense, en effet, que nous devrions inscrire le scrutin majoritaire dans la Constitution. Le général de Gaulle avait refusé de le faire, mais c'était de sa part un respect de l'Assemblée qui était mal venu".

 

Fusionner le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental

Enfin, il convient de moderniser nos institutions en parachevant l'oeuvre du général de Gaulle sur un sujet majeur : l'organisation du Parlement. Au contraire de ce qui est souvent dit, et écrit, la Constitution du 4 octobre 1958 est le fruit d'un compromis. Pour de Gaulle, la seconde Assemblée devait permettre la représentation des organisations économiques, syndicales, sociales. Mais cette idée d'un Sénat, représentant à la fois les collectivités territoriales et les grands courants de la vie de la nation, n'a pas emporté l'adhésion des anciens présidents du Conseil de la IVème République, qui étaient membres du gouvernement du général de Gaulle à son retour au pouvoir en mai 1958. Le Sénat, retrouvant son nom, et le Conseil économique et social ont donc été maintenus. En 1969, le général de Gaulle a proposé aux Français la fusion des deux Assemblées, afin d'en faire l'instance suprême de la société de participation qu'il entendait promouvoir. La réponse négative des Français au référendum du 27 avril a entraîné, outre son départ du pouvoir, le statu quo institutionnel.

 

Dans "Une certaine idée de la France", livre d'entretiens avec Alain Duhamel paru en 1972, Michel Debré déclarait : "Si l'on veut, de nos jours, amener aux portes du pouvoir les nouveaux notables, il faut y amener les dirigeants d'entreprises, les chefs des organisations syndicales, les responsables des organismes les plus importants de notre vie sociale". Et il exprimait sa conviction "qu'une fusion permettant, au surplus, de bonnes réformes est, certainement, dans la nature des choses". Il concluait : "C'est un des points sur lesquels je regrette le plus l'insuffisante modernisation de nos institutions". Un demi-siècle s'est écoulé. Là encore, le moment est venu de reprendre ce projet novateur pour la République. Faut-il rappeler que, faute de ce Sénat nouveau, au moment de la réforme des retraites, le gouvernement a été contraint, il y a un an et demi, de mettre en place un comité ad hoc, chargé de l'évaluation des conséquences financières de sa réforme ?

 

Rebâtir la République pour refaire la France. Voilà un grand projet ! Voilà un vrai sujet de référendum ! Voilà une belle question de confiance engageant le peuple français ! Bien mièvre apparaît, par comparaison, le référendum "vert" annoncé aux Français. Déjà, depuis des mois, les Françaises et les Français se rendent bien compte que, derrière les décisions du pouvoir, pesées au trébuchet, se trouve le souci de la réélection du chef de l'Etat, ce qui n'est assurément pas le gage de décisions prises dans le seul intérêt supérieur de la nation.

 

Un référendum couplé avec le premier tour de l'élection présidentielle

Le but étant fixé, reste le moyen de l'atteindre. Ce référendum de refondation de la République peut être organisé en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle de 2022. Ne serait-ce que pour ne pas convier deux fois les électrices et les électeurs aux urnes. Car, c'est dans les urnes que la volonté du pays doit s'exprimer, et non pas par anticipation ou par procuration, comme on l'a vu dramatiquement aux Etats-Unis d'Amérique. En son temps, après l'échec du processus parlementaire de révision de la Constitution destiné à instaurer le quinquennat, c'était l'idée du président Pompidou pour l'élection présidentielle de 1976. S'il n'était pas décédé avant la fin de son mandat, il envisageait de coupler un référendum sur la durée du mandat présidentiel avec le premier tour de l'élection présidentielle.

 

En un temps qui ne se prêtera certainement pas à la démagogie électorale et aux promesses inconsidérées, sous peine de voir le peuple se lever très vite contre l'élu(e) de 2022 incapable de tenir ses engagements, il y aura là un thème majeur, et qui ne sera pas médiocre, pour un grand débat national et pour l'avenir de la démocratie française. Trop souvent dans le passé, les Françaises et les Français ont émis des votes de rejet plutôt que des votes d'adhésion à des objectifs.

 

L'article 3 de la Constitution de 1958 indique de la manière la plus claire qui soit : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum". C'est un acte de souveraineté majeur qui peut ainsi être proposé au peuple français : reconstruire la République en même temps qu'il élit son Président.

 

Alain Tranchant, ancien Délégué départemental de mouvements gaullistes, Président fondateur de l'Association pour un référendum sur la loi électorale

 

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