Macron : le plébiscite avorté
TRIBUNE - Dans le domaine politique et institutionnel, c'était l'information du week-end, et elle est donnée par Le Journal du Dimanche : "ce n'est pas encore officiel, mais c'est acté", le référendum vert du président de la République n'aura pas lieu. Aucun accord n'étant susceptible d'intervenir entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur un texte adopté en termes identiques, M. Macron préférerait renoncer à en référer au peuple français.
Sur la forme, il est surprenant et pour tout dire pas très convenable que les Françaises et les Français apprennent la nouvelle par une interview du rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Anglade, parue dans l'hebdomadaire dominical ("En l'état, les conditions du référendum ne sont pas réunies"), et non par le président de la République lui-même. Car, sans faire offense à M. Anglade, ce n'est pas lui qui avait annoncé ce recours au peuple en décembre 2020, à la suite des travaux de la convention citoyenne sur le climat, venus opportunément occuper le terrain politique après l'épisode des Gilets jaunes. Le président de la République aurait voulu démontrer qu'il joue avec les institutions qu'il ne s'y serait pas mieux pris.
Sur le fond, il est désormais très clair que M. Macron était bien à la recherche d'un véritable plébiscite avant le grand rendez-vous de 2022, et non d'un référendum à risque. Si l'opposition, majoritaire au Sénat, avait adopté en l'état le texte voté en première lecture à l'Assemblée nationale afin de "garantir", dans l'article 1 de la Constitution, "la préservation de la biodiversité, de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique", il lui était ensuite évidemment impossible d'appeler à voter "non" lors du référendum.
Bien sûr, le député de La République en marche s'en prend ouvertement à "la droite sénatoriale qui prive le pays d'un débat essentiel". Et, afin que nul ne l'ignore, il cite les coupables : "Si le référendum n'a pas lieu, les seuls responsables sont Gérard Larcher, Bruno Retailleau et la majorité sénatoriale". Dans la majorité parlementaire, un député dit aussi, sous couvert d'anonymat, qu'"une autre voie peut être empruntée : le Congrès", ajoutant toutefois : "Est-ce que le Président le voudra ? Je ne sais pas ..."
Il est vrai que l'article 89 de la Constitution permet une révision de la Constitution, dès lors qu'un texte de loi est voté en termes identiques par les deux assemblées du Parlement, ou bien par un référendum de ratification, ou bien par une approbation du Congrès réuni à Versailles, à la majorité des trois cinquièmes. Mais je suis prêt à parier avec ce député inconnu que le président de la République ne prendra certainement pas le risque d'un camouflet, infligé par le Parlement, dans les sept ou huit mois qui précèdent l'élection présidentielle.
Et, si j'ai utilisé le conditionnel au début de ce texte à propos de la renonciation de M. Macron à en appeler au peuple français, c'est parce qu'un vrai référendum - sans connotation plébiscitaire - demeure juridiquement possible. Quand M. Anglade explique au JDD : "Nous voulons toujours offrir la possibilité aux Français de trancher la proposition des membres de la convention citoyenne sur le climat d'inscrire la lutte pour le climat dans la Constitution", je lui réponds : "Chiche !" Il suffît au président de la République de recourir à l'article 11 de la Constitution, qui permet le référendum direct pour la révision de la Constitution, sans examen préalable du texte de loi référendaire par le Parlement.
Mais M. Macron sait très bien que s'il consultait le peuple français par référendum, à l'automne prochain par exemple, et s'il engageait sa responsabilité devant le pays -suivant le haut exemple du général de Gaulle- son mandat risquerait fort de s'achever avant le terme de 2022, et sa candidature à un second mandat serait totalement ruinée.
Quoi qu'il en soit, le président de la République ne sortira pas grandi de cette séquence. Dans la campagne pour les élections régionales, M. Macron joue avec les hommes et laisse faire le sale boulot à un Premier ministre manifestement à l'aise pour régler leur compte à ses anciens amis politiques. Dans la lutte contre le dérèglement climatique, M. Macron joue avec les institutions. Dans un cas comme dans l'autre, le chef de l'Etat se perd dans des actions qui ne sont pas dignes de la fonction présidentielle.
Alain Tranchant est président fondateur de l'Association pour un référendum sur la loi électorale
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