De la mort du débat à la désignation du mal
TRIBUNE — La désignation du mal est aisée et donne toujours le meilleur rôle et la meilleure posture à celui qui s'y livre. Dans le cas de la guerre qui oppose l'Ukraine et la Russie, il est élémentaire et facile de désigner l'agresseur et l'agressé. Or, une fois qu'on a fait ce constat en s'y limitant, en le déclinant à l'infini, en s'acharnant sur l'agresseur et le pays qu'il représente ainsi que sur sa population, on ne dit strictement rien et on ne fait qu'alimenter une parole vide, dans une inflation du langage qui n'apporte aucun éclairage sur la situation.
Qui contestera que Poutine soit un homme brutal, sans aucun état d'âme, capable d'envoyer des milliers de soldats au front en s'en servant comme chair à canon ?
Qui contestera que son régime soit plus qu'autoritaire, que les libertés fondamentales ne sont pas respectées et que le niveau de vie des Russes est indigne ?
Quel esprit malsain contestera que l’armée russe commette des crimes de guerre condamnables, en visant délibérément des civils comme stratégie de la terreur ?
Dans un petit texte récemment publié sur mon compte Facebook, ce samedi 30 juillet, j’évoquais la décadence et le déclin de l'Occident, que seuls les adeptes de la cécité volontaire ne veulent pas voir. Voici l’intégralité de mon propos :
« La guerre en Ukraine n’est pas une guerre contre la démocratie. C’est une guerre bien plus profonde contre l’arrogante hégémonie de l’Occident qui prétend imposer ses valeurs au monde entier au nom d’une démocratie décadente en déclin moral et éthique.
La géopolitique mondiale ne sera jamais plus comme avant le 24 février 2022.
Ce conflit marque la fin d'une époque, voire même d'une ère.
Il oppose deux visions du monde qui s'affrontent : l'Occident des droits de l'homme dévoyés en droits humains à géométrie culturelle et idéologique variable et deux anciens Empires, la Russie et la Chine, qui tentent de reconstituer leur glacis et leur sphère d'influence en rétablissant la force au détriment du droit, en profitant du déclin et des faiblesses de l'Occident.
Rappel difficile et douloureux pour cet Empire du Bien, éternel donneur de leçons morales, qui ne sait mener ses guerres que contre des adversaires affaiblis, sans prendre beaucoup de risques, mais qui est incapable de faire une vraie guerre (qu'il prétend ne pas vouloir faire) en la faisant toutefois lâchement sur le dos des Ukrainiens qu'ils prétendent vouloir défendre et sauver. »
Or, cette décadence que j’évoque commence par la dégradation de la langue et l'impossibilité d'engager un débat dialectique, contradictoire, intelligent et respectueux.
Nous en avons fait l'expérience pendant ces deux années de Covid, où le discours dominant et la doxa officielle dominaient en disqualifiant systématiquement tout individu osant penser différemment, ainsi que je le rappelais déjà dès le début de la guerre en Ukraine, soit le 9 mars 2022.
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Le journaliste Jean Quatremer, spécialisé dans les questions européennes, travaillant notamment pour le quotidien français Libération depuis 1984 et résidant à Bruxelles depuis longtemps, n’a pas apprécié mes prises de positions relatives au conflit en Ukraine. Soit.
Sur Twitter, il affiche sur son compte une photo où l’on voit en miroir le chancelier Adolf Hitler et le président russe Vladimir Poutine. C’est son droit, bien entendu. Mais c’est aussi le mien de lui répondre que cette comparaison ne tient pas la route un quart de seconde, pour tout historien sérieux, que les périodes 1940 et 2022 n’ont rien de semblable au plan géopolitique, et que son acharnement russophobe visible quotidiennement sur Twitter confine au ridicule.
Monsieur Quatremer ayant le doigt de la gâchette blocage très nerveux, je fus aussitôt bloqué sur le réseau. Soit, c’est aussi son droit et ça ne m’empêchera pas de dormir.
En revanche, le lendemain, Jean Quatremer publie un commentaire odieux sur le fil de conversation de mon petit texte relatif au conflit en Ukraine, juste avant de me bloquer lâchement à nouveau, mais sur Facebook cette fois. Le voici dans son intégralité :
« Je me suis longtemps demandé comment l’être humain avait pu céder devant l’abjection du fascisme. J’ai ma réponse. Et les Belges ne seront à nouveau pas les derniers des collabos. Bye bye. »
Les Belges ? Il y a des Belges qui ont collaboré avec les nazis en effet, comme il y a des Français, mais les Belges ? Curieuse formulation visant une population, et très limite au regard des lois contre le racisme. Monsieur Quatremer, grand castor pourfendeur de l’extrême droite et des fascistes antisémites racistes en tout genre, et grand progressiste affilié à la Macronie, devrait pourtant bien le savoir. Voilà bien un exemple de ce que je dénonce dans mon petit texte : « l'Occident des droits de l'homme dévoyés en droits humains à géométrie culturelle et idéologique variable ».
À ce titre, Monsieur Quatremer pourrait bien être poursuivi pour incitation à la haine raciale envers un groupe ; cette accusation et ce procès d’intention sont en effet très graves et ne peuvent être passés sous silence. Mais les lecteurs belges sont habitués au racisme antibelge de l’auteur, qui ne rate jamais une occasion pour dénigrer et cracher sur ce pays et cette ville, qui pourtant l’hébergent depuis des années. Sa suffisance, son arrogance et son ton hautain envers mes compatriotes sont archi connus depuis au moins 25 ans.
En tout cas, les Belges qui ont collaboré avec l’occupant nazi sont, toute proportion gardée par rapport à la taille de la population, en nombre très inférieur comparé aux Ukrainiens de l’époque qui ont, eux, contribué activement à l’extermination d’au moins 1 500 000 juifs ukrainiens en collaborant avec les milices SS. Ceci est historiquement attesté.
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Mais de ceci, Monsieur Quatremer n’en a jamais entendu parler, ou ne veut tout simplement pas se le rappeler. Pire, il ne veut sans doute pas le prendre en compte, l’homme de gauche est trop impliqué dans la défense des Ukrainiens, comme ses confrères officiants sur les plateaux des chaînes d’infos continues, qui n’hésitent pas à qualifier de manière scandaleuse le bataillon néonazi Azov de « combattants héroïques » (entendu sur LCI dans la bouche de Laurence Haïm, journaliste franco-américano-israélienne, et dans celle de Bruno Tertrais, politologue spécialisé dans l'analyse géopolitique et stratégique actuellement directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, ou encore écrite de la main de BHL sur son compte Twitter).
Or, il est de notoriété publique que ces « soldats », entraînés par les États-Unis et les Britanniques, sont dans leur très grande majorité des adeptes et des adorateurs du troisième Reich, dont les corps sont généralement tatoués d’insignes et de symboles à la gloire de Hitler et de l’idéologie nazie raciste et exterminatrice. Les fact checkeurs pourront aisément vérifier.
Mais ce genre de vérité n’est pas bonne à exposer, la cause de la guerre en Ukraine autorisant toutes sortes de falsifications historiques, ainsi que les plus énormes mensonges et les narratifs propagandistes antirusses les plus primaires. Pour la bonne cause.
Il aura donc fallu presque 64 ans à Jean Quatremer, journaliste de gauche de la première heure mitterrandienne, pour enfin trouver une réponse à la question existentielle qui le taraudait, en me lisant. Bravo, vous en aurez mis du temps.
N’est cependant pas antifasciste et résistant qui veut, Monsieur Quatremer, castor antifasciste de pacotille lâchement planqué derrière son écran en se croyant autorisé à écrire des insanités en toute impunité.
Certains lecteurs se souviendront de vous.
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