Réduire le risque médicamenteux : le plan de François Pesty (partie 2)
DOSSIER - Erreurs médicamenteuses, mésusage, non-pertinence et inefficience des prescriptions, le talon d’Achille se trouve dans les logiciels métiers des professionnels de santé. Mon plan pour y remédier
Une tribune en dix épisodes, dix propositions faisant appel au "numérique en santé", mon projet de loi citoyen en dix amendements au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2024
Deuxième épisode : Proposition N°1: "La liste complète des traitements pris par le patient doit avoir été identifiée avant toute nouvelle prescription médicamenteuse".
Premier amendement proposé : " Module d’aide à la conciliation médicamenteuse, intégrée aux logiciels d’aide à la prescription en ville (LAP), à l’hôpital (LAPH), et dans les établissements médico-sociaux".
L'article L. 161-38 du code de la sécurité sociale (ici) est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du II, après le mot : "logiciels", et avant le mot " intègrent", sont insérés les mots : "apportent une aide à la conciliation médicamenteuse des patients ambulatoires, des malades hospitalisés ou des résidents hébergés, à leurs entrée et sortie d’un établissement sanitaire ou médico-social, à partir de l’exploitation des données de l’historique des remboursements du patient, ou de son DMP, ou de son 'Espace de Santé ' et de son 'Dossier Pharmaceutique', pour tout nouveau patient et avant toute nouvelle prescription, y compris pour le renouvellement d’une ordonnance chez un patient connu. Le module d’aide à la conciliation médicamenteuse doit permettre en quelques minutes à partir des dates de délivrance, des présentations pharmaceutiques délivrées et des nombres de boîtes, de reconstituer la prescription actuelle, de valider chaque traitement avec l’aide du patient ou de son entourage, qui confirme ou non la prise effective des médicaments, puis de procéder à une analyse pharmaceutique complète de l’ordonnance afin d’identifier d’éventuelles contre-indications, mises en garde, interactions médicamenteuses, mauvaise observance ou effets indésirables".
2° A la fin du II, après la phrase se terminant par "financement", sont insérés les mots : "Ces logiciels permettent aux pharmaciens d’accéder aux mêmes fonctionnalités que les médecins en matière d’aide à la conciliation médicamenteuse."
Exposé sommaire :
Cet amendement se propose d’introduire dans le périmètre et comme exigence fonctionnelle minimale attendue de la certification des logiciels d’aide à la prescription et d’aide à la dispensation, dont est chargée la Haute Autorité de Santé, un module d’aide à la « conciliation médicamenteuse » s’appuyant sur la prises en compte des données de l’historique des remboursements (HdR intégré ou « Mon espace santé », SNIIRAM (Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie), serveurs de l’assurance maladie, accès à l’aide de la carte vitale et de la carte de professionnel de Santé ou d’une e-CPS) et aussi du « Dossier Pharmaceutique » (serveur du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens).
En effet, la conciliation médicamenteuse, l’une des 5 priorités définies par l’OMS lors des transitions de soins, consiste avant de prescrire un ou plusieurs médicaments à un patient, à identifier son traitement complet, et le cas échéant à préciser pour chaque ligne, son maintien, sa suspension (par exemple pendant une intervention chirurgicale), son arrêt, sa substitution. A l’entrée du malade, la conciliation médicamenteuse constitue donc la première étape du « circuit du médicament » à l’hôpital, indissociable de la prescription d’entrée. Toute divergence, en particulier non intentionnelle, peut s’avérer préjudiciable à la sécurité du patient. Notamment, l’omission d’un traitement vitale ; la prescription d’un mauvais dosage ; une erreur de substitution. La prescription d’un médicament incompatible (contre-indication absolue) avec un autre déjà pris par le patient, sans que le médecin ne le sache, faute d’avoir pu effectuer la conciliation médicamenteuse, peut aussi entraîner des conséquences dramatiques. Pour exemple, voici le court extrait d’un reportage diffusé sur France 5 le 09/06/2015 dans l’émission « Enquête de Santé » et que l’on pourrait intituler : « Le décès d’Emile aurait été évité s’il avait pu bénéficier d’une conciliation médicamenteuse intégrée dans le logiciel de son médecin » (2 min 23 s ; Cliquer : ici)
La prescription de sortie du patient de l’hôpital, doit également réintroduire si possible (s’ils sont encore pertinents) les médicaments personnels qu’avait le patient à son entrée s’ils ont été suspendus en raison de leur absence au livret thérapeutique de l’établissement.
A noter paradoxalement que plus d’une centaine de logiciels certifiés en ville sont capables d’identifier en back-office les médicaments délivrés au patient mais qui ne figurent pas sur l’ordonnance que s’apprête à valider le médecin, et donc, d’en proposer l’ajout (grâce à l’intégration du téléservice HRi de l’assurance maladie. [Pour en voir la liste, voici les critères à prendre en compte sur le moteur de recherche du CNDA = PRESTATAIRES DE SOINS - Applications : SESAM-Vitale ou Lecture Vitale ou INS-C ou TLSi (HRi : Historique des Remboursements) ou DMP Compatibilité - Catégorie PS (Ensemble des Prescripteurs et Ensemble des Médecins et Ensemble des Pharmaciens) : ici)]. Mais aucun à l’hôpital.
Les pharmaciens à l’hôpital comme en ville doivent pouvoir consulter ces mêmes informations dans le cadre d’une analyse pharmaceutique optimisée des ordonnances.
La conciliation médicamenteuse (« medication reconciliation » chez les anglo-saxons) a fait partie des cibles prioritaires d’usage (« Core Meaningful Use ») à atteindre obligatoirement pour le paiement à la performance des hôpitaux et des médecins utilisateurs de logiciels certifiés dans les hôpitaux américains, et constituait l’un des principaux leviers d’amélioration permettant d’expliquer les résultats spectaculaires déjà obtenus aux USA dans la lutte contre les erreurs médicamenteuses et l’iatrogénie liée entre 2011 et 2017.
- 1.422.857 événements indésirables médicamenteux évités,
- 23.780 décès évités,
- 7,55 milliards de dollars épargnés,
Les calculs ont été réalisés à partir des événements indésirables collectés au moyen d’un « data mining » (fouille informatique) du contenu de plusieurs dizaines de milliers de dossiers médicaux électroniques de bonne qualité dans le cadre du programme « PfP » (Partnership for Patients, que l’on pourrait traduire par « partenariat au bénéfice des patients ») pour 5 groupes de médicaments à risque élevés (Digoxine, hypoglycémiants, héparine sodique, héparines de bas poids moléculaire, nouveaux anticoagulants oraux, et antivitamines K). La méthodologie est détaillée par CMS (Center for Medicare & Medicaid Services).
Rapport final 2017 de l’AHRQ publié en juillet 2020 (ici)
Rapport final 2014 de l’AHRQ publié en décembre 2016 (ici)
Le fait que la Haute Autorité de Santé, n’ait en octobre 2023 toujours pas imposé aux éditeurs l’ajout d’un module d’aide à la conciliation médicamenteuse, alors qu’elle est chargée par le législateur de définir les référentiels de certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP) et d’aide à la dispensation (LAD), utilisés par les médecins et les pharmaciens à l’hôpital, dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les EHPADs, ainsi qu’en ville, peut s’avérer catastrophique pour la sécurité de toute personne faisant l’objet d’une prise en charge médicamenteuse.
Explications :
En quoi consiste la conciliation médicamenteuse et pourquoi est-elle si cruciale pour sécuriser la prise en charge ?
Concilier les traitements médicamenteux d’un(e) patient(e) consiste à identifier de manière exhaustive la liste des médicaments pris ou à prendre
L’OMS a défini un protocole en quatre étapes pour réaliser une conciliation médicamenteuse :
- La recherche active d’informations sur les médicaments du patient ;
- Le formalisation et la validation pharmaceutique1 du bilan médicamenteux optimisé ;
- La comparaison du bilan médicamenteux optimisé 2 avec l’ordonnance d’admission et l’identification des divergences ;
- La prévention et la correction des divergences non documentées au cours de l’entretien collaboratif médico-pharmaceutique ;
[1] "Pharmaceutique" car seuls les pharmaciens hospitaliers en France se sont emparés de la conciliation médicamenteuse, alors que les médecins auraient dû avoir l’obligation, sinon la responsabilité, y compris pénale, de la réaliser. Attendu qu’il s’agit d’une étape préalable à toute nouvelle prescription ou à tout renouvellement d’ordonnance !
[2] Le bilan médicamenteux optimisé (BMO) est la liste la plus complète possible (idéalement exhaustive) de tous les médicaments pris ou à prendre en routine par le patient avant son hospitalisation, qu’ils soient prescrits par un médecin ou pris en automédication.
Cette conciliation médicamenteuse réalisée exclusivement par les pharmaciens, qui ont bien du mérite, mais dont la méthodologie recommandée par la HAS 3, qu’ils appliquent à la lettre, caractérisée par une absence totale de pragmatisme, et emprunte d’un perfectionnisme idéologique, de plus extrêmement lourde, très chronophage, car manuelle, et qui en réalité aboutit malheureusement à livrer ses résultats, conclusions, décisions à prendre, beaucoup trop longtemps après l’entrée du malade à l’hôpital et ce pour seulement une poignée de patients, alors que tous devraient y être éligibles !
[3] En effet, le guide publié dans sa dernière version en février 2018 par la HAS, Mettre en œuvre la conciliation des traitements médicamenteux en établissement de santé - Sécuriser la prise en charge médicamenteuse du patient lors de son parcours de soins est hélas une véritable usine à gaz, anachronique, et une recommandation élaborée depuis leur tour d’ivoire par ses auteurs déconnectés de la réalité du terrain, et ce, alors même depuis des années qu’un accès électronique est possible à l’historique médicamenteux de chaque Française et chaque Français. En effet, après une expérimentation réalisée en 2004 dans qautre départements (Alpes-Maritimes, Val-d’Oise, Seine-Saint-Denis, Yvelines), la CNIL avait dès le 10 juillet 2007 autorisé l’accès généralisé des médecins au téléservice de l’Assurance maladie, "historique des remboursements", nommé initialement "web médecins" (ici). De surcroît, la HAS précisait que ce guide n’avait pas vocation à être opposable. Songez que la HAS préconise encore pas moins de 18 sources d’informations à recueillir pour réaliser la conciliation médicamenteuse :
Page 13 du guide
- Entretien avec le patient ;
- Entretien avec les proches ;
- Entretien avec le pharmacien d’officine ;
- Entretien avec le pharmacien hospitalier ;
- Entretien avec le médecin traitant ;
- Lettre du médecin traitant ;
- Le dossier médical partagé ;
- Lettres de liaison ;
- Dossier pharmaceutique ;
- Bilan partagé de médication par le pharmacien d’officine ;
- Compte-rendu de télé-expertise entre deux médecins généralistes pour un patient admis en EHPAD ;
- Médicaments apportés par le patient ;
- Ordonnances apportées par le patient ;
- Fiche de liaison de l’établissement d’hospitalisation pour personnes âgées dépendantes ;
- Entretien ou lettre du médecin spécialiste ;
- Fiche de liaison avec le service de soins à domicile ;
- Dossier patient d’une précédente hospitalisation ;
- Volet de synthèse médicale.
Comment voulez-vous que cette démarche puisse aboutir en quelques secondes ou minutes, à l’identification de tous les médicaments pris et à prendre par le patient, notamment dans le cadre d’un passage aux urgences ?
Heureusement qu’au travers de la démarche de certification des logiciels, qui incombe à la HAS, il sera un jour possible et le plus tôt sera le mieux, de systématiser et de rendre obligatoire un processus bien plus efficace et rapide que la méthode très manuelle et à risque de multiples erreurs du guide 2018, en s’appuyant enfin sur l’exploitation des données de l’historique médicamenteux, aujourd’hui présentes dans "Mon Espace Santé ", hier dans l’HdR ou HRi "Historique des remboursements".
Nous n’avons perdu que 19 années en tergiversations. Combien de mort aurions-nous pu éviter depuis 2004 ou 2007 ? La Haute Autorité de santé, l’Assurance maladie qui a trainé les pieds pour l’implanter à l’hôpital et le législateur portent une lourde responsabilité dans ces errements…
Quoi qu’il en soit, il faut bien reconnaitre que si l’étape de la conciliation médicamenteuse n’est pas réalisée correctement, la sécurité du patient peut être sérieusement engagée :
- Parce qu’un ou plusieurs médicaments pris par le patient peuvent s’avérer être tout simplement la cause de son passage aux urgences ou d’une consultation chez son médecin traitant, en particulier chez les personnes âgées ;
- Parce que l’erreur la plus fréquente est l’omission et que si elle porte sur un traitement indispensable voire vital, elle peut gravement mettre en danger le patient ;
- Parce que le "nomadisme médical " existe et qu’un patient peut avoir de multiples ordonnances émanant de spécialistes divers (cardiologue, endocrinologue, gastro-entérologue, neurologue, oncologue, rhumatologue, dermatologue, psychiatre…), lesquels "manipulent" des molécules très puissantes et pouvant interagir de manière délétère avec les traitements prescrits par le médecin traitant. Si les médicaments correspondants n’ont pas été identifiés, alors les contrôles de sécurités ne pourront être réalisés (associations de médicaments contre-indiqués ou déconseillées, indication contre-indiquée, selon les pathologies et les comorbidités, vérification du non-dépassement des doses par 24 h et par prise…
Les résultats désastreux de l’étude MED’REC publiés par la HAS en septembre 2015 (ici) et qui auraient dû l’aider à prendre de bonnes décisions
Sous l’égide de l’OMS, la HAS a coordonné une expérimentation sur la mise en œuvre de la conciliation des traitements médicamenteux dans neuf établissements de santé français (Projet MED’REC) dont 5 CHU, Xavier Bichat-Claude-Bernard (Groupe Hospitalier Paris-Nord-Val-de-Seine, Paris AP-HP), CHU Bordeaux, CHU Grenoble (Isère), CHU Nîmes (Gard), CHU Strasbourg (Bas-Rhin), 3 CH, Compiègne, Lunéville, Saint-Marcelin (Isère), et la clinique de la Croix Blanche à Moutier-Rozeille (Creuse)
Les patients éligibles à l’expérimentation Med’Rec devaient être âgés de plus de 65 ans, admis par les urgences, puis hospitalisés en court séjour.
L’expérimentation s’est déroulée entre 2010 (pré-test, un seul établissement, le CH Lunéville) et 2014
Les résultats ont été produits par huit des neuf établissements participants.
- La durée totale moyenne d’une conciliation médicamenteuse était comprise entre 30 minutes et 66 minutes ;
- Seulement 15,4% des patients éligibles ont été conciliés ;
- Une (1) divergence intentionnelle non documentée en moyenne a été retrouvée pour chaque patient.
Près d’une (0,9) erreur médicamenteuse en moyenne par patient a été rapportée :
- Dans 73 % des cas il s’agissait d’une omission ;
- Erreur de dose dans 14 % des conciliations ;
- Erreur de médicament dans 7 % des conciliations ;
- Erreur de moment de prise dans 6% des cas.
Le constat fait de cet échec, montre bien que la seule solution se trouverait dans les outils digitaux, seuls capables d’accélérer et de sécuriser les processus, à condition de garantir la complétude de la collecte des données de l’historique médicamenteux dans "Mon Espace Santé " quel que soit le type de délivrance, pharmacies de ville, pharmacies hospitalière (la rétrocession), mais aussi, il ne faudra pas les oublier, tous les médicaments délivrés et administrés aux patients hospitaliers et aux résidents hébergés en EHPADs. A ce propos, la mise en place de la lecture code-barres au lit du malade (proposition n°8) serait le meilleur moyen de les tracer dans "Mon Espace Santé". L’Assurance maladie y a-t-elle pensé ? Le dossier pharmaceutique doit aussi permettre d’alimenter l’historique des médicaments d’automédication.
Toute nouvelle prescription médicamenteuse, y compris pour un renouvellement, doit enclencher obligatoirement le module d’aide à la conciliation médicamenteuse. Une fois les traitements du patient conciliés, le logiciel doit effectuer tous les contrôles de sécurité prévus (analyse pharmaceutique complète de l’ordonnance : recherche des indications contre-indiquées en fonction de la pathologie et des comorbidités du patient ; recherche à l’aide de la dernière mise à jour du thésaurus de l’ANSM intégré dans les bases de données médicamenteuses agréées par la HAS, adossées aux logiciels certifiés, des associations médicamenteuses contre-indiquées (à proscrire) ou déconseillées, des précautions d’emploi, et même celles "à prendre en compte" ; vérification du non-dépassement des doses maximales par prise et par 24h ; détection de principe(s) actif(s) redondant(s) ; alertes sur les principaux effets indésirables sérieux et fréquents ; déclenchement des SAM (systèmes d’aide à la décision indexés par médicaments) s’ils remplissent les conditions pour les mettre en œuvre…
En date du 12 octobre 2023, la Haute Autorité de santé n’avait validé que seulement 25 SAMs (ici). Pourtant un formulaire de référencement de SAM, par les éventuels demandeurs (une agence sanitaire, le Ministère de la santé, la caisse nationale d’Assurance maladie, la HAS), est disponible depuis juillet 2021 (ici) à transmettre à l’adresse contact.mns@has-sante.fr.
C’est dire si le numérique en santé est la dernière des priorités des autorités de santé ! Il existe même une charte du responsable de l’élaboration et de l’actualisation d’un SAM (ici)
Pourtant, les SAMs pourraient très utilement produire des alertes ("pop-up") et fournir des informations susceptibles d’éviter une erreur médicamenteuse
Prenons un exemple, celui d’une prescription de méthotrexate, qui appartient à la liste des médicaments à haut risque (" never event" ou "événement qui n’aurait jamais dû avoir lieu"), par voie IV ou per os dans une indication non cancéreuse, par exemple dans la polyarthrite rhumatoïde, ce médicament ne doit être administré qu’une seule fois par semaine. Sa prise répétée peut être fatale ! Voilà donc un risque qu’il ne faut pas laisser se réaliser. Le SAM est la solution. Les conditions à vérifier pour qu’il s’exécute sont : indication dans la polyarthrite rhumatoïde (ou les autres maladies auto-immunes pour lesquelles il peut être prescrit…), une prescription journalière, une administration déjà effectuée au cours de la semaine précédente, si l’infirmière scanne le code-barres de la présentation pharmaceutique en vue de l’administrer au patient. Un message doit alerter : "Ne pas administrer - Ce médicament ne doit être pris qu’une fois par semaine !"
Pourtant, les SAMs pourraient aussi proposer des alternatives plus pertinentes et/ou plus efficientes
Nous pouvons prendre pour exemple de nombreux antihypertenseurs, jamais évalués sur des critères durs (pertinents) de jugement dans des essais cliniques randomisés en double aveugle, bien conduits, mais seulement sur des critères intermédiaires de jugement tels que l’efficacité tensionnelle, et pour lesquelles il existe des alternatives bien plus préférables, car ayant démontré une réduction de la mortalité toutes causes, de la mortalité cardiovasculaire, une réduction des infarctus
du myocarde, des AVC…
L’exploitation des niveaux d’ASMR* des médicaments dans l’ordre permettrait en première approche de faire des choix mieux appropriés dans l’intérêt des patients…
(*) ASMR : amélioration du service médicale rendu, avec un score de I à V, selon la doctrine de la commission de la transparence (ici) chargée d’évaluer le progrès thérapeutique à la HAS, classant le progrès apporté par un nouveau médicament par rapport à un comparateur actif ou un placebo de "majeur" pour I, "important" pour II, "modéré" pour III, "mineur" pour IV et "inexistant" pour V. Au passage cette commission qui donne un avis pour le remboursement par la Sécurité sociale, s’est bien gardée de définir des scores négatifs pour des régressions thérapeutiques…
Pourtant, les SAMs pourraient également fournir une aide à la planification des surveillances des traitements prescrits. Surveillances qui opportunément permettraient d’intercepter un événement avant qu’il ne se produise. Une problématique si peu prégnante dans les référentiels HAS de certification des logiciels d’aide à la prescription hospitaliers.
Le dernier en date du 6 mai 2021 (ici), ne cite que 3 fois le mot "surveillance" : 1. Au niveau du critère 55, "Pour chaque ligne de prescription, le LAP permet au prescripteur de préciser les modalités d'administration", en prenant l’exemple suivant "Sulfate d’atropine LAVOISIER 0,25 mg/1 ml, solution injectable, voie intraveineuse lente sous surveillance". 2. Au niveau du critère 57, "Pour chaque ligne de prescription, le LAP permet au prescripteur de préciser pour chacun des médicaments un motif de la prescription", en prenant l’exemple suivant "Objectif : précision par le prescripteur de la cible thérapeutique visée, une surveillance associée, une réévaluation à effectuer... Ex : Clobazam 10 mg, comprimé, 1 comprimé par jour". 3. Au niveau du critère 119, "Le LAP permet au prescripteur d’interchanger une ligne de prescription d'un médicament biologique par un médicament biologique similaire appartenant à la liste de référence des groupes biologiques similaires", pour "Assurer une surveillance clinique appropriée lors du traitement" ;
Reconnaissez que c’est un peu court et qu’il va falloir en fonction du médicament, de son ou de ses indication(s) thérapeutique(s) validée(s) par l’AMM, qui ont motivé le choix du prescripteur, des risques associés, des comorbidités du patient, définir des SAMs pour planifier la surveillance clinique, biologique, infirmière…
Les logiciels des médecins et des pharmaciens doivent être équipés d’un tel module d’aide à la conciliation.
Complément issu du challenge de l’OMS "Médicament sans préjudice"
L’OMS a proposé en juin 2022 un webinar traitant de la sécurité des médicaments dans les transitions de soins (ici)
Ciara Kirke, clinicienne responsable du programme national de sécurité médicamenteuse, Irlande, était la première intervenante. Elle commente les données édifiantes publiées dans un rapport technique de l’OMS en juin 2019, et disponible en anglais Medication safety in transitions of care: technical report (en accès libre : ici). Il s’agit des divergences ou discordances entre les traitements médicamenteux pris par les patients avant et après une transition de soin (voir page 15 du rapport technique). A savoir :
- 14 % à 98 % des personnes âgées vivant dans la communauté, et 27 % à 57 % des personnes âgées en EHPAD médicalisé, présentent des divergences de traitement ;
- A l’admission à l’hôpital, 3 % à 97 % des patients adultes et 22 % à 72 % des patients pédiatriques ont au moins une discordance de médicament ;
- Lors des transferts entre services hospitaliers d’un même hôpital, 62 % des patients présentent au moins une divergence non intentionnelle de traitement ;
- En sortie d’hospitalisation, 25 % à 80 % des patients ont au moins une divergence de traitement
A 1:08:25 de l’enregistrement vidéo du webinar, le Dr Thamir Alshammari, professeur associé de l’Université de Riyad, nous apprend que dans les gros hôpitaux d’Arabie saoudite, grâce à leurs applications numériques capables de se lier aux dossiers médicaux électroniques des patients, les professionnels de santé peuvent accéder à l’historique médicamenteux des patients, réaliser une conciliation médicamenteuse, et faire un "bilan de médication".
Le 23 mai 2023, au salon professionnel Santexpo 2023, sur le stand de Docaposte, filiale de La Poste, hébergeur de "Mon Espace Santé", une démonstration convaincante avec l’application Icanopée, une clef digitale pour ouvrir "Mon Espace Santé " et en exploiter les données, notamment celles de l’historique médicamenteux. Il n’y a plus qu’à stimuler les éditeurs de logiciels et les autorités de santé concernées…
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.